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Poutine au Forum Valdaï : nous assistons aux funérailles de l’Occident (discours intégral)


LE CRI DES PEUPLES

Samedi 24 octobre 2020
Réunion du club de discussion Valdaï.

Vladimir Poutine a participé, par vidéoconférence, à la séance plénière finale de la 17e réunion annuelle du Valdai International Discussion Club, tenue à Moscou le 22 octobre 2020. Nous retranscrivons ci-dessous le texte intégral de son intervention. Les questions-réponses qui ont suivi étaient encore plus intéressantes. Nous en traduirons prochainement des extraits.

Source : kremlin.ru

Traduction : lecridespeuples.fr

Transcription :

Vladimir Poutine : Chers collègues, chers amis, bonjour.

Participants de la 17e réunion plénière du Club Valdaï,

Mesdames et Messieurs,

Je vous souhaite à tous la bienvenue à notre traditionnelle assemblée annuelle. Nous nous réunissons dans un format inhabituel cette fois ; nous sommes en vidéoconférence. Mais je peux voir qu’il y a aussi des gens présents dans la salle. Pas autant que d’habitude, bien sûr, mais néanmoins il y a des gens présents, et apparemment, vous avez eu une discussion en face à face. J’en suis ravi.

Nous sommes certainement conscients, nous pouvons voir que l’épidémie de coronavirus a gravement affecté les affaires publiques, commerciales et internationales. Plus que cela, elle a affecté le rythme de vie de chacun.

Presque tous les pays ont dû imposer diverses restrictions et les grands rassemblements publics ont été en grande partie annulés. Cette année a également été difficile pour votre Club. Mais le plus important est que vous continuez à travailler. Avec l’aide de la technologie [de communication] à distance, vous menez des débats animés et significatifs, vous discutez de diverses choses et vous faites appel à de nouveaux experts qui partagent leurs opinions et présentent des points de vue intéressants, originaux, parfois même opposés, sur les développements actuels. Un tel échange est, bien entendu, très important et utile maintenant que le monde est confronté à tant de défis qui doivent être résolus.

Nous devons donc poursuivre nos efforts pour comprendre comment l’épidémie a affecté et continuera d’affecter le présent et l’avenir de l’humanité. Face à cette dangereuse menace, la communauté internationale tente de prendre certaines mesures et de se mobiliser. Certaines choses se font déjà dans le cadre d’efforts de collaboration, mais je tiens à signaler tout de suite que ce n’est qu’une fraction de ce qui doit être fait face à ce formidable défi commun. Ces occasions manquées font également l’objet d’une discussion internationale franche.

Depuis le début de la pandémie en Russie, nous nous sommes attachés à préserver des vies et à assurer la sécurité de nos populations en tant que valeurs clés. C’était un choix éclairé dicté par notre culture et nos traditions spirituelles, ainsi que par notre histoire complexe, parfois dramatique. Si nous repensons aux grandes pertes démographiques que nous avons subies au XXe siècle, nous n’avons pas eu d’autre choix que de nous battre pour chaque personne et pour l’avenir de chaque famille russe.

Voir Poutine : la santé publique primera sur l’économie, refuser les soins aux plus âgés est un retour à la barbarie

Ainsi, nous avons fait de notre mieux pour préserver la santé et la vie de notre population, pour aider les parents et les enfants, ainsi que les seniors et ceux qui ont perdu leur emploi, pour maintenir le plus possible leur emploi, pour minimiser les dommages infligés à l’économie, et pour soutenir des millions d’entrepreneurs qui dirigent des petites entreprises ou des entreprises familiales.

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Peut-être que comme tout le monde, vous suivez de près les mises à jour quotidiennes sur la pandémie dans le monde. Malheureusement, le coronavirus n’a pas reculé et constitue toujours une menace majeure. Probablement, ce contexte troublant intensifie le sentiment, comme beaucoup de gens le ressentent, qu’une toute nouvelle ère est sur le point de commencer et que nous ne sommes pas seulement au bord de changements dramatiques, mais à l’aube d’une ère de changements tectoniques dans tous les domaines de la vie.

