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Pierre Piccinin, négociant en sang syrien ?




 
Il y a quelques jours, Piccinin a réagi sur sa page Facebook à l’un de mes articles intitulé « Alep, mère de tous les malheurs » avec une mauvaise foi manifeste.

N’étant moi-même pas membre de la communauté Facebook, Pierre Piccinin m’a de fait empêché de lui répondre publiquement, privant ses milliers de lecteurs et supporters de connaître la vérité sur sa rhétorique auto-centrée.
Dans un style très éloquent, Piccinin commence par une attaque en règle contre mes convictions anti-impérialistes comme s’il s’agissait d’une maladie. Puis il fait mine de réfuter mes affirmations par une démonstration absurde visiblement motivée par ses seules pulsions narcissiques.
Mon argumentation repose pourtant sur les canaux d’information de l’adversaire comme l’AFP ou la CNN ou encore sur des sources mieux informées car plus objectives que Piccinin : Nouvelles d’Arménie, le site d’information arménien Tert.am, l’agence de presse assyrienne AINA, un reportage paru dans Le Vif ( http://www.levif.be/info/actualite/international/syrie-l-envers-de-la-guerre/article-4000196873458.htm ), mes contacts kurdes, assyriens, palestiniens, arméniens de Syrie ou encore ma famille et mes amis alaouites vivant en Turquie et en Syrie.
 
D’après ce nouveau « Monsieur Syrie » des grands médias, mes observations sur la situation à Alep seraient « une vue de l’esprit, aménagée et tronquée, à la faveur d’un prisme paléo-marxiste qui plie la réalité des faits aux impératifs propagandistes d’une idéologie surannée. »
 
Ce procédé de disqualification particulièrement malhonnête ressemble fortement à l’essentialisation, c’est-à-dire à un jugement basé non pas sur le contenu et la qualité du travail mais sur l’identité politique.
 
Pour Piccinin, de toute façon, quoi que disent les militants anti-guerre, ils seront toujours sous l’empire de leur anti-impérialisme obsessionnel, soumis à leurs impératifs propagandistes. Lui, l’homme libre. Nous, les captifs, otages de nos opinions déviantes. 
 
Mais reprocher aux anti-impérialistes leur idéologie surannée, c’est aussi en quelque sorte mettre la charrue avant les bœufs.
 
Jusqu’à preuve du contraire, nous sommes tous nés sur une planète où domine un Empire doté d’une puissance jamais égalée, un Empire qui a le droit de vie et de mort sur n’importe quel être humain, n’importe quel leader politique, n’importe quel peuple, un Empire qui nous impose son mode de vie et de pensée, un Empire qui manie à merveille la carotte et le bâton par le biais de ses instances financières, de ses lobbies, de ses ONG, de ses organes de presse, de ses armées et de ses services de renseignements, nourrissant la subversion, attisant la suspicion et les divisions au sein des gouvernements et parmi les peuples insoumis, provoquant par la coercition un durcissement de ces mêmes gouvernements jusqu’à ce qu’ils implosent…
 
Mais ces humiliations-là, qui touchent à des degrés divers l’ensemble de l’humanité, notre « ami » du peuple syrien ne les ressent pas.
 
Après quelques égarements parmi les moutons noirs de l’intelligentsia francophone sur les périlleux sentiers de la dissidence ( http://lnr-dz.com/index.php?page=details&id=11081 ), Piccinin préfère désormais hurler avec les loups et s’en prendre à une poignée d’hommes à terre traités en Occident selon les convenances de bacharistes et de sa variante assadiste, d’antisémites, de staliniens, d’anticommunistes, de chabbihas, de fascistes, de conspirationnistes, d’antipalestiniens, d’antisunnites, d’islamophobes, d’agents de Moscou ou de Téhéran, de barbares, de négationnistes, de culturalistes, d’islamogauchistes, de colonialistes et d’anticolonialistes, usant à l’envi d’abus de langage stigmatisants comme « anti-américain », la même accusation que subirent en leur temps des libres penseurs comme Angela Davies, Howard Zinn, ou Martin Luther King.
 
Piccinin prétend ensuite que mes dires à propos d’Alep sont faux à 80%. Grâce lui soit rendue pour les 20% de crédit qu’il accorde à ma « propagande ».
 
