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L’Irak au bord de l’implosion


France-Irak Actualité

Analyses, informations et revue de presse. La situation en Irak, au Proche-Orient et du Golfe arabe à l’Atlantique.

L’Irak au bord de l’implosion

Publié par Gilles Munier sur 16 Février 2014, 07:06am

Catégories : #Irak

par Ramzy Baroud (revue de presse : Info-Palestine.eu – 14/2/14)*

Alors que le secrétaire d’État américain John Kerry se dépêchait de monter dans son hélicoptère prêt à décoller à la fin d’une visite en Irak l’an dernier, il était de plus en plus évident clair que les Américains avaient déjà perdu le contrôle d’un pays qu’ils avaient voulu remodeler à leur guise.

Son départ le 24 mars 2013 concluait une visite « surprise » destinée à marquer le 10e anniversaire de l’invasion américaine de l’Irak. Dix ans auparavant, les États-Unis avaient pris d’assaut Bagdad, déclenchant un des conflits les plus violents et les plus longs du 20e siècle. Depuis lors, l’Irak n’a cessé de saigner.

Kerry n’a rien amené de nouveau durant cette visite, servant les habituels clichés sur la démocratie soi-disant installée avec succès en Irak, sorte de testament d’un triomphe imaginaire des valeurs américaines. Mais l’anniversaire d’une décennie de guerre ne justifiait pas à lui seul le déplacement d’un diplomate américain. C’était une « surprise » car aucun niveau de coordination entre l’ambassade des États-Unis – un moment constituée de 16 000 employés [diplomates américains, contractuels dans différents secteurs et mercenaires internationaux] – et le gouvernement irakien ne pouvait garantir la sécurité de Kerry.

Pourtant, quelque chose de sinistre se déroule en Irak. La plus grande part des tribus sunnites sont terriblement lassées du cadre politique imposé par les Américains presque immédiatement après leur arrivée et qui a profondément fracturé le pays sur des lignes sectaires. Les régions à majorité musulmane sunnite, dans le centre et l’ouest du pays, ont payé un prix terrible pour l’invasion américaine qui a eu pour effet délibéré de renforcer les élites politiques censées s’exprimer au nom des musulmans chiites.

Ces élites, pour la plupart bien disposées à l’égard des intérêts iraniens, ont commencé à progressivement diversifier leur allégeance. Au début elles ont joué le jeu américain, véritables fer de lance contre tous ceux qui osaient résister à l’occupation. Mais au fil des années, l’actuel premier ministre Nouri al-Maliki a fini par estimer que l’Iran était un allié plus stable avec lequel l’appartenance sectaire, la politique et les intérêts économiques s’alignaient parfaitement. En conséquence l’Irak a été gouverné par une curieuse coalition, une sorte de troïka non déclarée dans laquelle les États-Unis et l’Iran ont eu une grande influence politique, le gouvernement à dominante chiite essayant habilement de maintenir un équilibre afin de survivre.

Bien sûr, un pays de la taille et de l’histoire de l’Irak ne dégringole pas si facilement et de sa propre volonté dans la folie sectaire. Mais les hommes politiques et intellectuels chiites et sunnites qui refusaient de se plier à l’intolérant archétype politique ont été mis à l’écart et privés de tout espace politique dans l’Irak d’aujourd’hui – quand ils n’ont pas été simplement tués ou emprisonnés ou déportés – l’identité nationale étant bannie au profit des appartenances sectaires, tribales et religieuses.

Actuellement, le service diplomatique de l’ambassade des États-Unis s’élève à 5100 personnes, et les entreprises américaines abandonnent leurs investissements dans le sud de l’Irak où se trouve pourtant la plus grande part des ressources pétrolières du pays. C’est dans le sud que al-Maliki a la main haute. Lui, bien sûr, ne parle pas au nom de tous les chiites et il est extrêmement intolérante à l’égard des dissidents. Il lança en 2008 une guerre brutale pour prendre le contrôle de Bassora, expulsant les milices chiites qui contestaient son autorité. Plus tard, il s’est attaqué à l’Armée du Mehdi de l’ecclésiastique chiite Moqtada Sadr dans la banlieue de Bagdad. Il emporta la mise dans les deux cas, mais à un prix terrible. Ses rivaux chiites seraient ravis de le voir partir…

Les coups les plus durs de Maliki ont toutefois été réservés aux dissidents sunnites. Son gouvernement, comme cela est devenu habituel pour la plupart des dictateurs arabes, a prétendu dès le premier jour lutter contre le terrorisme, et son discours n’a pour l’instant guère changé. Alors que les groupes militants sunnites – certains d’entre eux affiliés à Al-Qaïda – ont en effet profité du chaos général pour promouvoir leur propre idéologie et gagner un plus grand soutien à leur cause, les sunnites irakiens ont subi de nombreuses humiliations au cours des années, bien avant l’arrivée en Irak d’Al-Qaïda qui a su bien profiter de l’invasion américaine.

