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L’Islam révolutionnaire de Carlos


L’Islam révolutionnaire, le livre de Carlos

Première partie

vendredi 23 août 2013

En juin 2003 dans le contexte de la guerre anglo-américaine contre l’Irak baasiste, le terroriste vénézuélien marxiste et musulman Ilich Ramirez Sanchez publiait un témoignage portant un regard particulièrement original sur les grandes transformations qui bouleversaient alors le paysage géopolitique mondiale. Depuis les prisons où il se trouve incarcéré ab libitum, l’aventurier et soldat politique comme il aime lui-même à se présenter, a voulu ainsi témoigner de son engagement au service ou contre les grandes forces architectoniques qui travaillent puissamment, à l’heure actuelle et singulièrement ces deux dernières décennies, le monde humain, les sociétés, les nations et les peuples.

Ramirez Sanchez né dans une famille bourgoise de Caracas d’un père communiste et d’une mère catholique pratiquante, a incarné la rencontre détonnante du marxisme et de l’islamisme, deux idéologies qui se sont un moment fondues dans le tiers-mondisme… Idéologie elle-même aujourd’hui en déclin face aux progrès de la mondialisation, mais aussi de la confrontation sur le continent africain de deux impérialismes plus ou moins déguisés, aussi dévorant l’un que l’autre, celui de l’Amérique et celui de la Chine… Affrontement qui préfigure les guerres indirectes (Syrie, Irak, Liban) ou éventuellement directes, entre un bloc occidentaliste et un bloc eurasiatique (Russie, Chine, Inde, Iran), un choc qui se dessine ou se déroule déjà sous nos yeux, mais de façon imperceptible aux masses aveuglées par les médias.

On lira donc, au regard des événements actuels, les analyses prospectivistes – et parfois prophétiques – d’un révolutionnaire inconnu des nouvelles générations mais dont le parcours aura été emblématique d’une époque charnière de l’histoire contemporaine : celle de la fin de l’empire soviétique et l’éphémère tentative des États-Unis d’établir une hégémonie planétaire.

Extraits de “L’Islam révolutionnaire”. Éditions du Rocher juin 2003
Le choix des armes

La lutte armée est non seulement licite mais elle devient une obligation religieuse et par conséquent un devoir moral quand il n’existe aucune autre alternative non-violente. Le martyre est le sacrifice de sa propre vie pour une juste cause, et il n’y pas de cause juste qui ne soit la cause de Dieu.

Le terrorisme est parfaitement licite dès lors qu’il s’agit de terroriser l’ennemi. Croyez-moi ceux qui aujourd’hui gueulent comme des porcs que l’on égorge, sont les premiers a utiliser le terrorisme quand le besoin s’en fait sentir. Ils ne s’en privent pas. La différence est que leur hyper-terrorisme est baptisé de mots convenus et admissibles comme « mesures de rétorsion », « protection civile ». La guerre industrielle à grande échelle n’est bien entendu pas pour eux du terrorisme. Il n’y a que les armes du pauvre qui refuse l’asservissement à un ordre qu’il réprouve, qui soit qualifié de « terrorisme ».

Celui qui se sert de B52, ceux qui refont la géographie, suppriment les montagnes et comblent les vallées à coup de bombes, celui qui au nom des droits de l’homme utilise des bombes à dépression, vous savez ces bombes qui suppriment l’oxygène et calcinent tout dans un rayon de cinq cents mètres comme au Vietnam et en Irak, celui dont les missiles de croisières frappent les infrastructures civiles, des usines pharmaceutiques comme à Khartoum ou des ambassades comme à Belgrade, celui dont les drones de combat foudroient les noces et les passants dans les villages et sur les routes d’Afghanistan, celui dont les blindés, les F16 ou les hélicoptères pilonnent Jenine, Gaza, Bethléem jusqu’à entasser ruines sur ruines, celui dont les projectiles à uranium appauvri disséminent dans l’atmosphère des aérosols de poussières létales, celui-là n’est évidemment pas un « terroriste », son action est licite, les morts qu’il engendre sont légitimes, ce sont des cadavres démocratiques.

Ce « terrorisme » officiel, ce terrorisme d’État, bénéficie, il va sans dire, de l’indulgence plénière des média. Quel journaliste a jamais stigmatisé en février 1991 le recours aux air-fuel bombs pour anéantir les fuyards du Koweït. Ces fuyards étaient peut-être des « pillards » comme cela a été dit, mais quelles « lois et coutumes de guerre » peuvent justifier d’utiliser des engins qui créent à la fois un vide atmosphérique et opèrent la crémation instantanée de tout ce qui se trouve alentour et sur des hommes désarmés qui fuient dans des véhicules civils ?

L’on a gardé en mémoire les images effroyables diffusées par la presse – sans commentaire désapprobateur puisque dans le cas des irakiens le meurtre de masse est une chose normale – de ces colonnes de véhicules civils calcinés, de ces conducteurs restés à leur volant et carbonisés avec leurs passagers ? C’est cela votre façon de faire la guerre ? Alors vous me faites rire, arrêtez de donner des leçons de morale ! Toute cette mise en scène, cet immense show de la mémoire pour les trois mille victimes des tours jumelles, innocentes ou pas, a quelque chose d’indécent parce que pour vous en vérité la vie humaine n’a aucun prix, si ce n’est en termes de rendement publicitaire.

