Obama, face à la diplomatie de velours de Rohani
octobre 14, 2013
INVESTIG’ACTION
Obama, face à la diplomatie de velours de Rohani
Nazanin Armanian
14 octobre 2013
Ils portent les prénoms des petits-fils de Mahomet : Hussein et Hasan, qui représentent deux manières différentes d’agir face à l’ennemi. Le premier, surnommé « le prince des guerriers », s’est lancé dans une bataille suicide pour le califat, et a perdu la vie dans une embuscade à Kerbala (Irak) en 608, alors que le second, voyant qu’il ne pouvait s’imposer face à Mu`âwîya Omeya et à sa puissante armée, a choisi de lui céder le pouvoir. Dans leur conflit, Hussein Obama et Hassan Rohani ont décidé de proclamer un cessez-le-feu, évitant ainsi une bataille qui serait mère de toutes les guerres. Si le premier, qui a nommé 25 fois l’Iran dans son discours devant l’ONU, parvient à empêcher l’entrée de ce pays dans le club nucléaire, il obtiendra son plus beau résultat en politique extérieure.
La dernière rencontre entre les chefs d’Etat des deux pays remonte à 36 ans. « Vous présidez une île de stabilité », avait dit Jimmy Carter au shah, alors que la terre tremblait sous les pieds insensibles du dictateur et qu’une année plus tard, une révolution démocratique (bâillonnée et avortée par la suite) allait mettre un terme à 2500 ans de monarchie.
Soit dit en passant, ce n’est pas la République islamique qui a interrompu les relations avec les Etats-Unis, mais bien l’inverse. La rupture s’est produite lorsque l’ambassade américaine à Téhéran a été occupée en signe de protestation contre le fait que les Etats-Unis aient accueilli le shah et sa famille, qui s’enfuyaient avec des valises pleines de bijoux et d’argent.
L’inimitié à l’encontre des Etats-Unis n’est pas inscrite dans la nature de la République islamiste. D’ailleurs, même après l’épisode de l’ambassade, les représentants politiques des deux pays ont continué à coordonner leurs stratégies. Quelques exemples : A la demande du candidat républicain Ronald Reagan, l’Iran n’a pas libéré les otages de l’ambassade, afin d’empêcher la réélection de Carter en 1980 ; la visite du général Robert MacFarlane à Téhéran en 1987, alors que l’ayatollah Ali Khamenei – l’actuel chef d’Etat – occupait la présidence, pour lui demander des bases destinées à espionner l’URSS ; la coopération avec Bush pour renverser Saddam Hussein et les talibans, et établir ensuite des gouvernements clients dans les deux pays ; enfin, récemment, le voyage de l’Américain Jeffrey Feltman, en qualité de représentant de l’ONU, pour négocier à propos de la Syrie.
Or, après tant d’années passées à crier « A bas l’Amérique » et à attribuer à la superpuissance la responsabilité de tous les maux du pays, les autorités iranniennes sont devenues les otages de leurs propres consignes, de sorte qu’il est maintenant difficile de renouer des relations avec le Grand Satan devant un public radical confus qui a exprimé son indignation en lançant des chaussures sur le cortège présidentiel de Rohani à son retour de New-York. Fort heureusement pour lui, il n’avait pas posé pour une photo avec Obama !
La 68ème assemblée des Nations Unies entrera dans l’histoire pour avoir donné une dernière chance de trouver une solution politique au conflit nucléaire entre l’Iran et les puissances mondiales. Hasan Rohani, avec la bénédiction d’Ali Khamenei, a adopté l’attitude de Mahmoud Ahdmadineyad en politique extérieure à la fin de son mandat : courtois et le sourire aux lèvres, il a assisté à cette réunion accompagné par le député des juifs iraniens, pour condamner les crimes nazis.
Le fait que la délégation israélienne ait été la seule à quitter la salle démontre l’intérêt des représentants de tous les autres pays à entendre le nouveau président de l’Iran. La politique modérée de Rohani a mis dans l’embarras Benyamin Netanyahou, qui doit sans aucun doute regretter Ahmadinejad. Le président Obama a dit deux choses que la République islamiste souhaitait entendre : d’une part qu’il ne cherche pas à changer le régime et d’autre part qu’il respecte le droit de l’Iran à accéder à l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Pour la première fois depuis des années, il n’a pas menacé l’Iran, ni prononcé la phrase maudite : « Toutes les options sont sur la table ».
