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Liban : la tension monte avec la Syrie


En colère contre une partie du pouvoir libanais qui a transformé le pays du cèdre en base arrière pour la rébellion armée, la Syrie se fâche et utilise le droit de poursuite en invoquant l’autodéfense.

 

Par : Philippe Tourel dans afriqueasie.fr

Mais quelle mouche a donc piqué le président libanais, connu pour sa modération, pour demander publiquement à son ministre des Affaires étrangères, Adnan Mansour, de remettre une lettre officielle de protestation à l’ambassadeur syrien à Beyrouth à la suite de l’usage par les forces syriennes du droit de poursuite, sur le territoire libanais, de rebelles syriens et de leurs soutiens libanais ? Selon la presse libanaise, le chef de l’État, sous la pression d’une partie de l’opinion mais sans doute sur injonction des chancelleries occidentales, a pris cette décision dans la nuit de dimanche à lundi, après l’incursion dans la région libanaise du Qaa de forces syriennes sur plus de 500 mètres. C’est la première fois depuis le début de la crise syrienne, il y a maintenant 17 mois, que le président libanais se permet de s’exprimer de cette manière, sans se référer, comme c’est l’usage, au Conseil des ministres.

Sans attendre la « protestation » du ministre des Affaires étrangères, qui n’est d’ailleurs jamais venue, l’ambassadeur de Syrie au Liban, Ali Abdel Karim Ali, s’est dit étonné, dans les colonnes du quotidien as-Safir, des protestations du président Michel Sleiman contre les violations syriennes du territoire libanais ces derniers jours. « C’est la Syrie qui devrait protester (…) car c’est son territoire qui est la cible de roquettes et de tirs venant du côté libanais » de la frontière, a affirmé le diplomate dans un entretien avec le quotidien. « Les violations libanaises portent atteinte aux relations bilatérales entre les deux pays », a ajouté M. Abdel Karim Ali.

 

Cette sortie médiatique et verbale du président de la république, plutôt que de gêner le pouvoir syrien, qui a semble-t-il décidé d’user de son droit de poursuite à l’intérieur du territoire libanais dans les zones frontalières, a créé une crise majeure au sein de l’équipe au pouvoir au Liban et au sein de l’opinion plus que jamais divisée sur la crise syrienne entre pro et anti régime. Toujours est-il que le ministre libanais des Affaires étrangères, Adnane Mansour, n’a pas donné suite aux instructions du président. Il s’est contenté d’« adresser » à M. Abdel Karim Ali une note dans laquelle il est fait mention des dernières violations syriennes de la souveraineté libanaise, demandant d’« éviter » qu’elles se répètent. Il a affirmé que celles-ci « ne sont pas préméditées ». Une attitude timorée qui n’a pas été du goût de l’opposition, comme l’a écrit le quotidien francophone très anti-syrien et anti-Hezbollah L’Orient-Le-Jour dans un article au vitriol daté du 25 juillet. « La voix de son maître… En l’occurrence, pour le ministre des Affaires étrangères, Adnane Mansour, le « maître » n’est nullement le chef de l’État libanais, mais plutôt le « frère » syrien. C’est du moins ce qui ressort des atermoiements auxquels se livre le chef de la diplomatie pour tenter de contourner et de court-circuiter la démarche prise lundi par le président Michel Sleiman de présenter une lettre de protestation contre la dernière incursion d’une unité militaire syrienne en territoire libanais et contre la série d’agressions auxquelles se livre l’armée syrienne loyaliste contre le territoire et les citoyens libanais dans les régions proches de la frontière entre les deux pays. » Et le quotidien de poursuivre : « Contrairement aux informations rapportées lundi en fin de journée par certaines sources, M. Mansour ne s’est pas encore exécuté après la demande que lui a faite le chef de l’État. Pire encore, il refuse purement et simplement de donner suite aux instructions du président de la République. Notre correspondant au palais Bustros, Khalil Fleyhane, indique en effet que le chef de la diplomatie estime, d’abord, qu’« il n’est pas nécessaire de convoquer l’ambassadeur de Syrie car il n’existe pas un développement urgent ou un danger qui justifie une telle mesure ». Pour M. Mansour, « la convocation n’est pas de mise entre frères (…) Il n’est pas nécessaire de présenter une lettre de protestation, mais plutôt une note par la voie diplomatique car la violation n’est pas d’un seul côté. Il faut régler la question avec un pays frère sur base des accords bilatéraux, notamment l’accord de défense et de sécurité conclu à Chtaura le 1er septembre 1990, qui précise que chaque pays doit prendre les mesures qui s’imposent pour éviter d’être le tremplin d’une action hostile envers l’autre pays. »

 

Rappelons que la Syrie n’a reconnu l’indépendance du Liban qu’à une condition : « le Liban ne doit servir ni de lieu de passage, ni de base aux forces hostiles à la Syrie ». C’est d’ailleurs le fondement même du Pacte national de 1943 en vertu duquel le mouvement indépendantiste syrien, et l’Etat syrien avaient accepté de reconnaître l’indépendance du Liban. C’est d’ailleurs la première fois dans l’histoire des deux pays que le Liban ferme les yeux sur la présence de forces libanaises et étrangères hostiles au régime syrien.

 

Maintenant que le régime syrien a décidé, depuis l’attentat du 18 juillet, de jeter toutes ses forces dans le combat, y compris à la frontières avec le Liban, il faut s’attendre à une détérioration des relations entre les deux gouvernements, à moins que le Liban ne mette de l’ordre chez lui.

 

Cette position syrienne est d’ailleurs partagée par de nombreux alliés libanais de Damas. Pour le Hezbollah, l’Occident veut installer une base au Nord Liban contrôlée par les salafistes syriens et étrangers et provoquer la mainmise d’Al-Qaïda sur cette région. Le général Michel Aoun, chef du Courant patriotique libre (CPL – allié du parti de Dieu) accuse l’Armée libre syrienne (ALS) d’avoir déjà envahi cette partie du pays du Cèdre. C’est également la position de la majorité écrasante des chrétiens, des chiites et des forces laïques et nationalistes libanaises.

 

La sagesse impose donc que le gouvernement libanais sécurise les frontières avec la Syrie. Sinon, le feu va s’étendre et emporter le fragile équilibre inter-libanais.


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