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Sionisme : Rien de nouveau sous le soleil


Le blog de Gilles Munier

À propos de moi : Auteur, journaliste indépendant. Ouvrages: « Guide de l’Irak », « Les espions de l’or noir ». A dirigé la traduction de « Zabiba et le roi », roman de Saddam Hussein.

Samedi 1 février 2014
Sionisme : Rien de nouveau sous le soleil

Par Uri Avnery (revue de presse : france-palestine.org – extrait – 25 janvier 2014)*

(…) Israël a été littéralement créé par le mouvement sioniste. Cela a été l’une des plus révolutionnaires des révolutions, si ce n’est la plus considérable de toutes. Elle ne visait pas à remplacer un régime, comme Mandela en Afrique du Sud. Ni à réaliser un profond changement de société, comme les mouvements communistes. Ni à produire un changement culturel comme Ataturk. Le sionisme voulait réaliser tout cela et bien davantage.

Il voulait prendre une communauté ethno-religieuse, apparue dans des temps reculés, pour en faire une nation moderne. Déplacer des masses d’individus de leurs patries et de leur habitat naturel pour les transférer physiquement dans un autre pays et sous un autre climat. Modifier le statut social de chacun d’entre eux. Leur faire adopter une autre langue – une langue morte rappelée à la vie, une tâche qu’aucun autre peuple n’avait jamais réussi à mener à bien. Réaliser tout cela dans un pays étranger habité par un autre peuple.

De tous les mouvements révolutionnaires du XXe siècle, le sionisme a été le plus abouti et le plus durable. Le communisme, le fascisme et des dizaines d’autres sont apparus et ont disparu. Le sionisme dure.

Mais la société israélienne est-elle réellement sioniste comme elle ne cesse de le revendiquer bruyamment ?

LE SIONISME ÉTAIT à la base une révolte contre les conditions de vie des juifs en diaspora. Dans le domaine religieux, c’était une réforme beaucoup plus profonde que celle de Martin Luther.

Tous les principaux rabbins juifs, hassidiques comme anti-hassidiques, condamnaient le sionisme comme une hérésie. Le Peuple d’Israël était uni par leur obéissance absolue aux 613 commandements de Dieu, non par un quelconque lien « national ». Dieu avait rigoureusement interdit tout retour en masse à la Terre d’Israël, puisqu’Il avait exilé les Juifs en raison de leur conduite pécheresse. La diaspora juive était donc voulue par Dieu et devait se poursuivre jusqu’à ce qu’Il ait changé d’avis.

Et voici qu’arrivent les sionistes, athées pour la plupart, qui voulaient emmener les Juifs en Terre d’Israël sans la permission de Dieu, allant même jusqu’à rejeter complètement Dieu. Ils ont construit une société laïque. Ils professaient un profond mépris pour la diaspora, en particulier pour les « ghettos juifs » orthodoxes. Leur père fondateur, Theodor Hertzl, soutenait qu’après la fondation de l’État Juif, aucun de ceux de l’extérieur ne serait plus considéré comme juif. D’autres sionistes n’étaient pas aussi radicaux, mais se situaient dans la même ligne de pensée.

Lorsque j’étais jeune, beaucoup d’entre nous allions encore plus loin. Nous contestions l’idée d’un État Juif et parlions plutôt d’un État Hébreu, avec seulement des liens lâches avec le judaïsme de la diaspora, qui créerait une civilisation hébraïque en liens étroits avec le monde arabe environnant. Une nation asiatique, sans appartenance à l’Europe et au monde occidental. Alors, où en sommes-nous actuellement ?

ISRAËL EST en train de se re-judaïser à toute allure. La religion juive fait un retour en force. Très vite, les enfants religieux de diverses communautés seront majoritaires dans les écoles juives israéliennes.

La religion orthodoxe structurée s’est considérablement étendue. La définition israélienne du Juif est exclusivement religieuse. Toutes les questions de statut personnel, comme le mariage et le divorce, sont régies par le rabbinat. Il en va de même pour les menus de la plupart des restaurants. Les transports publics, terrestres comme aériens, sont interrompus le jour du Shabbat. Les confessions juives religieuses non-orthodoxes, comme les « réformistes » et les « conservateurs » sont en pratique exclus.

Dans un scandale qui secoue Israël en ce moment, concernant un rabbin cabalistique, il apparaît que ce personnage merveilleux a amassé une fortune de centaines de millions de dollars en vendant des bénédictions et des amulettes. Mais ce n’est que l’un de ces nombreux rabbins entourés de gros hommes d’affaires, de ministres, de gangsters de haut vol et de personnalités de la police.

Hertzl qui promettait de « maintenir les rabbins dans leurs synagogues et les militaires de métier dans leurs casernes » doit se retourner dans sa tombe du Mont Hertzl à Jérusalem.

MAIS IL NE S’AGIT LÀ encore que de symptôme relativement superficiels. Je pense à des questions beaucoup plus profondes.

L’une des convictions profondes du judaïsme de la diaspora était que « le monde entier est contre nous ». Les juifs ont été persécutés au long des âges dans de nombreux pays, pour aboutir à l’Holocauste. Lors de la cérémonie du Seder la veille de la Pâque, qui réunit tous les juifs du monde, le texte sacré dit que « à chaque génération ils se lèvent pour nous exterminer ».

L’objectif officiel du sionisme était de faire de nous « un peuple comme tous les peuples ». Un peuple normal peut-il penser que tout le monde projette constamment de l’exterminer ?

C’est une conviction profonde chez presque tous les juifs israéliens que « le monde entier est contre nous » – et c’est aussi un refrain très populaire. Les États-Unis sont-ils en train de conclure un accord avec l’Iran ? L’Europe prend-elle position contre les colonies ? La Russie aide-t-elle Bashar al-Assad ? Tous des anti-sémites.

Les protestations internationales contre notre occupation des territoires palestiniens ne sont, naturellement, qu’une autre forme d’anti-sémitisme. (Le Premier ministre du Canada qui était en visite en Israël cette semaine et qui a prononcé un discours ridicule à la Knesset, a lui aussi déclaré que toute critique de la politique israélienne était une forme d’antisémitisme).

Cela signifie-t-il qu’en Israël, l’État Juif autoproclamé, toutes les vielles positions juives avec ses soupçons, ses craintes et ses mythes sont en train de refaire surface ? Que les concepts sionistes révolutionnaires sont en train de disparaître ? Que pas grand-chose n’a changé dans l’attitude juive ?

Comme disent les Français : « Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes ». Ou, comme l’exprime l’Écclésiaste dans la Bible (1, 9) : « Ce qui a été sera, ce qui s’est fait se fera : rien de nouveau sous le soleil ! ».

Membre de l’Irgoun dans sa prime jeunesse (il en a démissionné en 1941), le journaliste et militant pacifiste Uri Avnery (91 ans), ancien député, est cofondateur de Gush Shalom (Bloc de la Paix), une organisation israélienne favorable à la création d’un Etat palestinien. Il a rencontré Yasser Arafat à plusieurs reprises, et se défini comme « post sioniste ».

*Source et texte intégral : Rien de nouveau sous le soleil

http://www.france-palestine.org/Rien-de-nouveau-sous-le-soleil

Article écrit en hébreu et en anglais, publié sur le site de Gush Shalom, le 25 janvier 2014 :

http://zope.gush-shalom.org/home/en/channels/avnery/1390578868/

Traduit de l’anglais « Nothin

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