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Nous constatons le développement rapide et exponentiel des processus dont nous avons discuté à plusieurs reprises au Club Valdaï auparavant. Ainsi, il y a six ans, en 2014, nous parlions de cette question lorsque nous abordions le thème « L’Ordre mondial : nouvelles règles ou jeu sans règles ? » Alors, que se passe-t-il maintenant ? Malheureusement, le jeu sans règles devient de plus en plus horrible et semble parfois être un fait accompli.

Lire le Discours intégral de Vladimir Poutine au Forum de Valdaï en 2014

La pandémie nous a rappelé à quel point la vie humaine est fragile. Il était difficile d’imaginer que dans notre 21e siècle technologiquement avancé, même dans les pays les plus prospères et les plus riches, les gens pourraient se retrouver sans défense face à ce qui ne semble pas être une infection tellement mortelle, ni une menace tellement horrible. Mais la vie a montré que tout ne se résume pas au niveau de la science médicale avec certaines de ses réalisations fantastiques. Il est apparu que l’organisation et l’accessibilité du système public de santé ne comptent pas moins, et sont probablement beaucoup plus importantes dans cette situation.

Le Canard enchaîné, 29 avril 2020

Les valeurs d’entraide, de service et de don de soi se sont avérées les plus importantes. Cela vaut également pour la responsabilité, le calme et l’honnêteté des autorités, leur volonté de répondre à la demande de la société et en même temps de fournir une explication claire et bien étayée de la logique et de la cohérence des mesures adoptées afin de ne pas permettre à la peur de soumettre et de diviser la société mais, au contraire, de lui donner l’assurance qu’ensemble, nous surmonterons toutes les épreuves, aussi difficiles qu’elles soient.

La lutte contre la menace du coronavirus a montré que seul un État viable peut agir efficacement en cas de crise – contrairement au raisonnement de ceux qui prétendent que le rôle de l’État dans le monde global diminue et qu’à l’avenir, il sera entièrement remplacé par d’autres formes d’organisation sociale. Oui, c’est possible. Tout peut changer dans un avenir lointain. Le changement est partout autour de nous, mais aujourd’hui, le rôle et l’importance de l’État sont de première importance.

Nous avons toujours considéré qu’un État fort était une condition fondamentale du développement de la Russie. Et nous avons vu à nouveau que nous avions eu raison de restaurer et de renforcer méticuleusement les institutions étatiques après leur déclin, et parfois leur destruction complète dans les années 1990.

Ensuite, la question est la suivante : qu’est-ce qu’un État fort ? Quels sont ses points forts ? Certainement pas un contrôle total ou une application sévère de la loi. Ce n’est pas non plus d’entraver l’initiative privée ou l’engagement civique. Ce n’est pas même la puissance de ses forces armées ou son fort potentiel de défense, même si je pense que vous réalisez à quel point cette composante particulière est importante pour la Russie, compte tenu de sa géographie et de l’éventail des défis géopolitiques. Et il y a aussi notre responsabilité historique en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies d’assurer la stabilité mondiale.

Néanmoins, je suis convaincu que ce qui fait la force d’un État, c’est avant tout la confiance que ses citoyens ont en lui. C’est là que réside la force d’un État. Le peuple est la source du pouvoir, nous le savons tous. Et cette recette n’implique pas seulement d’aller au bureau de vote et de voter, elle implique la volonté des gens de déléguer une large autorité à leur gouvernement élu, de considérer l’État, ses organes, les fonctionnaires, comme leurs représentants – ceux qui sont chargés de prendre des décisions, mais qui assument également l’entière responsabilité de l’exercice de leurs fonctions [et rendent des comptes].

