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Pour certains historiens contemporains, les jardins de Babylone relèvent d’un mythe…


Publié par Gilles Munier sur 16 Novembre 2021, 13:56pm

Catégories : #Irak, #Babylone

Représentation d’artiste des jardins suspendus de Babylone, XIXe siècle. Image Wikipedia sous licence Creative Commons

À ce jour, aucune trace archéologique témoignant de leur existence n’a été identifiée. Les spécialistes cherchent à les localiser dans l’antique cité de Ninive, actuellement ville de Mossoul.

Par May Makarem (revue de presse : L’Orient-Le Jour – 16/11/21)*

Au IIIe siècle avant J-C, l’ingénieur grec Philon de Byzance classe les jardins suspendus de Babylone, au sud de l’actuel Irak, parmi les sept merveilles du monde antique. Le premier à les évoquer est le prêtre babylonien Bérose (IVe siècle avant J-C). Il attribue leur construction à Nabuchodonosor II, qui les aurait créés pour son épouse persane Amytis, laquelle se languissait de la verdure de son pays natal. Le texte de Bérose est perdu, mais il subsiste sous forme de fragments chez des historiens et géographes du Ier siècle avant J-C, tels Flavius Josèphe, Diodore de Sicile et Strabon ; on le retrouve également chez Eusèbe de Césarée (265-339 de l’ère chrétienne). Toutefois, à l’exception de Bérose, aucun texte babylonien ne mentionne les jardins suspendus, ou du moins pas un seul n’a été retrouvé. Aucune des inscriptions relatant les grands chantiers de Nabuchodonosor II ne contient une référence à un jardin surélevé. Dans ses Histoires, le géographe et historien grec Hérodote (480-425 avant notre ère), qui a visité Babylone un siècle seulement après la mort de Nabuchodonosor, ne les évoque pas non plus lorsqu’il décrit la ville. Les murailles, la tour de Babel ou Ziggurat d’Etemenanki, les palais royaux et autres constructions de la ville antique ont été identifiés par les fouilles archéologiques ou sont attestés dans les textes cunéiformes. Mais cela n’a pas été le cas pour les jardins.

Comme les paradis perses

Selon les sites du National Geographic, Persée et Wikipedia, l’Allemand Robert Koldewey qui avait mené les fouilles et révélé les fondations de la ziggurat, entre 1899 et 1917, pensait que les jardins suspendus étaient localisés dans une construction du Palais Sud, où 14 pièces voûtées, aux murs épais propres à supporter les jardins, ainsi que trois puits juxtaposés ont été mis au jour. Mais il s’est avéré que ce bâtiment était dédié au stockage. Il a livré un nombre de jarres ainsi qu’une tablette cunéiforme datant du règne de Nabuchodonosor II (604-562 avant J-C) sur laquelle sont inscrits des détails sur la répartition d’huile de sésame, de céréales, de dattes, d’épices, etc.

Plusieurs décennies après Koldewey, des spécialistes, parmi lesquels Reade, Donald Wiseman et W.W. Stevenson, ont cherché à localiser l’emplacement possible des jardins et tenté de restituer leur aspect, mais toutes les hypothèses ont suscité des objections. À titre d’exemple, celle de Stevenson, publiée dans la revue archéologique britannique Iraq, reconstitue entièrement une structure carrée de 125 m de côté et 25 m de hauteur, isolée de toute construction, au sud du Palais Sud. Les jardins ressembleraient plus à un parc du type des paradis perses, où l’eau serait apportée depuis l’Euphrate par un canal souterrain. Les vestiges possibles seraient enfouis sous des constructions plus récentes.

L’absence de traces archéologiques a poussé d’autres scientifiques à reléguer les jardins de Babylone au rang de légende développée par des auteurs antiques à partir des jardins royaux babyloniens. En revanche, d’autres cherchent à les localiser à Ninive, capitale du royaume assyrien dont les ruines ont été mises au jour à une centaine de kilomètres au sud de Babylone, dans les faubourgs de l’actuelle ville de Mossoul.

La « Merveille » de Sennachérib ?

En effet, nombre d’experts, notamment Stéphanie Dalley, assyriologue de l’Institut oriental de l’Université d’Oxford, considèrent que certaines sources gréco-romaines confondaient Assyrie et Babylonie dans le récit des grandes civilisations mésopotamiennes. « Diodore situe, par exemple, Ninive près de l’Euphrate, alors que la cité se trouve sur les rives du Tigre », souligne Dalley. Ou encore, il décrit des reliefs en pierre de Babylone représentant la reine Sémiramis à la chasse, transperçant un lion avec sa lance. Or, « aucune scène de ce type n’a été découverte à Babylone. En revanche, elle correspond exactement aux reliefs cynégétiques néo-assyriens qui décoraient le palais nord de Ninive ».

L’assyriologue s’appuie également sur les annales (fragments de prismes inscrits) du règne du roi assyrien Sennachérib (705 à 681 avant J-C) qui, dans une de ses chroniques, s’enorgueillit des réalisations qu’il a entreprises : « J’ai surélevé la hauteur des alentours du palais pour que tous admirent sa merveille (…) Un jardin en hauteur imitant les monts Amanus (…) » Les auteurs classiques disaient que le roi de Babylone reproduisait le paysage de Perse ; les annales de Sennachérib évoquent une imitation des monts Amanus, chaîne de l’extrême sud de l’actuelle Turquie. Dalley avance un autre texte où Sennachérib fait mention d’un type de vis d’Archimède, un dispositif « qui pourrait servir à élever de l’eau pour arroser des jardins suspendus, ce besoin en eau étant estimé à 300 tonnes par jour », dit-elle, ajoutant que « l’identification de jardins suspendus à Ninive invalide celle de ces jardins à Babylone ». Les archives du règne de ce roi sont riches, de fait, en référence à d’ingénieux systèmes d’irrigation. Des archéologues ont également découvert un système d’aqueduc, construit sous son règne, avec deux millions de blocs de pierre qui acheminait l’eau à travers la vallée de Jerwan, localité au nord de Mossoul dans la province de Duhok au Kurdistan irakien. La théorie de Stéphanie Dalley ne fait pas l’unanimité dans le milieu scientifique. Mais si elle est vraie, une grande énigme de l’archéologie serait résolue.

*Source : L’Orient-Le Jour

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