Récemment, notre prodigieux statisticien s’était distingué par ses conclusions sans appel sur la proportion de combattants djihadistes étrangers au sein de la rébellion syrienne : « pas plus de 5-6 % » avait-il osé lors d’un débat au Festival des libertés de Bruxelles comme s’il connaissait personnellement les membres de chaque katiba active dans le pays sur le bout des doigts.
 
Première pseudo-réfutation de sa part : Liwa Al Towheed ne serait pas plus djihadiste que lui ou que moi.
 
Là encore, sa méconnaissance de l’Islam et de la langue arabe lui joue des tours. Piccinin ignore qu’Al Towheed signifie « Unicité » ou « Monothéisme », une référence religieuse de facto discriminante car elle exclut toute possibilité d’adhésion de certaines communautés non musulmanes ou musulmanes hétérodoxes comme les alaouites. Pour rappel, l’alaouisme est une religion trinitaire qui s’articule autour de trois personnages : Ali serait Dieu, Mohamed, le hijab, c’est-à-dire le voile dissimulant le secret de l’essence divine d’Ali et Salman Al Farsi, la « porte » qui ouvre sur le secret.
 
Les communiqués de Liwa Al Tawheed inspirés de la rhétorique salafiste sont sans équivoque. Quant à leurs méthodes barbares comme la décapitation d’un Palestinien à Alep, Piccinin les mettra sans doute sur le compte de la nervosité légitime et justifiée par la violence du régime :
 
(Attention ! Images difficiles, horreur absolue)
 
 
C’est une constante chez Piccinin : si une personne est aimable et hospitalière (ce dont je ne doute nullement, terroristes ou partisans du régime, les Syriens ont presque tous le sens de l’accueil), pour lui, ses idées sont défendables et ses déclarations dignes de foi.
 
Influencés par (sans être pour autant acquis à) la culture de la cohabitation et de la laïcité syrienne, les salafistes libanais et syriens n’ont pas exactement le profil idéologique de leurs « frères » afghans, libyens ou yéménites venus leur prêter main forte. Les manifestations pro-Al Qaïda organisées dans le Nord du Liban ou dans certaines banlieues syriennes rassemblent généralement des jeunes à la coiffure, aux vêtements et au mode de vie proches de M. Piccinin. Comme Mohamed Merah par exemple.
 
Pierre Piccinin est pourtant bien placé pour savoir que l’habit ne fait pas le moine (ni l’imam) tout comme le moine ne fait pas l’habit.
 
Puisqu’il ne se fie qu’à ses observations sélectives, j’en ferai de même pour démontrer l’absurdité de sa méthode.
 
Du temps de mon incarcération dans les prisons de Dordrecht aux Pays-Bas, à Gand ou à Nivelles en Belgique sous l’accusation de terrorisme (pour avoir traduit le communiqué d’un parti révolutionnaire turc dans lequel il explique qu’il n’est pas terroriste !), j’ai côtoyé des assassins et des criminels dont certains étaient aimables comme tout. Parmi eux, il y avait des djihadistes du Groupe islamique combattant marocain (GICM), des fascistes turcs affiliés au mouvement des Loups Gris et des néonazis flamands de Blood and Honour.
 
Lorsque nous nous croisions au préau, la plupart d’entre eux me saluaient. Un membre de Blood and Honour, groupuscule paramilitaire dont les crimes racistes ont été maintes fois revendiqués et prouvés a même tenté de me convaincre que son mouvement n’était pas raciste, juste « antimondialiste ».
 
Piccinin conviendra certainement qu’il ne faille pas prendre la déclaration de ce dernier pour argent comptant ni considérer son « antimondialisme » comme un avatar de l’altermondialisme romantique.
 
J’avais pour voisin de cellule un membre du GICM qui avait vraiment le cœur sur la main. Après plusieurs années d’isolement, il put enfin sortir de sa cellule et exercer un travail quoique très maigrement rémunéré. Devenu distributeur des plateaux de repas, il insistait toujours pour me donner plus de nourriture que la quantité prévue. Je le respectais beaucoup pour sa générosité et la souffrance qu’il avait injustement endurée en isolement. Mais la simple évocation des chiites le révulsait. « Il faut tous les décapiter » me disait-il.
 
Même attitude schizophrénique au sein du mouvement fasciste turc essentiellement composé de gens humbles et accueillants : il suffit de très peu pour faire de ces gens du peuple des semeurs de haine voire des tueurs.
 