Ce type d’Etat peut être configuré de la manière que vous souhaitez. Quand je dis « de la manière que vous souhaitez », je veux dire que le nom que vous donnez à votre système politique est sans importance. Chaque pays a sa propre culture politique, ses traditions et sa propre vision quant à leur développement. Essayer d’imiter aveuglément l’agenda de quelqu’un d’autre est vain et nuisible. L’essentiel est que l’État et la société soient en harmonie.

Et bien sûr, la confiance est le fondement le plus solide du travail créatif de l’État et de la société. Ce n’est qu’ensemble qu’ils pourront trouver un équilibre optimal entre liberté et garanties de sécurité.

Une fois de plus, dans les moments les plus difficiles de la pandémie, j’ai ressenti de la fierté et, pour être honnête, je suis fier de la Russie, de nos citoyens, de leur volonté de se soutenir les uns les autres. Et bien sûr, tout d’abord, je suis fier de nos médecins, infirmières et ambulanciers, tous, sans exception, sur qui s’appuie le système national de santé.

Je pense que la société civile jouera un rôle clé dans l’avenir de la Russie. Nous voulons donc que la voix de nos citoyens soit décisive et que les propositions constructives et les demandes des différentes forces sociales soient mises en œuvre.

Cela soulève la question : comment se forme cette demande d’action ? Quelles sont les voix dont l’État doit tenir compte ? Comment sait-il si c’est vraiment la voix du peuple et non des messages en coulisse ou même des cris vocaux de gens qui n’ont rien à voir avec notre peuple et qui deviennent parfois hystériques ?

Parfois, quelqu’un essaie de faire passer les intérêts égoïstes d’un petit groupe social ou même des forces extérieures pour une véritable revendication populaire.

La véritable démocratie et la société civile ne peuvent pas être « importées ». Je l’ai dit bien des fois. Ils ne peuvent pas être le produit des activités de « bienfaiteurs » étrangers, même s’ils « veulent le meilleur pour nous ». En théorie, c’est probablement possible. Mais, franchement, je n’ai pas encore vu une telle chose et n’y crois pas beaucoup. Nous voyons comment fonctionnent ces modèles de démocratie importés. Ils ne sont rien de plus qu’une coquille ou un front sans rien derrière eux, pas même un semblant de souveraineté. Les habitants des pays où de tels projets ont été mis en œuvre n’ont jamais été invités à donner leur avis, et leurs dirigeants respectifs ne sont que de simples vassaux. Comme on le sait, le seigneur décide de tout pour le vassal. Je le répète, seuls les citoyens d’un pays donné peuvent déterminer leur intérêt public.

Nous, en Russie, avons traversé une période assez longue où les fonds étrangers étaient la principale source de création et de financement d’organisations non gouvernementales. Bien entendu, ils n’ont pas tous poursuivi des objectifs égoïstes ou mauvais, ni voulu déstabiliser la situation dans notre pays, s’ingérer dans nos affaires intérieures ou influencer la politique intérieure et, parfois, étrangère de la Russie dans leur propre intérêt. Bien sûr que non.

Il y avait des enthousiastes sincères parmi les organisations civiques indépendantes (elles existent), et nous leur sommes sans aucun doute reconnaissants. Mais même ainsi, ils sont restés pour la plupart des étrangers et ont en fin de compte reflété les points de vue et les intérêts de leurs administrateurs étrangers plutôt que des citoyens russes. En un mot, ils étaient un outil, avec toutes les conséquences qui en découlaient.

Une société civile forte, libre et indépendante a une orientation patriote et est souveraine par définition. Elle naît du cœur de la vie des gens et peut prendre différentes formes et directions. Mais c’est un phénomène culturel, une tradition d’un pays particulier, et non le produit d’un « esprit transnational » abstrait qui cache les intérêts d’autres personnes.