Les raisons du changement
Côté Etats-Unis, les raisons du changement sont les suivantes :
– Négocier avec Téhéran coûte moins cher que de mener une guerre suicide ou d’accepter que l’Iran dispose d’un armement nucléaire.
– Aux Etats-Unis et en Israël, l’opinion publique est défavorable à une aventure belliqueuse en terres iraniennes. (Voir vidéo campagne : “Iranians : we love you ” )
– Si leurs deux alliés les plus fidèles, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ont refusé de collaborer pour l’attaque militaire contre Assad, ils n’accepteraient non plus pour l’Iran, qui reste un bien gros morceau.
– Le « gouffre fiscal » et le manque d’argent pour un nouveau conflit de grande envergure.
– Les Etats-Unis ont besoin de la République islamique pour pacifier l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie et le Liban – ou pour y poursuivre leurs politiques.
Côté Iran, les raisons du changement sont les suivantes :
– Les sanctions étouffent l’économie du pays et les prix du pétrole sont bas. La « pétropolitique » montre l’effet immédiat de la corrélation négative entre les fluctuations des prix et l’offre de brut sur les politiques intérieure et extérieure (la qualité de la démocratie politico-économique) d’un pays. Plus il y a de pétrodollars, plus le pouvoir est indépendant de la volonté des citoyens. Ces huit dernières années, le gouvernement d’Ahmadinejad a bénéficié de revenus pétroliers supérieurs à tous les bénéfices obtenus au cours des cent années, sans pour autant que les conditions de vie de la population s’améliorent. Aujourd’hui, la République islamique ne peut plus ignorer la volonté du peuple.
– L’Iran craint l’éclatement de troubles sociaux plus graves que ceux de 2005, non plus pour des raisons politiques et de droits civils, mais en réaction aux conditions économiques.
– L’Iran se trouve dans un isolement impossible à supporter, fait l’objet de quatre sanctions de l’ONU et rencontre l’opposition d’un vaste front mondial regroupant aussi bien ses voisins turcs, juifs et arabes que les puissances « alliées », comme la Chine et la Russie, qui votent en faveur des sanctions du Conseil de sécurité.
– La Syrie, son unique allié dans la région, est sous pression.
– L’Iran se sent assez fort pour se défendre sans armes nucléaires, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.
– L’Iran a besoin de conclure un accord avec Washington avant qu’Obama quitte la Maison-Blanche, en 2016.
– L’Iran ne pourra être une puissance régionale qu’en s’alliant aux Etats-Unis, comme la Turquie ou Israël.
Pour abandonner son programme nucléaire, l’Iran demande des garanties que les Etats-Unis et Israël ne l’attaqueront pas, la levée des sanctions économiques et financières ainsi que le droit de pouvoir recourir à l’énergie nucléaire à des conditions qui respectent sa souveraineté, soit concrètement à pouvoir enrichir de l’uranium sur son propre territoire. Pour leur part, les Etats-Unis demandent à l’Iran d’apporter la preuve que son programme nucléaire poursuit des buts pacifiques et d’abandonner Bachar al-Assad.
Les obstacles auxquels les deux gouvernements sont confrontés
Les deux chefs d’Etat rencontrent une forte opposition, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur pays.
Le président iranien a contre lui le pouvoir judiciaire, le parlement ainsi qu’un vaste réseau peu coordonné d’organes, de groupes et d’institutions aux intérêts divers, comme les « Principalistes », l’élite intégriste multidimensionnelle opposée à changer le statu quo, qui agite le drapeau des « valeurs » de la lutte contre le Grand Satan et qui a empêché jusqu’à la rencontre « fortuite » entre Obama et lui dans les couloirs de l’ONU. Rohani compte parmi ses détracteurs certains secteurs de l’armée toute puissante de Gardiens islamiques, lesquels ont refusé l’offre qu’il leur avait faite leur permettant de maintenir leur influence sur l’économie à condition de ne pas interférer dans la politique.