Nous, Syriens, de l’intérieur ou de l’exil, connaissons trop bien l’idéologie qui anime la plupart des rebelles. Et nous savons aussi qu’il y a parmi eux une minorité de desperados profondément humanistes et légitimement blessés par les crimes commis au nom de l’Etat syrien, à ce point meurtris qu’ils en viennent  à pactiser avec le diable.
 
C’est un choix que je peux comprendre. Mais aucun impératif moral ne me contraint à faire l’apologie de leur choix ni à cautionner leurs actes.
 
Dans sa brillante démonstration, Piccinin nous ressert une énième fois le bombardement de l’hôpital de Dar al-Shifaa, événement que je condamne et dénonce tout comme lui.
 
Cela dit, nous n’avons pas attendu le témoignage de Piccinin pour pleurer les femmes, les enfants, ni les vieillards tués par l’aviation syrienne à Alep ou ailleurs.
 
Et nous pouvons très bien nous passer de ses conseils délirants en stratégie ainsi que les images « gore » de son documentaire (qui n’est qu’un copié-collé de ce que les médias dominants nous servent et resservent sous une forme plus professionnelle à longueur de journée) pour nous forger une opinion indépendante sur les crimes ou les bavures de l’État syrien.
 
Dans sa posture pseudo-humanitaire, M. Piccinin se garde toujours de dire que nous sommes confrontés à une terrible campagne d’anéantissement où les règles élémentaires de la guerre sont constamment violées de part et d’autre de la ligne de front.
 
Pour être plus honnête et complet, M. Piccinin aurait sans doute dû ajouter que la rébellion utilise des ambulances pour transporter des armes notamment depuis la Turquie, ce que de nombreux observateurs turcs ont remarqués.
 
Je tiens également cette information d’amis proches et de membres de ma famille à Antioche qui travaillent dans des hôpitaux de la ville, soignent les rebelles et dont je tairai leur nom pour des raisons de sécurité évidentes.
 
M. Piccinin devrait sans doute aussi nous expliquer que la rébellion bombarde les hôpitaux qui sont aux mains des forces loyalistes comme l’a récemment montré le journaliste Alex Thompson sur la chaîne CNN.
 
 
Certes, il s’agit d’un hôpital militaire. Mais ce mélange des genres n’est pas l’apanage de la seule armée syrienne.
 
Ici, les rebelles revendiquent le bombardement de l’hôpital Al Watani, à Qussayr dans le gouvernorat de Homs sous prétexte qu’il abrite des soldats syriens :
 
 
 
Ici, d’autres images d’hôpitaux attaqués, incendiés, pillés par les rebelles :
 
 
 
Ici, un chirurgien assassiné par des terroristes :
 
 
Nous avons donc bien affaire à un conflit totalement dégénéré et immoral où la question essentielle à se poser n’est pas « qui a commencé » ou « qui commet le plus de dégâts et de crimes » mais « comment faire pour l’arrêter sans que l’un des camps ne soit exterminé ».
 
Il convient de rappeler que si derrière la rébellion et l’opposition, il y a un peuple, derrière l’armée syrienne et le gouvernement, il y a un peuple aussi, y compris dans Alep bombardée.
 
La preuve :
 
 
 
Et actuellement, ni Piccinin, ni BHL, ni François Hollande, ni Bachar El Assad, ni Obama, ni l’émir du Qatar ne sont en mesure de déterminer la cote de popularité de l’un et l’autre camp.
 
En revanche, si l’Occident donnait les chances d’un véritable dialogue inter-syrien,  arrêtait de soutenir le terrorisme et d’adopter des sanctions économiques qui visent essentiellement la population et s’il acceptait l’idée de la tenue d’élections présidentielles sans ingérence, la vie de beaucoup d’innocents pourrait être épargnée.
 
A présent, une petite remarque sur la fine observation de Piccinin à propos de la prétendue trahison par le gouvernement syrien de la cause palestinienne.
 
Notre observateur averti ne se lasse pas de jouer les prétentieux : « Moi je sais parce qu’untel m’a dit que ». Donc, d’après lui, TOUS les Palestiniens sont contre Bachar.
 
Je me vois donc une fois encore obligé par Piccinin de rabaisser le niveau du débat : « L’ami du cousin du gendre de la belle-sœur du voisin de mon neveu qui est palestinien a dit que Bachar a fait beaucoup pour nous. »
 
Il est pourtant évident qu’à l’heure actuelle, il y a DES Palestiniens qui soutiennent la rébellion et DES Palestiniens qui défendent le gouvernement syrien. Et le nombre des uns et des autres évoluera en fonction du cours des combats.
 