Le devoir de l’Etat est de soutenir les initiatives publiques et de leur ouvrir de nouvelles opportunités. C’est exactement ce que nous faisons. Je considère que cette question est la plus importante pour le programme du gouvernement dans les décennies à venir – peu importe qui exactement occupera des postes dans ce gouvernement. C’est la garantie du développement souverain et progressif de la Russie, d’une véritable continuité dans sa marche en avant et de notre capacité à répondre aux défis mondiaux.

Chers collègues,

Vous êtes bien conscients des nombreux, et même très nombreux problèmes et controverses aigus qui se sont accumulés dans les affaires internationales modernes. Depuis que le modèle de relations internationales de la guerre froide, qui était stable et prévisible à sa manière, a commencé à changer (je ne dis pas que l’ordre mondial bipolaire me manque, je ne le regrette certainement pas), le monde a changé à plusieurs reprises. En fait, les choses se sont déroulées si rapidement que ceux que l’on appelait habituellement les élites politiques n’avaient tout simplement pas le temps, ou peut-être pas de grand intérêt, ou la capacité, d’analyser ce qui se passait réellement.

Certains pays se sont précipités pour découper le gâteau, principalement pour en saisir un plus gros morceau, afin de profiter des avantages que la fin de la guerre froide a apportée. D’autres cherchaient frénétiquement des moyens de s’adapter à tout prix aux changements. Et certains pays – nous rappelons franchement notre triste expérience – ont simplement lutté pour survivre, pour survivre en tant que pays unique et également en tant que sujet [et non objet] de la politique mondiale.

En attendant, le temps nous amène de plus en plus et avec insistance à nous demander ce qui attend l’humanité, à quoi devrait ressembler le nouvel ordre mondial, ou du moins un semblant de celui-ci, et si nous prendrons des mesures éclairées pour aller de l’avant, en coordonnant nos mouvements, ou si nous avancerons aveuglément en trébuchant, chacun de nous ne comptant que sur lui-même.

Dans le récent rapport du Club Valdaï, votre Club, on peut lire : « … dans un contexte international fondamentalement changé, les institutions elles-mêmes sont devenues un obstacle à la construction d’un système de relations correspondant à la nouvelle ère plutôt qu’une garantie de stabilité et de maniabilité mondiales. » Les auteurs estiment que nous sommes dans un monde où les États individuels ou les groupes d’États agiront de manière beaucoup plus indépendante tandis que les organisations internationales traditionnelles perdront leur importance.

Voici ce que je voudrais dire à ce sujet. Bien entendu, ce qui sous-tend cette position est clair. En effet, l’ordre mondial d’après-guerre a été établi par trois pays victorieux : l’Union soviétique, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Le rôle de la Grande-Bretagne a changé depuis lors ; l’Union soviétique n’existe plus, tandis que certains tentent de rejeter complètement la Russie.

Permettez-moi de vous assurer, chers amis, que nous évaluons objectivement nos potentialités, à savoir notre potentiel intellectuel, territorial, économique et militaire. Je fais référence à nos options actuelles, à notre potentiel global. Alors que nous consolidons ce pays et regardons ce qui se passe dans le monde, dans d’autres pays, je voudrais dire ceci à ceux qui attendent encore que la force de la Russie diminue progressivement : la seule chose qui nous inquiète est d’attraper un rhume à vos funérailles.

En tant que chef d’État qui travaille directement dans un environnement que vous et vos collègues décrivez à partir d’une position d’expertise, je ne peux souscrire à l’hypothèse selon laquelle les structures internationales existantes doivent être complètement reconstruites, voire rejetées comme étant obsolètes et complètement démantelées. Au contraire, il est important de préserver les mécanismes de base du maintien de la sécurité internationale, qui se sont révélés efficaces. Il s’agit de l’ONU, du Conseil de sécurité et du droit de veto des membres permanents. J’en ai récemment parlé lors de l’anniversaire de l’Assemblée générale des Nations Unies. Autant que je sache, cette position – la préservation des principes fondamentaux de l’ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale – bénéficie d’un large soutien dans le monde.