Il se trouve également face à l’opposition de ceux qui se méfient des intentions de Washington et qui n’ont pas l’intention d’abandonner Assad, estimant que la Syrie constitue la « profondeur stratégique » de l’Iran et que ce rapprochement n’est rien d’autre qu’un compromis face à l’Empire. Il n’a pas non plus les faveurs des commerçants qui se sont enrichis grâce au marché noir que les sanctions économiques ont engendré, qui gagnent des millions en touchant de grosses commissions sur les dollars qu’ils importent, une conséquence du boycott imposé sur le secteur financier iranien par l’ONU et les Etats-Unis.
La position ambiguë d’Ali Khamenei est dangereuse, lui qui est capable de désavouer Rohani et de l’écarter du pouvoir si les tentatives de lever les sanctions échouent ou s’il se sent menacé par l’union forte entre Rohani et Hachemi Rafsandjani. Par ailleurs, depuis son investiture, les citoyens ont de fortes attentes, surtout depuis que les Etats-Unis ont fait une seule affaire du dossier nucléaire iranien et du dossier syrien.
Pour toutes ces raisons, Rohani a prévenu les Etats-Unis que le temps pressait et que sa proposition de paraliser le programme nucléaire iranien en échange d’une levée des sanctions économiques imposées par l’Occident et l’ONU pourrait être annulée par les sécteurs radicaux de la République islamique si ceux-ci ne constatent pas immédiatement les résultats des efforts qu’il fournit en politique extérieure.
Pour sa part, Obama doit dissiper la méfiance suscitée aux Proche Orient par les agressions militaires perpétrées par son pays, neutraliser les pressions des républicains, d’Arabie Saoudite et d’Israël, qui observent d’un œil irrité à quel point l’option militaire contre les ayatollahs s’est affaiblie ; imposer sa volonté à Netanyahu, qui exige l’annihilation de la capacité de l’Iran à militariser sa technologie nucléaire, alors qu’Obama est indifférent au fait que l’Iran puisse devenir comme l’Allemagne, l’Argentine, l’Espagne ou l’Italie, entre autres, dont les industries nucléaires civiles disposent d’une technologie en mesure de produire des armes nucléaires, mais qui ont décidé, pour des raisons politiques et économiques, de ne pas le faire.
Il ne s’agit pas ici de deux poids, deux mesures, mais de la position illogique de Tel Aviv, qui est le principal bénéficiaire du rapprochement entre les Etats-Unis et l’Iran, lequel implique le désarmement de ce dernier pays et la fin du soutien qu’il apporte aux ennemis d’Israël dans la région.
Les secteurs va-t-en-guerre des deux pays tenteront de dynamiter tout accord, soit en produisant des films tels que Jamais sans ma fille ou Argó, soit en prenant d’assaut des ambassades ou en lançant des provocations depuis la Syrie ou d’ailleurs. La célébration iranienne du 4 novembre, date de la prise d’assaut de l’ambassade américaine à Téhéran, s’approche. C’est l’occasion parfaite pour le tandem Khamenei-Rohani de démontrer leur bonne volonté en remplaçant les traditionnels rassemblements devant ce bâtiment – où l’on scande « A bas l’Amérique » et où l’on brûle des drapeaux à rayures et étoiles – par des tables rondes, des conférences télévisées ou autres, afin d’expliquer la nouvelle politique du pays.
Rohani doit lier la détente en politique extérieure et les réformes intérieures, à savoir lever la censure sur l’internet, autoriser les syndicats et les partis politiques, supprimer la peine de mort (infligée quotidiennement à plusieurs personnes), cesser de harceler les personnes qui refusent de porter la tenue islamique (une pure invention), pour élargir sa base sociale. Pour le moment, il a libéré plusieurs prisonniers politiques, réintégré des dizaines d’étudiants et de professeurs et introduit la gratuité des traitements destinés aux malades « spéciaux ». Il ne s’agit certes que de gestes timides, mais néanmoins positifs.
S’il est vrai qu’il n’y a pas eu de photo de Rohani et d’Obama ensemble, peut-être pourrons-nous voir John Kerry, dont le gendre est un médecin iranien, se promener dans les rues de Téhéran. Pour la paix dans le monde, espérons que cette branche d’olivier ne soit pas méprisée.
