Les Shadoks de Fukushima
mai 5, 2013
Les shadoks de Fukushima
Tout le monde, ou presque, connait cette série animée de Jacques Rouxel mettant en scène de drôles de personnages qui passaient leur temps à pomper… ils sont l’illustration parfaite de ce qui se passe aujourd’hui dans la centrale dévastée de Fukushima.
Et les Shadoks pompaient…
C’est en effet ce que font les employés de Tepco depuis plus de 2 ans, pompant l’eau contaminée qui fuit de toutes parts, et tentant de colmater les fuites d’eau radioactive qui se multiplient.
Comparé au risque réel et considérable que font courir les piscines de stockage, dans lesquels au total 2014 assemblages attendent d’être déchargés, en se rappelant que la piscine centrale contient pour sa part 6375 assemblages supplémentaires, on peut tenter de se rassurer en se disant que ce ne sont que des fuites, et pourtant…
Pour bien comprendre la situation, il faut savoir qu’aujourd’hui il est essentiel de maintenir la température des piscines de stockage a une température raisonnable, sachant que si celle-ci dépassait le seuil de 65°C, (lien) la situation deviendrait incontrôlable, et que comparé à ce qui s’est déjà passé à Fukushima, l’ampleur de la catastrophe dépasserait l’imaginable.
Il était prévu un système de décontamination qui permettrait de réutiliser l’eau, mais il n’a jamais donné complète satisfaction.
L’eau de refroidissement est donc stockée au fur et à mesure dans les 930 cuves installées sur le site, et à ce jour, Tepco a atteint les 80% de ses capacités de stockage… il faudra donc bientôt déboiser un autre terrain, afin d’agrandir le site.
Pour Michel de Muelenaere, même si Tepco se veut rassurant, il ne faut pas prendre ça à la légère, et il faut trouver rapidement une solution : « soit les ingénieurs mettent au point un nouveau système de décontamination qui permet de traiter toute l’eau contaminée, soit on accroit la capacité de stockage ». lien
Un autre problème à surgi : les fuites se multiplient, et l’eau qui s’échappe est fortement contaminée jusqu’à 370 000 Bq par litre.
Dès le 21 novembre 2011, 176 litres avaient fui, puis 96 litres le 10 décembre, et ainsi de suite le 12 décembre, le 14 décembre, le 25 décembre, le 31 janvier, le 18 février, le 3 mars, le 5 avril, le 9 mai, le 14 juin, le 18 juin, le 14 aout, le 17 aout…
A cette date, on estimait que chaque jour 400 tonnes d’eau fortement contaminée prenaient la direction des nappes souterraines et depuis septembre 2012, on a comptabilisé pas moins de 56 fuites successives : le 18 septembre, le 5 octobre, le 21 novembre, le 10 novembre, le 14 décembre, le 25 et 26 décembre, le 31 janvier, le 18 février, le 28 février, à tel point que des esprits taquins finiraient par débaptiser la centrale nucléaire en la qualifiant de passoire.
Le 5 avril dernier, une nouvelle fuite de 120 tonnes d’eau fortement radioactive s’est produite dans le réservoir souterrain n°2, laquelle devait être pompée et dirigée vers un autre réservoir. lien
Le 7 avril, une seconde fuite aurait été découverte dans une autre cuve souterraine. lien
Ces réservoirs souterrains contiennent 13 000 tonnes d’eau, et si le réservoir incriminé ne se trouve qu’à 800 mètres de l’océan, Tepco juge peu probable que l’eau radioactive puisse s’y écouler. lien
Mais quel crédit peut-on encore donner à cette entreprise qui nous a tant habitués à la dissimulation, voire au mensonge ?
Le 10 avril 2013, Tepco informait que le total des eaux contaminées stockées s’élèvait à 280 000 tonnes, pour un stockage possible de 331 000 tonnes. lien
Difficile d’estimer quelle est la réelle quantité d’eau radioactive qui a rejoint les nappes phréatiques ou l’océan, mais ce qui est certain, c’est qu’au moment ou l’on commémore la tragédie de Tchernobyl, avec le nucléaire, qu’il soit civil ou militaire, on n’est jamais à cours de mauvaises surprises..
Finalement, le 10 avril dernier, Tepco a reconnu la gravité de la situation, mettant en place une cellule de crise, et Naomi Hirose, directeur général de la centrale, (lien) a assuré « faire en sorte de retirer toute l’eau des réservoirs souterrains d’ici juin 2013 » assurant que « les fuites devraient être pompées au fur et à mesure pour éviter une contamination du sol » en ce qui concerne 3 des 7 réservoirs souterrains. lien
Mais n’est-ce pas un peu trop tard ?