Il y a aussi DES Palestiniens qui luttent pour la libération de leur pays et il y a DES Palestiniens proches d’Al Qaïda qui luttent pour le califat mondial et il y a DES Palestiniens pris en otage par Israël pour combattre le Hamas et faire tuer son dirigeant militaire Ahmad Jabbari (cf. analyse d’Ine Roox, De Standaard, 16 novembre 2012)…
 
Si certains Palestiniens de diverses tendances s’opposent au gouvernement syrien, l’appel de toutes les factions palestiniennes à se tenir en dehors du conflit syrien ne profitera certainement pas à la rébellion.
 
Pour l’heure, personne n’est en mesure d’effectuer un sondage ni d’organiser un référendum pour déterminer le taux exact de Palestiniens pro ou anti.
 
Cela dit, dans son inventaire des morts, Piccinin ne tiendra pas compte de l’assassinat par ses amis de l’acteur palestinien Mohamed Ahmed Rafea (http://michelcollon.info/Un-acteur-palestinien-tue-par-les.html ). Ni de la décapitation citée plus haut. Ni des 16 Palestiniens torturés et égorgés dans le Nord d’Alep par les rebelles.
 
Il mettra sans doute sous le boisseau la déclaration de loyauté envers la Syrie, son président et son armée signée par 70 intellectuels palestiniens de gauche parmi lesquels Saed Nafaa, Issam Makhoul ou Aleef Al Sabbagh à Haïfa en Palestine occupée :
 
 
Pour finir, la  contre-argumentation de Piccinin concernant la place des Arméniens dans la rébellion mérite que l’on s’y attarde car cette partie est sans doute la perle de tout son exposé.
 
Il fait mine de me répondre, profitant de l’occasion pour en étaler un peu : « moi, j’ai de très bons amis qui étaient pro-régime (…) et qui sont devenus farouches opposants… ». Or, ce qu’il dit n’est en rien une réfutation de mon propos.
 
D’abord, Piccinin fait preuve d’irrespect à l’égard des victimes de l’ASL en parlant à leur place pour désigner le coupable. Ce sont tout de même des membres de la communauté arménienne qui se sont plaints d’actes de violence de l’ASL contre l’église Saint-Kevork et contre l’école arménienne Mesrobian.
 
La fuite à Beyrouth de l’un de ses « amis arméniens » ancien admirateur du régime syrien aujourd’hui « farouche opposant » n’est pas l’antithèse de l’affirmation selon laquelle des Arméniens subissent les violences de la rébellion. Être un arménien antirégime ne veut pas dire nécessairement être pro-ASL. D’ailleurs, en quittant le pays, les « très bons amis arméniens » de Piccinin exilés à Beyrouth aident davantage l’armée syrienne à isoler la rébellion que le contraire.
 
Piccinin devrait un peu écouter les autres Arméniens d’Alep, le clergé arménien de Syrie ou encore les milices arméniennes résistant aux assauts de l’ASL qui ne pensent pas comme lui pour se faire une idée générale et complète de ce que pensent les Arméniens. Il devrait également se demander pourquoi un avion arménien volant en direction de la Syrie a été forcé d’atterrir en Turquie, pourquoi le président de la République d’Arménie Serge Sarkissian se distancie de la ligne atlantiste et soutient une solution négociée en Syrie, pourquoi dans quasi chaque manifestation pro-Bachar, on aperçoit des drapeaux arméniens.
 
Je doute fort que les Arméniens se grouilleront au portillon de la rébellion  après la lecture des propos suivants émanant d’un membre turkmène de l’ASL: « Si on le prend (le village de Kassab, NDR), on aura accès à la mer et on disposera d’un passage officiel avec la Turquie. On pourra faire venir des armes. Je préviens nos frères arméniens à Kassab: qu’ils partent avant l’offensive de l’Armée libre, sinon ils vont avoir des pertes civiles et encore se plaindre d’un génocide perpétré par des Turcs. » (Lewis Roth, Le Monde, 16 octobre 2012)
 
Cela dit, il est évident que l’armée syrienne qui mobilise de gros moyens militaires dans un environnement urbain compliqué risque davantage de commettre des dégâts, y compris contre des églises.
 