Traduit de l’espagnol par Chloé Meier pour Investig’Action
Source : Publico.es
Barack Obama – Etats-Unis – Iran – Syrie
Nazanin Armanian
14 octobre 2013
Ils portent les prénoms des petits-fils de Mahomet : Hussein et Hasan, qui représentent deux manières différentes d’agir face à l’ennemi. Le premier, surnommé « le prince des guerriers », s’est lancé dans une bataille suicide pour le califat, et a perdu la vie dans une embuscade à Kerbala (Irak) en 608, alors que le second, voyant qu’il ne pouvait s’imposer face à Mu`âwîya Omeya et à sa puissante armée, a choisi de lui céder le pouvoir. Dans leur conflit, Hussein Obama et Hassan Rohani ont décidé de proclamer un cessez-le-feu, évitant ainsi une bataille qui serait mère de toutes les guerres. Si le premier, qui a nommé 25 fois l’Iran dans son discours devant l’ONU, parvient à empêcher l’entrée de ce pays dans le club nucléaire, il obtiendra son plus beau résultat en politique extérieure.
La dernière rencontre entre les chefs d’Etat des deux pays remonte à 36 ans. « Vous présidez une île de stabilité », avait dit Jimmy Carter au shah, alors que la terre tremblait sous les pieds insensibles du dictateur et qu’une année plus tard, une révolution démocratique (bâillonnée et avortée par la suite) allait mettre un terme à 2500 ans de monarchie.
Soit dit en passant, ce n’est pas la République islamique qui a interrompu les relations avec les Etats-Unis, mais bien l’inverse. La rupture s’est produite lorsque l’ambassade américaine à Téhéran a été occupée en signe de protestation contre le fait que les Etats-Unis aient accueilli le shah et sa famille, qui s’enfuyaient avec des valises pleines de bijoux et d’argent.
L’inimitié à l’encontre des Etats-Unis n’est pas inscrite dans la nature de la République islamiste. D’ailleurs, même après l’épisode de l’ambassade, les représentants politiques des deux pays ont continué à coordonner leurs stratégies. Quelques exemples : A la demande du candidat républicain Ronald Reagan, l’Iran n’a pas libéré les otages de l’ambassade, afin d’empêcher la réélection de Carter en 1980 ; la visite du général Robert MacFarlane à Téhéran en 1987, alors que l’ayatollah Ali Khamenei – l’actuel chef d’Etat – occupait la présidence, pour lui demander des bases destinées à espionner l’URSS ; la coopération avec Bush pour renverser Saddam Hussein et les talibans, et établir ensuite des gouvernements clients dans les deux pays ; enfin, récemment, le voyage de l’Américain Jeffrey Feltman, en qualité de représentant de l’ONU, pour négocier à propos de la Syrie.
Or, après tant d’années passées à crier « A bas l’Amérique » et à attribuer à la superpuissance la responsabilité de tous les maux du pays, les autorités iranniennes sont devenues les otages de leurs propres consignes, de sorte qu’il est maintenant difficile de renouer des relations avec le Grand Satan devant un public radical confus qui a exprimé son indignation en lançant des chaussures sur le cortège présidentiel de Rohani à son retour de New-York. Fort heureusement pour lui, il n’avait pas posé pour une photo avec Obama !
La 68ème assemblée des Nations Unies entrera dans l’histoire pour avoir donné une dernière chance de trouver une solution politique au conflit nucléaire entre l’Iran et les puissances mondiales. Hasan Rohani, avec la bénédiction d’Ali Khamenei, a adopté l’attitude de Mahmoud Ahdmadineyad en politique extérieure à la fin de son mandat : courtois et le sourire aux lèvres, il a assisté à cette réunion accompagné par le député des juifs iraniens, pour condamner les crimes nazis.
Le fait que la délégation israélienne ait été la seule à quitter la salle démontre l’intérêt des représentants de tous les autres pays à entendre le nouveau président de l’Iran. La politique modérée de Rohani a mis dans l’embarras Benyamin Netanyahou, qui doit sans aucun doute regretter Ahmadinejad. Le président Obama a dit deux choses que la République islamiste souhaitait entendre : d’une part qu’il ne cherche pas à changer le régime et d’autre part qu’il respecte le droit de l’Iran à accéder à l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Pour la première fois depuis des années, il n’a pas menacé l’Iran, ni prononcé la phrase maudite : « Toutes les options sont sur la table ».