Cependant, je crois que l’idée d’ajuster l’arrangement institutionnel de la politique mondiale mérite au moins d’être discutée, ne serait-ce que parce que les rapports de force, les potentialités et les positions des États ont sérieusement changé, comme je l’ai dit, en particulier au cours des 30 à 40 dernières années.

En effet, comme je l’ai dit, l’Union soviétique n’est plus là. Mais il y a la Russie. En termes de poids économique et d’influence politique, la Chine évolue rapidement vers le statut de superpuissance. L’Allemagne évolue dans la même direction, et la République fédérale d’Allemagne est devenue un acteur important de la coopération internationale. Dans le même temps, les rôles de la Grande-Bretagne et de la France dans les affaires internationales ont subi des changements importants. Les États-Unis, qui à un moment donné ont absolument dominé la scène internationale, ne peuvent plus revendiquer leur exceptionnalité. D’une manière générale, les États-Unis ont-ils besoin de cet exceptionnalisme ? Bien sûr, des puissances telles que le Brésil, l’Afrique du Sud et certains autres pays sont devenues beaucoup plus influentes.

En effet, il est clair que toutes les organisations internationales ne s’acquittent pas efficacement de leurs missions et tâches. Appelées à être des arbitres impartiaux, elles agissent souvent sur la base de préjugés idéologiques, tombent sous la forte influence d’autres États et deviennent des outils entre leurs mains. Jongler avec les procédures, manipuler les prérogatives et l’autorité, mener des approches biaisées, en particulier lorsqu’il s’agit de conflits impliquant des puissances rivales ou des groupes d’États, tout cela est malheureusement devenu une pratique courante.

Le fait que des organisations internationales faisant autorité suivent les intérêts égoïstes de certains et soient entraînées dans des campagnes politisées contre des dirigeants et des pays spécifiques est triste. Cette approche ne fait que discréditer ces institutions, les conduit vers le déclin et exacerbe la crise de l’ordre mondial.

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D’un autre côté, il y a des développements positifs lorsqu’un groupe d’États intéressés unissent leurs forces pour résoudre des problèmes spécifiques, comme l’Organisation de coopération de Shanghai, qui depuis près de 20 ans contribue au règlement des différends territoriaux et au renforcement de la stabilité en Eurasie centrale, et façonne un esprit de partenariat unique dans cette partie du monde.

Ou, par exemple, le format Astana, qui a contribué à sortir le processus politique et diplomatique concernant la Syrie d’une impasse profonde. Il en va de même pour l’OPEP Plus, qui est un outil efficace, quoique très complexe, pour stabiliser les marchés pétroliers mondiaux.

Dans un monde fragmenté, cette approche est souvent plus productive. Mais ce qui compte ici, c’est qu’en plus de résoudre des problèmes spécifiques, cette approche peut également insuffler une nouvelle vie à la diplomatie multilatérale. C’est une chose importante. Mais il est également évident que nous ne pouvons pas nous passer d’un cadre commun et universel pour les affaires internationales. Quels que soient les groupes d’intérêt, associations ou alliances ad hoc que nous formons maintenant ou à l’avenir, nous ne pouvons pas nous passer d’un cadre commun.

Le multilatéralisme ne doit pas être compris comme une inclusion totale, mais comme la nécessité d’impliquer les parties qui sont vraiment intéressées et concernés à résoudre un problème. Et bien sûr, lorsque des forces extérieures interviennent grossièrement et sans vergogne dans un processus qui affecte un groupe d’acteurs parfaitement capables de s’entendre entre eux, rien de bon ne peut en résulter. Et ils le font uniquement dans le but d’afficher leur ambition, leur pouvoir et leur influence. Ils le font pour s’imposer sur le terrain, pour doubler tout le monde, mais pas pour apporter une contribution positive ou aider à résoudre la situation.