Et comme souligné plus haut, personne ne nie qu’il y à des combattants ASL qui ont une morale et un sens de l’honneur élevé. C’est bien parce que je m’oppose à la chosification de l’un ou l’autre camp que je prône la paix et la réconciliation, contrairement à tous ceux qui, comme Piccinin, souhaitent l’escalade militaire et l’effusion de sang au nom de leurs valeurs prétendument universelles.
 
J’en parlais dans mon précédent billet intitulé « Un autre regard sur la Syrie » ( http://www.michelcollon.info/Un-autre-regard-sur-la-Syrie.html ), 70 soldats et autres travailleurs communaux de la ville frontalière de Ras Al-‘Ayn ont été fusillés il y a trois jours puis jetés dans une fosse commune au pied du drapeau turc :
 
Je doute que la distribution d’armes à ces barbares soutenus par Erdogan soit œuvre de bienfaisance pour la démocratie syrienne.
 
Alors, si Piccinin désire vraiment rendre service au peuple syrien et sauver la vie d’innocents, ne devrait-il pas accompagner les images et les textes qu’il diffuse par un appel à la paix en conformité au message de l’Église à laquelle il se dit si attaché ?
Bahar Kimyongür

Le 16 novembre 2012

(auteur de Syriana, la conquête continue, Ed. Couleur Livres & Investig’action, 2011 et porte-parole du Comité contre l’ingérence en Syrie – CIS)


 
 
L’intégrale du billet de Pierre Piccinin :
 
La lecture des événements proposée par Bahar KIMYONGUR dans cet article est proprement aberrante.
 
C’est une vue de l’esprit, aménagée et tronquée, à la faveur d’un prisme paléo-marxiste qui plie la réalité des faits aux impératifs propagandistes d’une idéologie surannée.

L’hôpital Dar al-Shifaa, à Alep, tenu par la révolution et où j’avais été hébergé en juillet, puis en août, ayant été détruit par les bombardements successifs du régime (et ce bien qu’il fût marqué du croissant-rouge), j’ai donc passé ailleurs les nuits, cette fois, en octobre et au début de ce mois de novembre : j’ai vécu dans plusieurs katibas, dont une katiba de Liwa al-Towheed -ils ne sont pas plus djihadistes que Bahar et moi ; que moi, en tout cas…-; c’étaient tous des gars d’Alep, organisés par quartiers; j’ai vécu chez eux, avec leur famille, femmes, enfants et voisins non-combattants.

De ce que j’ai pu observer sur le terrain, ce qu’écrit dans cet article Bahar KIMYONGUR est à 80% incorrect.
 
Il se trompe aussi sur les Palestiniens; je l’avais déjà compris en mai, en prison, où j’en avais rencontrés un grand nombre; mais ce qu’ils m’avaient alors expliqué sur leur position par rapport au régime, j’ai pu le vérifier, par la suite, sur le terrain. Comme je l’expliquerai dans ma troisième série de chroniques, bientôt en librairie, j’ai rencontré des gens de l’OLP qui se battent avec les rebelles. Et, comme je l’ai écrit, il n’y a plus que quelques gauchistes anti-américains pour croire encore que le régime syrien soutient la cause palestinienne : les Syriens et les Palestiniens, eux, ils savent depuis belle lurette que ce n’est pas le cas.
 
Il se trompe aussi sur les Arméniens : j’ai, depuis juillet 2011, de très bons amis syriens d’origine arménienne, à Alep. Ils étaient pro-régime, eux et leur famille; aujourd’hui, ils sont réfugiés chez des parents, au Liban, et ils sont devenus de farouches opposants au régime. Ils m’ont mis en contact avec d’autres Arméniens, notamment dans le quartier de Bustan al-Pacha, juste à côté de Midan, un des quartiers chrétiens d’Alep. Ces derniers m’ont montré les dégâts des bombardements de l’armée régulière, qui ont détruit des églises et un hospice arméniens; et c’est l’ASL, en collaboration avec les autorités religieuses chrétiennes arméniennes, qui a assuré le transfert des vieillards et de leurs bagages vers d’autres bâtiments, où ils sont maintenant en sécurité et dans des conditions de vie décentes.
 
Quand je lis ce qu’écrit Bahar KIMYONGUR, je suis donc révolté, non pas tant par ce que je lis, mais parce qu’il sera cru par ses lecteurs, pendant que, en vérité, sur le terrain, en dehors de ses textes et de sa lecture, la terrible réalité se poursuit.
 


 

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