En tout cas une chose est certaine, la vie des arabes, musulmans ou chrétiens, ne vaut pas celle d’un américain – valeur toute symbolique d’ailleurs – cela malgré vos tombereaux de déclarations tonitruantes sur l’égalité des hommes et des peuples. Et ça, vous nous le démontrez tous les jours. Vous nous le jetez à la face avec vos commentaires si complaisants de la répression impitoyable qui s’est abattue sur les territoires « autonomes ». Chez vous, rares sont ceux qui s’indignent bien fort ou bien longtemps, de ce « deux poids, deux mesures » perpétuel, de cette balance inégale qui penche toujours du côté du pouvoir et de l’argent, et ceux qui sont simplement honnêtes, qui voient les choses telles qu’elles sont, avec un minimum d’équité, ne sont hélas qu’une très maigre minorité.

Je reviens sur les crimes de guerre, ces crimes contre l’humanité qui ont été le lot quasi quotidien de l’opération « Tempête du désert » de 1991. Au meurtre froid des fuyards de Koweït City – car depuis quand s’attaque-t-on à des colonnes civiles comme à cet autobus d’Albanais fuyant le Kosovo ? – et parmi les épisodes les plus représentatifs d’une politique de massacres froidement planifiés, il conviendrait d’ajouter les centaines – évaluation reconnue par les britanniques – voire les milliers de fantassins irakiens enterrés vivants, après trois semaines de bombardements infernaux, dans leurs abris souterrains par les bulldozers anglo-saxons lors de l’avancée des troupes coalisées.

Je ne me souviens pas que les officiers et les soldats français décorés de la Croix de guerre pour l’opération Daguet, aient jamais dénoncé de tels faits qu’ils avaient pourtant eu à connaître. Le droit de réserve est une excuse trop facile. France, patrie des droits de l’Homme ! Aujourd’hui Scharwzkopf, le commandant en chef de la Guerre du Golfe, en bon technicien de la chose militaire, disserte savamment sur la « bataille d’annihilation » faisant un judicieux parallèle avec la bataille de Cannes qui vit la destruction totale des légions romaines – trois cents romains tombaient par minute – sous les coups de la coalition carthaginoise d’Hannibal.

Shwarzkopf pense qu’il eut mieux valu « détruire » d’avantage, et sans doute même la totalité des forces ennemies, c’est-à-dire quelques centaines de milliers d’hommes supplémentaires. Je parle sans erreur de plusieurs centaines de milliers de morts. Officiellement pour une bonne centaine de ses soldats tombés « au champ d’honneur », c’est une multitude innombrable d’irakiens qui eux sont tombés dans l’oubli le plus absolu. Le grand chef yankee raisonne avec un calme extrême en terme de destruction humaine massive. Sa pensée est purement quantitative, ce qui en soi n’est pas absolument choquant. Après tout il ne fait que parler en spécialiste de l’ingénierie de la destruction et il n’est pas à mes yeux le plus coupable. Au moins lui ne cherche pas un habillage moral à l’accomplissement de sa tâche. Ce rôle ignominieux revient aux politiques prêcheurs cyniques des croisades impérialistes. Considérez cependant un instant que jamais, ni le général Schwarzkopf, ni surtout ses patrons ne courront le moindre risque de devoir rendre compte un jour de leurs actes devant une cour de justice. Ce sort est réservé aux gueux, aux moudjahiddines capturés en Afghanistan, à Milosevic et aux siens, la justice est pour les vaincus et pour les responsables des guerres ethniques et tribales qui ravagent l’Afrique post-coloniale. Mais ces massacreurs artisanaux, ces épurateurs ethniques savamment manipulés et commandités, lorsqu’ils passent en jugement, ne sont là que pour accréditer l’idée que la justice existe, qu’elle s’exerce à l’encontre des méchants et qu’ainsi il est loisible de dormir la conscience tranquille. En réalité la justice internationale n’existe que pour masquer les vrais crimes, et d’une toute autre envergure, ceux qui ne seront jamais jugés, ceux qui sont et resteront, croient-ils, impunis… Sauf si Dieu en décide autrement.

