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« L’Odyssée d’Hakim », la BD indispensable sur la migration (de Syrie en France)



Publié par Gilles Munier sur 4 Juin 2020, 18:20pm

Par Catherine Fattebert (revue de presse : RTS – 3/6/20)*

Sans pathos, avec humour et bienveillance, le bédéaste Fabien Toulmé raconte l’histoire d’un jeune réfugié syrien, pendant les trois ans qu’a duré sa traversée de Syrie en France. Le dernier tome de la trilogie « L’Odysée d’Hakim » vient de paraître.

Le crash d’un avion en 2015, quand un pilote suicidaire entraîne dans la mort ses 150 passagers, est l’événement déclencheur d’un roman graphique de 900 pages conçu en trois tomes, « L’Odyssée d’Hakim ». Les images de la catastrophe tournent en boucle sur les écrans. Fabien Toulmé reçoit cette information avec émotion. Il s’identifie à ces passagers unis par le destin.

Dans le même journal télévisé, on annonce d’une façon lapidaire 400 morts en Méditerranée. Un drame de la migration. Fabien Toulmé n’est pas aussi touché qu’il l’a été par le crash aérien. « Pourquoi? », se demande-t-il. « Comment faire pour que la mort des migrants ait autant de valeur que celle des voyageurs du ciel et autres vacanciers? ».

Basé sur une histoire vraie

Alors, il se met en quête d’un réfugié, de quelqu’un qui pourrait lui raconter son parcours. Et il a la chance de rencontrer celui qui lui inspirera le personnage d’Hakim. La chance, ou peut-être cette volonté chevillée au cœur et à l’âme de raconter l’histoire d’un humain au moment où sa vie bascule.

Prévu initialement comme un ouvrage unique, « L’Odyssée d’Hakim » s’étoffe très vite. Impossible pour Fabien Toulmé de raconter seulement la traversée de la Méditerranée sur un radeau de fortune, Hakim écopant l’eau glacée, son fils hurlant dans les bras d’une inconnue. Il est impératif de situer son personnage dans l’avant et l’après.

Ce qui m’a surtout impressionné, c’est cette résilience, cette faculté qu’il a eue à me raconter son périple dans le détail. Au début de cette longue interview, je lui ai dit: raconte-moi ce que tu veux et ce que tu peux. La force de la bande dessinée c’est de faire des ellipses, d’utiliser des symboles quand on veut éluder certaines parties douloureuses. Hakim a pu aller assez loin dans le détail.

Un long périple

Hakim explique, récite, se remémore. A Fabien Toulmé, il évoque son passé, quand il était chef d’entreprise, dirigeait une pépinière, possédait un appartement neuf dans le sud de Damas. Il était l’aîné d’une fratrie de neuf enfants, se projetait dans un avenir relativement insouciant. Le Printemps arabe de 2011 change la donne. Les événements en Syrie se précipitent. Hasards et coïncidences, Hakim est contraint de fuir.

Commence alors un long périple pendant lequel se succèdent les pays, les rencontres bonnes et mauvaises, les opportunités, la débrouille et parfois la chance. C’est en Turquie qu’il rencontre son épouse Najmeh dont il aura un fils, embarquant tous deux dans son errance. Liban, Jordanie, Turquie, Grèce, Macédoine, Serbie, Hongrie, Autriche, Suisse, France. Hakim a enfin rejoint sa famille fin septembre 2015.

Echapper à l’absurde

Sans jamais se poser en spécialiste, Fabien Toulmé se met simplement à hauteur d’homme. Il n’est pas journaliste. Yeux dans les yeux, une voix qui s’incarne sur le papier, dans un dessin simple, une ligne claire, des couleurs douces. Il faut cela pour échapper à l’absurde et à l’horreur d’une situation ubuesque.

Un an et demi d’une longue interview où Hakim se raconte. Il faut travailler avec des interprètes car le jeune Syrien, au moment des premiers entretiens, ne parle pas français. Pour Fabien Toulmé, il est important de ne pas trahir les propos. D’ailleurs, le bédéaste s’insère dans le roman graphique.

Récit d’un fragment d’existence, roman graphique profondément humain et non jugeant, « L’Odyssée d’Hakim » s’attache aux pas d’un homme hors normes et de sa famille, sans jamais les lâcher. Une histoire parmi tant d’autres, de tous ces destins marqués par les lois du hasard, entre chance et malchance.

Fabien Toulmé termine son livre en dédiant celui-ci aux migrants disparus avant d’avoir pu trouver refuge. Un roman graphique indispensable!

« L’Odyssée d’Hakim », tome 3, Ed. Delcourt, Collection encrages, juin 2020.

*Source : RTS.ch

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