Les raisons du changement
Côté Etats-Unis, les raisons du changement sont les suivantes :
– Négocier avec Téhéran coûte moins cher que de mener une guerre suicide ou d’accepter que l’Iran dispose d’un armement nucléaire.
– Aux Etats-Unis et en Israël, l’opinion publique est défavorable à une aventure belliqueuse en terres iraniennes. (Voir vidéo campagne : “Iranians : we love you ” )
– Si leurs deux alliés les plus fidèles, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ont refusé de collaborer pour l’attaque militaire contre Assad, ils n’accepteraient non plus pour l’Iran, qui reste un bien gros morceau.
– Le « gouffre fiscal » et le manque d’argent pour un nouveau conflit de grande envergure.
– Les Etats-Unis ont besoin de la République islamique pour pacifier l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie et le Liban – ou pour y poursuivre leurs politiques.
Côté Iran, les raisons du changement sont les suivantes :
– Les sanctions étouffent l’économie du pays et les prix du pétrole sont bas. La « pétropolitique » montre l’effet immédiat de la corrélation négative entre les fluctuations des prix et l’offre de brut sur les politiques intérieure et extérieure (la qualité de la démocratie politico-économique) d’un pays. Plus il y a de pétrodollars, plus le pouvoir est indépendant de la volonté des citoyens. Ces huit dernières années, le gouvernement d’Ahmadinejad a bénéficié de revenus pétroliers supérieurs à tous les bénéfices obtenus au cours des cent années, sans pour autant que les conditions de vie de la population s’améliorent. Aujourd’hui, la République islamique ne peut plus ignorer la volonté du peuple.
– L’Iran craint l’éclatement de troubles sociaux plus graves que ceux de 2005, non plus pour des raisons politiques et de droits civils, mais en réaction aux conditions économiques.
– L’Iran se trouve dans un isolement impossible à supporter, fait l’objet de quatre sanctions de l’ONU et rencontre l’opposition d’un vaste front mondial regroupant aussi bien ses voisins turcs, juifs et arabes que les puissances « alliées », comme la Chine et la Russie, qui votent en faveur des sanctions du Conseil de sécurité.
– La Syrie, son unique allié dans la région, est sous pression.
– L’Iran se sent assez fort pour se défendre sans armes nucléaires, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.
– L’Iran a besoin de conclure un accord avec Washington avant qu’Obama quitte la Maison-Blanche, en 2016.
– L’Iran ne pourra être une puissance régionale qu’en s’alliant aux Etats-Unis, comme la Turquie ou Israël.
Pour abandonner son programme nucléaire, l’Iran demande des garanties que les Etats-Unis et Israël ne l’attaqueront pas, la levée des sanctions économiques et financières ainsi que le droit de pouvoir recourir à l’énergie nucléaire à des conditions qui respectent sa souveraineté, soit concrètement à pouvoir enrichir de l’uranium sur son propre territoire. Pour leur part, les Etats-Unis demandent à l’Iran d’apporter la preuve que son programme nucléaire poursuit des buts pacifiques et d’abandonner Bachar al-Assad.
Les obstacles auxquels les deux gouvernements sont confrontés
Les deux chefs d’Etat rencontrent une forte opposition, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur pays.
Le président iranien a contre lui le pouvoir judiciaire, le parlement ainsi qu’un vaste réseau peu coordonné d’organes, de groupes et d’institutions aux intérêts divers, comme les « Principalistes », l’élite intégriste multidimensionnelle opposée à changer le statu quo, qui agite le drapeau des « valeurs » de la lutte contre le Grand Satan et qui a empêché jusqu’à la rencontre « fortuite » entre Obama et lui dans les couloirs de l’ONU. Rohani compte parmi ses détracteurs certains secteurs de l’armée toute puissante de Gardiens islamiques, lesquels ont refusé l’offre qu’il leur avait faite leur permettant de maintenir leur influence sur l’économie à condition de ne pas interférer dans la politique.
