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L’étincelle dans la poudrière syrienne


Bien que présentée comme l’intervention de la dernière chance pour stopper l’effusion de sang en Syrie, la réunion des ministres des Affaires étrangères fixée à samedi par l’envoyé de l’ONU, Kofi Annan, ne fera que préparer le terrain à une intensification des exigences de Washington et de ses alliés en vue d’un changement de régime en Syrie.

Bill van Auken
Samedi 30 Juin 2012

 

 L’étincelle dans la poudrière syrienne
Avant la réunion, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, et d’autres responsables occidentaux ont fait des déclarations extrêmement optimistes selon lesquelles les efforts d’Annan porteront leurs fruits, en signalant publiquement que la Russie, qui est opposée à une intervention étrangère en Syrie, a changé sa position et soutient à présent l’éviction du président du pays, Bachar al-Assad.

Sergei Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a nié jeudi ces affirmations lors d’une conférence de presse en Tunisie. « Nous ne soutenons pas et nous ne soutiendrons pas une ingérence externe, » a-t-il dit, en ajoutant que « ceci s’applique aussi au sort de Bachar al-Assad. »

Il ne fait pas de doute que Washington joue un double jeu. D’un côté, ils tentent d’exercer autant de pression que possible sur Moscou pour qu’elle se plie à une intervention impérialiste en Syrie. De l’autre, ils préparent le terrain à une nouvelle campagne de propagande, cette fois-ci pour présenter la Russie comme étant un obstacle à la « paix », alors même que les Etats-Unis et leurs alliés intensifient radicalement leur guerre pas si secrète.

En Syrie même, cette guerre a pris des formes de plus en plus meurtrières, marquée par une vague d’attaques terroristes dans la capitale Damas et dans ses alentours. Jeudi, il y a eu de puissants attentats à la voiture piégée contre le palais de justice dans le centre-ville de Damas ainsi que contre un commissariat de police local.

La veille, des « rebelles » ont attaqué le siège d’une chaîne de télévision située dans une banlieue de Damas. Ils ont saccagé les bureaux et les studios avant de les démolir au moyen d’explosifs et d’exécuter sept journalistes et des agents de la sécurité qui ont été ficelés, obligés de s’agenouiller et tués de sang froid.

Des responsables de l’ONU ont dit que la violence à l’intérieur de la Syrie a « atteint ou même dépassé » les niveaux existant avant l’accord de cessez-le-feu du 12 avril négocié par Annan. De plus, ils ont souligné que le massacre n’est plus tellement une question d’antagonismes entre les forces favorables ou contre le gouvernement, mais plutôt que « les victimes semblent avoir été ciblées en raison de leur affiliation religieuse. »

Au nom de la « démocratie », des « droits de l’homme » et de l’« humanitarisme », l’impérialisme américain et ses alliés ont jeté la Syrie dans une guerre civile sectaire. Feignant de soutenir le plan de cessez-le-feu d’Annan, Washington a armé les soi-disant « rebelles » qui sont de plus en plus dominés par des éléments islamistes sunnites dont ceux liés al Qaïda. Les Etats-Unis affirment ne fournir qu’une aide « non létale » à ces forces – de l’équipement de communication et de renseignement utilisé pour coordonner les attaques – mais ils ont envoyé un contingent d’agents de la CIA à la frontière turco-syrienne pour coordonner la distribution de l’armement payé par les Etats clients de Washington dans la région, les dictatures monarchiques de l’Arabie saoudite et du Qatar.

Avec chaque jour qui passe, le caractère criminel et irresponsable de la politique des Etats-Unis devient plus en plus visible. Les tensions régionales, ethniques et religieuses qui ont été attisées par l’intervention impérialiste en Syrie ne créent pas seulement les conditions pour un bain de sang dans ce pays mais menacent de précipiter la région tout entière dans la guerre.

Jeudi, il a été rapporté dans la presse turque que des colonnes de véhicules militaires chargés de chars, de lance-roquettes et d’artillerie ont été expédiées vers la frontière syrienne suite à la destruction par la Syrie la semaine dernière d’un avion de combat turc. L’avion de chasse abattu était apparemment en train de tester la défense aérienne de la Syrie.

Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a promis que la Turquie « infligera une leçon à ceux qui osent tester les limites de sa puissance, » et des responsables à Ankara ont indiqué que les règles de conduite ont été modifiées à la frontière, et que toute force syrienne s’approchant de la frontière sera traitée comme une force hostile. Ceci pourrait donner lieu à une guerre ouverte alors que d’autres puissances de l’OTAN ont promis de soutenir la Turquie.

Entre-temps, les signes se multiplient que le conflit sectaire déclenché en Syrie est en train de se propager au-delà des frontières vers le Liban qui a mené sa propre guerre civile très longue selon des critères identiques, et vers l’Irak où une série de bombardements ciblant des pèlerins chiites et des sanctuaires a tué ce mois-ci plus de 150 personnes, ce qui menace de raviver le bain de sang sectaire déclenché par l’occupation militaire américain en 2006-2007.

L’une des indications les plus claires des véritables intentions de Washington est le fait que le gouvernement Obama a empêché que l’Iran participe samedi 30 juin à la Conférence de Genève. Le Département d’Etat a déclaré qu’une participation de l’Iran – qui a été proposée par Annan – était une « ligne rouge » qui entraînerait un boycott des Etats-Unis.

Si l’objectif était un accord de paix négocié, la présence de l’Iran, principal allié régional de la Syrie, semblerait indispensable. Ceci, n’est toutefois pas ce que les Etats-Unis prévoient. Ils sont déterminés à instaurer un changement de régime, quel que soit le nombre de vies syriennes perdues. De plus, ils considèrent la création d’un Etat fantoche en Syrie comme un tremplin à une plus vaste campagne et qui pourrait être encore plus sanglante pour renverser aussi le gouvernement en Iran. Les tentatives d’éviction des régimes tant en Syrie qu’en Iran conduisent inévitablement à un conflit avec la Russie et la Chine qui considèrent ces pays comme des partenaires stratégiques.

Après avoir mené deux grandes guerres au cours de ces dix dernières années, en Afghanistan et en Irak, l’impérialisme américain s’est embarqué dans une série apparemment interminable d’interventions militaires – de la Lybie au Yémen, en Somalie, au Pakistan et en Syrie – visant à asseoir l’hégémonie américaine sur les régions d’Asie et du Golfe persique, riches en énergie.

Cette campagne d’agression est une tentative de stopper, en recourant à ce qui lui reste de puissance militaire, le déclin économique du capitalisme américain qui n’a fait que s’intensifier suite à la crise économique qu’a amorcée l’effondrement financier de 2008.

Comme l’expérience amère faite au 20ème siècle le prouve, les tentatives des puissances impérialistes de repartager le monde aux dépens de leurs rivaux conduit inexorablement à la guerre mondiale.

Tels sont les véritables enjeux en Syrie. C’est sur la base d’une position de principe que la classe ouvrière doit s’opposer à l’intervention menée par les Etats-Unis, à savoir qu’un règlement de compte avec le régime Assad est la tâche de la classe ouvrière et non des puissances impérialistes prédatrices qui cherchent à fomenter une guerre sectaire dans le but d’amplifier l’assujettissement de style colonial de la région entière.

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