Encore une fois, même au milieu de la fragmentation actuelle des affaires internationales, il existe des défis qui nécessitent plus que la capacité combinée de quelques États, même très influents. Les problèmes de cette ampleur, qui existent, nécessitent une attention mondiale.

La stabilité internationale, la sécurité, la lutte contre le terrorisme et la résolution de conflits régionaux urgents en font certainement partie ; tout comme la promotion du développement économique mondial, la lutte contre la pauvreté et l’élargissement de la coopération dans le domaine des soins de santé. Ce dernier point est particulièrement pertinent aujourd’hui.

J’ai parlé en détail de ces défis à l’Assemblée générale des Nations Unies le mois dernier. Pour y répondre de manière satisfaisante, il faudra travailler ensemble de manière systématique et à long terme.

Cependant, il y a des considérations de nature plus générale qui touchent littéralement tout le monde, et je voudrais les évoquer plus en détail.

Nous sommes nombreux à avoir lu Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry quand nous étions enfants et à nous souvenir de ce que disait le personnage principal : « C’est une question de discipline. Quand on a terminé sa toilette du matin, il faut faire soigneusement la toilette de la planète. […] C’est un travail très ennuyeux, mais très facile. »

Je suis sûr que nous devons continuer à faire ce travail fastidieux si nous voulons préserver notre maison commune pour les générations futures. Nous devons entretenir notre planète.

Le sujet de la protection de l’environnement est depuis longtemps un élément incontournable de l’ordre du jour mondial. Mais je l’aborderai plus largement pour discuter également d’une tâche importante consistant à abandonner la pratique de la consommation effrénée et illimitée – la surconsommation – au profit d’une suffisance judicieuse et raisonnable, dans laquelle nous ne vivons pas seulement pour aujourd’hui mais pensons aussi à demain.

On dit souvent que la nature est extrêmement vulnérable à l’activité humaine. Surtout lorsque l’utilisation des ressources naturelles prend une dimension mondiale. Cependant, l’humanité n’est pas à l’abri des catastrophes naturelles, dont beaucoup sont le résultat d’interférences anthropiques. À propos, certains scientifiques estiment que les récentes flambées de maladies dangereuses sont une réponse à cette interférence. C’est pourquoi il est si important de développer des relations harmonieuses entre l’homme et la nature.

Les tensions ont atteint un point critique. Nous pouvons le voir avec le changement climatique. Ce problème appelle une action pratique et beaucoup plus d’attention de notre part. Il a depuis longtemps cessé d’être le domaine des intérêts scientifiques abstraits mais concerne désormais presque tous les habitants de la planète Terre. Les calottes polaires et le pergélisol [permafrost] fondent à cause du réchauffement climatique. Selon des estimations d’experts, la vitesse et l’ampleur de ce processus augmenteront au cours des prochaines décennies.

C’est un énorme défi pour le monde, pour toute l’humanité, y compris pour nous, pour la Russie, où le pergélisol occupe 65% de notre territoire national. De tels changements peuvent causer des dommages irréparables à la diversité biologique, avoir un effet extrêmement négatif sur l’économie et les infrastructures et constituer une menace directe pour les personnes.

Vous savez peut-être que cela est très important pour nous. Cela affecte les réseaux de pipelines, les quartiers résidentiels construits sur le pergélisol, etc. Si jusqu’à 25% des couches proches de la surface du pergélisol, soit environ trois ou quatre mètres, fondent d’ici l’an 2100, nous en ressentirons l’effet très fortement. De plus, le problème pourrait se transformer très rapidement en crise. Une sorte de réaction en chaîne est possible, car la fonte du pergélisol stimulera les émissions de méthane, ce qui peut produire un effet de serre 28 fois (sic) plus important que pour le dioxyde de carbone. En d’autres termes, la température continuera d’augmenter sur la planète, le pergélisol continuera de fondre et les émissions de méthane continueront d’augmenter. La situation va dégénérer. Voulons-nous que la Terre devienne comme Vénus, une planète chaude, sèche et sans vie ? Je voudrais vous rappeler que la Terre a une température moyenne de surface de 14° C alors que sur Vénus elle est de 462° C.