Il se trouve également face à l’opposition de ceux qui se méfient des intentions de Washington et qui n’ont pas l’intention d’abandonner Assad, estimant que la Syrie constitue la « profondeur stratégique » de l’Iran et que ce rapprochement n’est rien d’autre qu’un compromis face à l’Empire. Il n’a pas non plus les faveurs des commerçants qui se sont enrichis grâce au marché noir que les sanctions économiques ont engendré, qui gagnent des millions en touchant de grosses commissions sur les dollars qu’ils importent, une conséquence du boycott imposé sur le secteur financier iranien par l’ONU et les Etats-Unis.
La position ambiguë d’Ali Khamenei est dangereuse, lui qui est capable de désavouer Rohani et de l’écarter du pouvoir si les tentatives de lever les sanctions échouent ou s’il se sent menacé par l’union forte entre Rohani et Hachemi Rafsandjani. Par ailleurs, depuis son investiture, les citoyens ont de fortes attentes, surtout depuis que les Etats-Unis ont fait une seule affaire du dossier nucléaire iranien et du dossier syrien.
Pour toutes ces raisons, Rohani a prévenu les Etats-Unis que le temps pressait et que sa proposition de paraliser le programme nucléaire iranien en échange d’une levée des sanctions économiques imposées par l’Occident et l’ONU pourrait être annulée par les sécteurs radicaux de la République islamique si ceux-ci ne constatent pas immédiatement les résultats des efforts qu’il fournit en politique extérieure.
Pour sa part, Obama doit dissiper la méfiance suscitée aux Proche Orient par les agressions militaires perpétrées par son pays, neutraliser les pressions des républicains, d’Arabie Saoudite et d’Israël, qui observent d’un œil irrité à quel point l’option militaire contre les ayatollahs s’est affaiblie ; imposer sa volonté à Netanyahu, qui exige l’annihilation de la capacité de l’Iran à militariser sa technologie nucléaire, alors qu’Obama est indifférent au fait que l’Iran puisse devenir comme l’Allemagne, l’Argentine, l’Espagne ou l’Italie, entre autres, dont les industries nucléaires civiles disposent d’une technologie en mesure de produire des armes nucléaires, mais qui ont décidé, pour des raisons politiques et économiques, de ne pas le faire.
Il ne s’agit pas ici de deux poids, deux mesures, mais de la position illogique de Tel Aviv, qui est le principal bénéficiaire du rapprochement entre les Etats-Unis et l’Iran, lequel implique le désarmement de ce dernier pays et la fin du soutien qu’il apporte aux ennemis d’Israël dans la région.
Les secteurs va-t-en-guerre des deux pays tenteront de dynamiter tout accord, soit en produisant des films tels que Jamais sans ma fille ou Argó, soit en prenant d’assaut des ambassades ou en lançant des provocations depuis la Syrie ou d’ailleurs. La célébration iranienne du 4 novembre, date de la prise d’assaut de l’ambassade américaine à Téhéran, s’approche. C’est l’occasion parfaite pour le tandem Khamenei-Rohani de démontrer leur bonne volonté en remplaçant les traditionnels rassemblements devant ce bâtiment – où l’on scande « A bas l’Amérique » et où l’on brûle des drapeaux à rayures et étoiles – par des tables rondes, des conférences télévisées ou autres, afin d’expliquer la nouvelle politique du pays.
Rohani doit lier la détente en politique extérieure et les réformes intérieures, à savoir lever la censure sur l’internet, autoriser les syndicats et les partis politiques, supprimer la peine de mort (infligée quotidiennement à plusieurs personnes), cesser de harceler les personnes qui refusent de porter la tenue islamique (une pure invention), pour élargir sa base sociale. Pour le moment, il a libéré plusieurs prisonniers politiques, réintégré des dizaines d’étudiants et de professeurs et introduit la gratuité des traitements destinés aux malades « spéciaux ». Il ne s’agit certes que de gestes timides, mais néanmoins positifs.
S’il est vrai qu’il n’y a pas eu de photo de Rohani et d’Obama ensemble, peut-être pourrons-nous voir John Kerry, dont le gendre est un médecin iranien, se promener dans les rues de Téhéran. Pour la paix dans le monde, espérons que cette branche d’olivier ne soit pas méprisée.
Traduit de l’espagnol par Chloé Meier pour Investig’Action
Source : Publico.es
Barack Obama – Etats-Unis – Iran – Syrie