Les tribus sunnites de l’Irak, malgré toutes les tentatives de négocier une formulation digne d’aider des millions de gens à échapper à l’enfer de la guerre, ont été rejetées et humiliées. L’ancien secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, était connu pour sa propension à s’attaquer impitoyablement aux tribus sunnites et à quiconque soutenait ou avait de la sympathie pour la résistance. Grâce à un puissant soutien des milices chiites qui ont servi de base de l’armée irakienne d’aujourd’hui et grâce aux milices kurdes dans le nord, la résistance anti-américaine a été brutalement contenue et isolée.

Cette histoire est aujourd’hui une angoissante réalité. Lorsque la dernière colonne de l’armée américaine s’est acheminée l’Irak au Koweït en décembre 2011, les États-Unis quittaient l’Irak en laissant derrière eux le pire des scénarios : un gouvernement central sectaire où la corruption défit l’imagination, avec un aréopage de partis tous plus impitoyables les uns que les autres se disputant le pouvoir ou voulant se venger, et des clivages sectaires dans leurs manifestations les plus extrêmes.

Malgré cela, l’Irak est toujours très important pour les Américains. Ce pays est peut-être une expérience militaire ratée, mais il reste riche de pétrole et en gaz naturel. En outre, l’Irak s’enrichit et le projet de budget irakien pour 2014 « prévoit des exportations moyennes de 3,4 millions de baril/jour (b/j), en hausse de 1m b/j par rapport à l’année précédente », selon le Economist Intelligence Unit. « Des changements radicaux sont certainement en vue », a rapporté Forbes à propos de l’avenir du marché des hydrocarbures. Quelque chose motive la spéculation et ce « quelque chose est l’Irak ». Les potentialités de la production de pétrole en Irak « éclipsent tout le reste », a rapporté le Canada’s Globe & Mail en citant Henry Groppe, un analyste de premier plan dans le domaine des ressources en pétrole et en gaz. « C’est la chose que tout le monde devrait considérer et suivre d’aussi près que possible », dit-il.

Tirant ses conclusions pour 2012 Iraq Energy Outlook, l’Agence internationale de l’énergie a estimé que l’Irak pourrait « atteindre une production de plus de 9 millions de barils par jour d’ici 2020 », ce qui « serait la croissance soutenue la plus élevée dans l’histoire de l’industrie pétrolière mondiale. »

Et beaucoup sont suivent de près les évènements. Kerry et l’administration américaine ne sont guère friands de Maliki car celui-ci est trop proche de Téhéran pour qu’on puisse lui faire confiance. Mais c’est l’homme fort homme de l’Irak et il commande ??930 000 agents de sécurité « répartis dans l’armée, la police et les services de renseignement », selon la BBC. Et pour les Américains cela a du poids.

Toutefois, les richesses de l’Irak ne peuvent être facilement exploitées. Bien sûr, les partis forts du pays sont rassurés par le fait que la répression de l’armée sur les tribus sunnites- les milices affiliées à al-Qaïda et d’autres groupes d’Al-Anbar ou ailleurs – se déroule en dehors des champs pétroliers du pays. Mais ils ne devraient pas oublier la rapidité avec laquelle les guerres civiles peuvent être hors de tout contrôle. Le nombre de morts en 2013 était alarmant, plus de 8000… La plupart étant des civils selon les Nations unies. C’est le nombre le plus élevé depuis 2008.

« Les pires des années » semblent de retour. Cette fois-ci, les États-Unis ont peu d’influence sur l’Irak et ne peuvent contrôler les événements de loin. « C’est un combat qui appartient aux Irakiens », a récemment déclaré Kerry lors d’une visite à Jérusalem. En effet, avec une présence militaire et diplomatique diminuée, les États-Unis ne peuvent pas grand-chose. En fait, ils ont fait suffisamment de dégâts comme cela.

*Les années noires : l’Irak au bord de l’implosion

http://www.info-palestine.net/spip.php?article14399

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr

Traduction : Info-Palestine.eu – Claude Zurbach

Version originale (The Palestine Chronicle – 6/2/14)

http://www.palestinechro

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