Qui a dénoncé ces crimes hors de quelques ghettos d’activistes intellectuels ? À propos de ces crimes sans limites, nous attendons encore les condamnation du clergé des droits de l’homme, les Human Right Watch et autres Amnesty International. Quand il s’agit des crimes de mass destruction curieusement ces grands humanistes n’ont jamais rien à dire ou à redire. Leurs indignations se font tout à coup carrément sélectives ! Ne parlons plus de la foule anonyme de ces malheureux enterrés vivants dans l’oubli et le mensonge. Ces faits sont connus et reconnus par les auteurs de ces tueries qui ont seulement essayé de les minimiser. Les preuves matérielles existent, nul ne songe à nier ces événements pourtant inconnus du grand public. Mais je pose la question, où sont les commissions d’enquête ? Quid des procédure pénales diligentées par les procureurs de la Justice internationale ? Quels média ont engagé des campagnes d’information et de dénonciation ? Et ne parlons pas non plus de la destruction du camp de réfugiés de Jénine, où sont donc passées les commissions internationales d’experts et de médecins légistes que la Yougoslavie autorisait hier à se rendre sur les lieux au lendemain du pseudo « massacre » de Raçak ? Que dire du sort des moudjahiddines ou des simples suspects palestiniens, arrêtés et torturés – au sens vrai du terme puisque le recours à la torture est légal en Israël, sans que personne ne songe à mettre cet état scélérat au ban des nations – dans les geôles israéliennes comme le sont les Jihadistes afghans à Guantánamo, hors et au mépris de toute légalité internationale ? La réponse est connue : ce sont des méchants et le droit ne s’applique pas pour eux. Alors dites-moi, qu’est-ce que le Droit ? Une fiction ? Et à quoi sert-il ? À opprimer ?

Mais chacun sait que la vie de milliers arabes ne vaut pas celle d’un seul citoyen de la grande Amérique. La vie n’a pas la même valeur ici et là en dépit d’un mythe universaliste destiné à soumettre le faible à la loi et à l’arbitraire du fort. Cela nous le savons depuis toujours nous autres combattants, parce que nous sommes les précurseurs, ceux qui absorbent le premier choc de l’ennemi. Ceux qui, par leur sacrifice déchirent le voile du mensonge, et je ne répète ceci que pour marquer la contradiction fabuleuse qui existe entre les principes fondateurs de la démocratie universelle -celle que les yankees entendent nous imposer par la force – et la réalité vécue.

Je l’ai dit à satiété et je le répéterai avec l’espoir de parvenir à forcer la cuirasse d’indifférence qui incarcère les consciences occidentales. Le jour où vous percevrez, dans sa vraie dimension, l’injustice faite aux peuples du Tiers-Monde, aux Arabes, à l’Islam, injustice née de la contradiction entre vos principes et vos actes, alors peut-être prendrez-vous la mesure de la violence faite à ces peuples, à ces hommes. Vous comprendrez peut-être à ce moment-là leur soif de justice et leur révolte. Alors vous saurez que cette injustice ne saurait se prolonger indéfiniment. Alors peut-être forcerez-vous vos gouvernements à changer leur politique. Mais cela semble bien improbable tant l’empire du mensonge s’étend toujours plus loin. Le fort domine le faible et cette soif de domination ne connaît pas de limite, telle est la vérité nue.

En réalité la vie ou la mort des « Américains » importent peu aux autorités de Washington. Seule la valeur symbolique d’un mort compte pour les politiques parce qu’il est un accroc dans l’étoffe de la puissance. La guerre zéro mort n’est pas là pour rassurer ou satisfaire l’opinion à qui l’on peut de toute façon faire avaler n’importe quoi quand on y met le paquet. Zéro mort est avant tout le symbole de l’invincibilité, de l’invulnérabilité, c’est une représentation fétiche de la suprématie. Une suprématie qui affiche le luxe insolent d’exister au moindre coût, sans contrepartie. Nous sommes les meilleurs et sans prix à payer, surtout pas celui du sang !

De ce point de vue, à chaque nouveau conflit le rapport des human casualties entre les deux camps est proprement effarant. C’est là une dimension nouvelle de la guerre moderne et de ses abattoirs industriels, une disproportion incommensurable. Moins de cinq cents coalisés d’un côté dans le cas de la guerre de 1991, la plupart accidentellement, de l’autre plusieurs centaines de milliers. L’inégalité des morts a toujours existé entre vainqueurs et vaincus mais jamais à un tel niveau. Cela dépasse l’entendement, les chiffres à ce stade ne veulent plus rien dire. Des peuples entiers peuvent disparaître dans le silence médiatique, mais la planète sera en ébullition si un militant de la cause des peuples rappelle aux hommes, d’une seule balle tirée dans la nuque d’un assassin se pavanant sur le trottoir de l’une de vos capitales, le mensonge dans lequel ils se complaisent.

Ce sont les États-Unis, doit-on le rappeler qui historiquement ont pris l’initiative de la construction et de l’emploi des armes de destruction massive. Elles ont été expérimentées à Hiroshima et Nagasaki contre des populations civiles alors même que l’état-major nippon offrait à l’Amérique une reddition négociée. Mais l’Amérique exigeait une reddition sans condition et pour ce faire elle n’a pas hésité à offrir à l’humanité un holocauste nucléaire. Atomiser quelques grosses dizaines de milliers d’humains n’est bien entendu d’aucune manière un acte de « terrorisme ». Qui oserait penser une chose pareille ? C’est la liberté en marche, l’avènement du règne démocratique, et pour apprendre aux gens à vivre, il est parfois utile, voire nécessaire, de commencer par les exterminer. Les États-Unis n’ont en ce domaine de leçons à recevoir de personne…

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