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Un autre sujet, complètement différent. Je voudrais dire quelques mots sur un sujet différent. N’oublions pas qu’il n’y a plus que des continents géographiques sur Terre. Un espace numérique presque infini prend forme sur la planète et les gens le maîtrisent de plus en plus vite chaque année.

Les restrictions imposées par le coronavirus n’ont fait qu’encourager le développement de la technologie électronique à distance. Aujourd’hui, les communications basées sur Internet sont devenues un atout universel. Il est nécessaire de s’assurer que cette infrastructure et tout le cyberespace fonctionnent sans faille et en toute sécurité.

Ainsi, le travail à distance n’est pas seulement une précaution forcée lors d’une pandémie. Cela deviendra une nouvelle forme d’organisation du travail, de l’emploi, de la coopération sociale et simplement de la communication humaine. Ces changements sont inévitables avec le développement du progrès technologique. Cette récente tournure des événements n’a fait que précipiter ces processus. Tout le monde apprécie les opportunités et les commodités offertes par les nouvelles technologies.

Mais, bien sûr, il y a aussi un revers, à savoir une menace croissante pour tous les systèmes numériques. Oui, le cyberespace est un environnement fondamentalement nouveau où, fondamentalement, des règles universellement reconnues n’ont jamais existé. La technologie a tout simplement dépassé la législation et donc le contrôle judiciaire. En même temps, c’est un domaine très spécifique où la question de la confiance est particulièrement urgente.

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Je pense qu’à ce stade, nous devons revenir à notre expérience historique. Qu’est-ce que je veux dire ? Je rappelle que la notion établie de « mesures d’instauration de la confiance » existait pendant la guerre froide. Elle s’appliquait aux relations entre l’URSS et les États-Unis, et entre le Pacte de Varsovie et l’OTAN, c’est-à-dire aux relations militaro-politiques.

Cela dit, permettez-moi de souligner que maintenant, la concurrence est généralement de caractère « hybride ». Elle concerne tous les domaines, y compris ceux qui commencent tout juste à prendre forme. C’est pourquoi il est nécessaire de renforcer la confiance dans de nombreux domaines.

En ce sens, le cyberespace peut servir de lieu pour tester ces mesures, comme à un moment donné, la maîtrise des armements a ouvert la voie à une plus grande confiance dans le monde dans son ensemble.

De toute évidence, il est très difficile de rédiger un « ensemble de mesures » requis dans ce domaine qu’est le cyberespace. Cependant, il est nécessaire de commencer à travailler dessus. Cela doit être fait maintenant.

Comme vous le savez peut-être, la Russie promeut activement les accords bilatéraux et multilatéraux sur la cybersécurité. Nous avons soumis deux projets de conventions sur ce sujet à l’ONU et créé un groupe de travail à composition non limitée pour ces questions.

Récemment, j’ai proposé de lancer une discussion approfondie sur les problèmes internationaux de cybersécurité avec les États-Unis. Nous savons que les hommes politiques aux États-Unis ont d’autres choses sur lesquelles se concentrer maintenant à cause de la campagne électorale. Cependant, nous espérons que la prochaine administration, quelle qu’elle soit, répondra à notre invitation à entamer une discussion sur ce sujet, tout comme sur d’autres points de l’agenda russo-américain tels que la sécurité mondiale, l’avenir du traité de réduction des armements stratégiques et un certain nombre d’autres problèmes.

Comme vous le savez, de nombreuses questions importantes ont atteint un point où elles nécessitent des discussions franches, et nous sommes prêts pour une discussion constructive sur un pied d’égalité.