Le 11 décembre 2012, on comptabilisait 237 000 tonnes d’eau contaminée sur les 320 000 tonnes possibles, et Tepco avait commencé à déboiser de nouvelles surfaces afin de pouvoir stocker 700 000 tonnes de stockage d’eau radioactive d’ici 3 ans. lien
Si l’installation de décontamination fonctionnait normalement, tout ça n’aurait pas été nécessaire, et tant que tous les assemblages n’ont pas été sortis des piscines, il faudra continuellement alimenter en eau celles-ci, et remplir donc de nouveaux réservoirs.
A ces fuites, il faut ajouter les pannes de refroidissement des piscines de stockage.
On se souvient de la panne de refroidissement survenue le 20 mars, suite à un court circuit provoqué par un rat, (lien) et que le 5 avril 2013 le système de refroidissement de la piscine du réacteur n°3 avait subi une nouvelle avarie, ce qui avait contraint Tepco d’arrêter ce système de refroidissement les 25 et 26 avril pendant une durée de 33 heures, afin de tenter de rendre l’ensemble électrique en principe moins vulnérable. lien
L’AIEA s’inquiète à juste titre, et vient de demander à Tepco « d’améliorer la fiabilité des systèmes essentiels, d’évaluer l’intégrité structurelle des équipements du site et d’améliorer la protection contres les risques extérieurs ».
Il faut aussi évoquer les étranges méthodes du gouvernement japonais destinées à cacher la réalité de la pollution radioactive : des murs ont été érigés autour des balises en place dans le pays, et les autorités prêtent aux visiteurs des radiamètres sous-calibrés qui indiquent des mesures 2 fois moindres que la réalité. lien
A Tchernobyl, à l’occasion de la commémoration du 27ème commémoration de la catastrophe, on en est toujours à décompter les morts : alors que l’ONU ne reconnaissait que 31 victimes, par la voix de son « comité scientifique », Greenpeace évoquait plus de 100 000 morts, et l’académie des sciences de l’état de New York, moins optimiste, a comptabilisé près d’un million de morts. lien
Il n’est pas inutile de s’interroger aussi sur les conséquences psychologiques et les troubles physiques qui, d’après Green Cross International, organisation fondée par Mikhail Gorbatchev, toucheraient 10 millions de personnes. lien
« La dépression, l’anxiété et le suicide sont éléments essentiels identifiés dans les populations vivant dans les zones contaminées » a déclaré Maria Vitagliano, directrice au sein de l’organisation. lien
L’étude complète est sur ce lien.
Au delà de ce décompte macabre, rien n’est pour autant terminé, et le sarcophage fissuré devrait être remplacé d’ici 2 ans par une nouvelle structure, (cout estimé à 1,5 milliards d’euros), afin de tenter des opérations de « décontamination » à l’intérieur du réacteur. lien
Initialement, ce sarcophage devait être inauguré en 2012, et le nouveau sarcophage prévu maintenant pour 2015 devrait tenir en principe un siècle. lien
On n’a pas oublié non plus l’effondrement, le 12 février dernier, sous le poids de la neige, d’un toit et d’un mur de la salle des turbines de la centrale, à quelques dizaines de mètres à peine du sarcophage. lien
En attendant, 6 à 7 millions de personnes vivent toujours dans les 150 000 km² de la zone contaminée, dans une indifférence quasi générale.
L’Europe a investi des centaines de millions d’euros, et va continuer dans ce sens.
Prochainement, un million d’euros servira à la construction de serres afin de cultiver des légumes à l’abri de la contamination, un autre million étant destiné à filtrer la pollution radioactive lors de la combustion de bois de chauffage.
2 autres millions permettront de mettre à jour la carte des zones contaminées, et de mettre en place un programme sanitaire pour protéger autant que possible les femmes enceintes, et les enfants.
On sait aujourd’hui que les pertes consécutives à la catastrophe pourraient atteindre 137 milliards de dollars en 2015. lien
En France, à l’occasion de la journée internationale de mobilisation contre le nucléaire, des militants, membres de la coordination antinucléaire du Sud Est, ont effectué une marche de 200 km contre le nucléaire afin de relier 3 sites nucléaires : Cadarache, Marcoule, arrivant finalement au Tricastin, le vendredi 26 avril. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « ce qui te manques, cherche le dans ce que tu as ».
L’image illustrant l’article provient de « nanar.net »
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
Le 30 avril, 21h, conférence interactive sur Fukushima
Une pétition à signer pour défendre les énergies propres.
Films à voir : « fukushima, chronique d’un désastre » ARTE
Terre Souillées, documentaire de Marie Dominique Robin
Beaucoup de vidéos sur le site de Scoop It.
A lire : « Fukushima, récit d’un désastre » de Michaël Ferrier
A découvrir : ce reportage dans la zone interdite, ainsi que ces vidéos décrivant chronologiquement la catastrophe.
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