Les USA au Moyen-Orient: continuation de la politique britannique
août 10, 2012
Albert A. Stahe
Bien qu’une solution pacifique de la situation en Syrie soit souhaitable, il se déroule dans ce beau pays malheureusement une guerre civile, à laquelle les USA se mêlent «uniquement» avec des livraisons d’armes à «l’Armée syrienne libre» à travers le territoire turc. En vérité, l’Administration Obama veut activement affaiblir, voire même circonscrire, par le renversement du régime d’Assad, la position géopolitique de l’Iran. Après la retraite des USA de l’Irak en 2011, l’Iran a pu étendre sa zone d’influence de pouvoir politique jusqu’au Liban et à la frontière occidentale de l’Afghanistan. Mais le maillon le plus faible dans la zone de pouvoir iranienne est le régime syrien, que l’Iran soutient avec des armes contre les insurgés. Les USA veulent, dans une première phase, détacher ce maillon faible de la structure de pouvoir iranienne, afin de pouvoir ensuite, dans une deuxième phase, combattre directement un Iran affaibli. Dans la première phase, les deux Etats satellites, l’Arabie saoudite et la Turquie, servent les buts géostratégiques des USA. Dans cette procédure, les USA évitent d’évoquer que la Turquie d’Erdogan n’est pas réellement une démocratie, et que les Saoudiens mènent un régime inhumain, qui opprime la minorité religieuse des shiites et les femmes. Aucun mot non plus sur les Saoudiens qui sont intervenus avec une force brutale dans le Bahreïn voisin, pour opprimer la minorité shiite en faveur du règne sunnite, qui représente une minorité absolue dans le petit royaume. Il s’y ajoute qu’à Bahreïn se trouve la base militaire la plus importante de l’US-Navy dans le golfe Persique. En Turquie, également, des minorités sont opprimées. En font partie les chrétiens, les alaouites et les Kurdes. Le fait qu’il y a sous Erdogan une islamisation par étapes d’un pays à l’origine séculier, n’est pas du tout mentionné dans la presse américaine et européenne.
Dans la deuxième phase, la puissance militaire israélienne déclenchera probablement la frappe aérienne contre l’Iran. Cependant celle-ci devra être achevée par la puissance aérienne américaine. Washington espère que, par une telle frappe aérienne, le régime des Ayatollahs serait en grande partie humilié, afin de pouvoir être renversé dans une troisième phase. Le but final espéré est un Iran complaisant, qui, par le biais d’une américanisation – surtout de la jeunesse – sera ouvert à tous les désirs de pétrole et les exigences géopolitiques des USA. Le fait que par cette stratégie toutes les minorités en Orient, soit surtout les chrétiens, seront sacrifiées, n’intéresse pas Washington.
Cette sorte de stratégie qui emploie tous les mensonges, les intrigues et les fausses nouvelles envisageables, mais qui n’engage pas de soldats, n’est pas nouvelle. Déjà les Britanniques avaient appliqué avec succès cette stratégie au cours des siècles passés, et ont ainsi mis en place une position qui leur a apporté beaucoup de profit, mais leur a coûté très peu de vie de soldats britanniques. Mais en même temps, la politique et la stratégie britannique au Moyen-Orient est coresponsable des différents massacres des Arméniens dans l’Empire ottoman en 1895, 1908, 1909 et en 1915, parce que les Britanniques ont soutenu pendant plus d’un siècle les sultans à Istanbul dans leurs actions criminelles contre les chrétiens. Sans équivoque, les Britanniques sont responsables de l’extermination et l’expulsion des Grecs de l’Asie Mineure en 1922 par Moustafa Kemal «Atatürk». Ceux-là avaient maintenu une culture de trois milles ans en Asie Mineure. Avec leurs navires de guerre devant les côtes de Smyrna, les Britanniques ont empêché toute aide destinée aux Grecs.1
Les USA ne vont pas répéter les fautes qu’ils ont faites lors de la guerre d’Irak en 2003. Mais on fait déjà tout pour oublier aujourd’hui que le renversement de Saddam Hussein a conduit à l’expulsion d’un demi-million de chrétiens irakiens, qui étaient établis en Mésopotamie pendant presque deux millénaires. Cette tradition de la géostratégie britannique au Moyen-Orient est maintenant poursuivie par les USA avec la guerre en Syrie.2 Qu’un régime réactionnaire selon le modèle saoudien va probablement suivre le renversement du régime d’Assad, ne semble pas trop inquiéter l’administration Obama. Les chrétiens et les droits des femmes vont être sacrifiés sans réflexion sur l’autel du changement du régime syrien. Apparemment, les USA ne sont pas intéressés à de véritables solutions de paix au Moyen-Orient. C’est pourquoi, à l’avenir, ils vont rencontrer leurs cousins anglo-saxons, les Britanniques, sur un pied d’égalité au niveau géostratégique.
par Albert A. Stahel, Institut d’Etudes stratégiques, www.strategische-studien.com
1 Horton, G. (1926 reprint 2001). The Blight of Asia. The Society for the Study of Greek History, Athens.
2 Friedman, G. (Juli 24, 2012). Consequences of
the Fall of the Syrian Regime. 24 July 2012. STRATFOR.
(Traduction Horizons et débats)