Bien sûr, l’époque où toutes les questions internationales importantes étaient discutées et résolues essentiellement par Moscou et Washington est révolue depuis longtemps. Cependant, nous considérons l’établissement d’un dialogue bilatéral, dans ce cas sur la cybersécurité, comme une étape importante vers une discussion beaucoup plus large impliquant de nombreux autres pays et organisations. Si les États-Unis choisissent de ne pas participer à ces travaux, ce qui serait regrettable, nous serons toujours disposés à travailler avec tous les partenaires intéressés, qui, je l’espère, ne manqueront pas.

Je voudrais souligner un autre aspect important. Nous vivons à une époque de crises et de chocs internationaux palpables. Bien sûr, nous y sommes habitués, en particulier les générations qui ont vécu pendant la guerre froide, sans parler de la Seconde Guerre mondiale, pour lesquelles ce n’est pas seulement un souvenir, mais une partie de leur vie.

Il est intéressant de noter que l’humanité a atteint un très haut niveau de développement technologique et socio-économique, tout en faisant face à la perte ou à l’érosion des valeurs morales et des points de référence, un sentiment que l’existence n’a plus de sens et, si vous voulez, que le la mission de l’humanité sur la planète Terre a été perdue.

Cette crise ne peut être réglée par des négociations diplomatiques ni même par une grande conférence internationale. Elle nous appelle à revoir nos priorités et à repenser nos objectifs. Et chacun doit commencer chez soi, chaque individu, communauté et Etat, et seulement ensuite travailler à établir une configuration globale.

La pandémie de COVID-19, à laquelle nous avons tous été confrontés cette année, peut servir de point de départ à une telle transformation. Nous devrons de toute façon réévaluer nos priorités. Croyez-moi, nous devrons vraiment le faire, tôt ou tard. Nous sommes tous conscients de cela. Par conséquent, je suis entièrement d’accord avec ceux qui disent qu’il vaudrait mieux commencer ce processus maintenant.

J’ai mentionné l’histoire et les générations plus âgées qui ont traversé toutes les épreuves du siècle dernier pour une raison. Tout ce dont nous discutons aujourd’hui deviendra bientôt la responsabilité des jeunes. Les jeunes devront faire face à tous les problèmes que j’ai mentionnés et dont vous avez discuté aujourd’hui. En ce qui concerne la Russie, ses jeunes citoyens, qui grandissent encore et acquièrent de l’expérience, devront le faire dès le XXIe siècle. Ce sont eux qui devront affronter des défis nouveaux et probablement encore plus difficiles.

Ils ont leurs propres points de vue sur le passé, le présent et l’avenir. Mais je crois que notre peuple conservera toujours ses meilleures qualités : patriotisme, courage, créativité, travail acharné, esprit d’équipe et capacité à surprendre le monde en trouvant des solutions aux problèmes les plus difficiles et même les plus insolubles.

Chers amis, chers collègues,

J’ai abordé un large éventail de questions différentes aujourd’hui. Bien entendu, je voudrais croire qu’en dépit de toutes les difficultés actuelles, la communauté internationale sera en mesure d’unir ses forces pour lutter contre des problèmes non pas imaginaires mais très réels, et que nous réussirons à terme. Après tout, il est en notre pouvoir d’arrêter d’être des consommateurs égoïstes, avides, insensés et gaspilleurs. Certains pensent peut-être qu’il s’agit d’une utopie, d’une chimère.

Pour sûr, il est facile de se demander si cela est seulement possible compte tenu de ce que font et disent certaines personnes. Cependant, je crois à la raison et à la compréhension mutuelle, ou du moins j’espère fermement qu’elles prévaudront. Nous avons juste besoin d’ouvrir les yeux, de regarder autour de nous et de voir que la terre, l’air et l’eau sont notre héritage commun qui nous vient d’en haut, et nous devons apprendre à les chérir, tout comme nous devons chérir chaque vie humaine, qui est précieuse. C’est la seule façon d’avancer dans ce monde complexe et magnifique. Je ne veux pas que les erreurs du passé se répètent.

Merci beaucoup.

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Source : Le cri des peuples
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