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Syrie: autre son de cloche : qui combat en Syrie si ce n’est pas l’ASL ?



Syrie: autre son de cloche – voir les photos – donc qui combat en Syrie si ce n’est pas l’ASL ? Nous connaissons la réponse !

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/syrie-une-chimere-made-in-usa_1149200.html

De notre envoyé spécial Vincent Hugeux, publié le 14/08/2012

Deuxième journée de notre reporter en Syrie <http://www.lexpress.fr/actualite/monde/repression-en-syrie_989289.html> . Où l’on croise le chef autoproclamé d’une fantomatique « Armée de libération syrienne », quelque part dans la province d’Idleb…


SYRIE – Un soldat de l’Armée syrienne libre, dans la province d’Idbleb.

Reuters/Zohra Bensemra

Le voilà enfin. Il a surgi à la mi-journée d’un minibus blanc, au pied de cette colline aride et rocailleuse, non loin des vestiges romano-byzantins de Baouda. Sanglé dans un uniforme vert olive à la coupe castriste, vierge de toute breloque, mais coiffé de la casquette assortie. Ce sera d’ailleurs là l’unique concession à la sobriété de Haytham Qdemati, alias Abou Saïd <http://www.lexpress.fr/infos/pers/abou-said.html> . Car pour le reste,le fondateur de la fantomatique « Armée de libération syrienne » (ALS), tout juste débarqué des Etats-Unis, où il vit depuis 32 ans, en fait des tonnesL’intéressé prétend notamment fédérer par la seule force de son verbe une rébellion terriblement fragmentée, mosaïque de factions rivales. La silhouette replète, la courte barbe grise taillée avec soin, le visage rosi par la chaleur et l’effort consenti pour atteindre la première tente, fraîchement dressée, du poste avancé de sa force virtuelle : tout chez ce jeune quinqua, ancien ingénieur reconverti dans l’analyse du risque financier, tranche sur l’allure rugueuse des gaillards du comité d’accueil, teint mat et faciès anguleux.

L’échange qui s’engage ne dissipera en rien ce hiatus. Didactique, enjoué, l’Oncle d’Amérique gratifie l’embryon de l’ALS, un rien décontenancé, d’une conférence de géopolitique appliquée. Sourd aux murmures, l’orateur aggrave son cas lorsqu’il avance que la Syrie de l’après-Bachar vivra en paix avec tous ses voisins, y compris, « et je ne crains pas de le nommer », Israël. « Très intéressant tout ça, objecte enfin un géant barbu. Mais ce que nous voulons savoir, c’est de quels armements tu nous doteras et quand. Si tu peux nous équiper, on sera avec toi. Sinon… » Abou Saïd ne désarme pas -ce serait le comble- pour autant. Il argumente, élude, flatte, bombarde son auditoire de promesses. Sans pour autant désamorcer une perplexité polie, mais désormais palpable.

Dieu qu’elles paraissent incongrues à cet instant, les prophéties claironnées la veille par l’un de ses assistants. Lequel prédisait une pluie de dollars et un rassemblement de 3000 volontaires, prélude à un « changement de cap stratégique » pour l’insurrection syrienne. « Demain, jurait-il, nous donnerons une semaine à Bachar al-Assad pour s’effacer ». Gageons que le raïs honni en a tremblé d’effroi. A vrai dire, on a dénombré autour des quatre tentes de la caserne de toile de l’ASL, plantées à 20 minutes de marches d’ici, à peine 80 combattants. Pourvus il est vrai de drapeaux maison tout neufs, mais dont guère plus d’un bon tiers arboraient un fusil d’assaut d’âge respectable. La plupart d’entre eux, figurants d’un show où il n’y avait rien à voir, vaincus par le cagnard et les rigueurs du Ramadan, avaient d’ailleurs quitté les lieux avant même l’arrivée du bienfaiteur transatlantique. Si ce dernier a quelque peu tardé, c’est qu’il a peiné à pénétrer sur le sol natal: retenu un temps par les garde-frontières turcs, il sera ensuite refoulé au poste de Bab al-Hawa <http://www.lexpress.fr/infos/pers/bab-al-hawa.html> , avant de se résoudre à emprunter un passage clandestin… Deux mois auparavant, Abou Saïd avait essuyé un autre échec: flanqué d’un « général américain à la retraite », il avait vainement prié une demi-douzaine de dignitaires villageois d’héberger en leur royaume sa troupe de rêve, sur le site initialement choisi.


Demain, nous donnerons une semaine à Bachar al-Assad pour s’effacer


Qu’à cela ne tienne. Au gré d’un monologue torrentiel, et à coups de slogans made in USA, le natif d’Alep nous révèle la formation imminente d’un gouvernement transitoire dont nul n’a entendu parler depuis lors. Il revendique aussi sans sourciller 42000 à 45000 recrues – « on arrivera à 60000 sous peu »-, réparties sur tout le territoire. Parmi elles, paraît-il, des chrétiens <http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/syrie-les-chretiens-enjeu-de-la-crise_1145270.html> , des Druzes et même une poignée de djihadistes <http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/djihadistes-en-syrie-une-faible-presence-dument-exploitee_1146676.html>  en cure de désintoxication idéologique. L’Armée syrienne libre, tenue d’ordinaire pour la locomotive de la rébellion? « Une coalition disparate et incohérente, sans structure ni planification. » L’assaut final? « Une affaire de semaines. Je viens de nommer un chef d’état-major et un directoire politique. » L’argent? « Je n’en ai pas beaucoup. Difficile d’en collecter aux Etats-Unis, où les autorités privilégient la nébuleuse des Frères musulmans. Mais plusieurs gouvernements européens m’ont promis leur concours dès lors que j’aurai uni la résistance et écarté tout risque d’anarchie ultérieure. » Lesquels? On ne le saura jamais. Quant aux moudjahidine islamistes, Abou Saïd en fait son affaire, en toute modestie. « Je suis assez doué pour rallier en douceur les plus radicaux. Nous les absorberons par la persuasion. Inutile d’aller au clash. » Qu’on se le dise: la Syrie nouvelle sera démocratique, pacifique, ouverte, civilisée. Un modèle d’Etat de droit, inspiré par les valeurs occidentales. D’ailleurs, chacun sait qu’il n’y a, entre la Constitution américaine et la loi islamique, que des « divergences infimes ».

Etrange personnage que ce prêcheur, emprisonné et torturé à l’en croire dès l’âge de 18 ans par les séides d’Hafez al-Assad <http://www.lexpress.fr/infos/pers/hafez-al-assad.html>  (le père de l’autre), cofondateur en 2005 « à Washington DC » d’un très confidentiel Conseil national syrien, comme étonné de se retrouver « au sommet de cette montagne désolée, au milieu de nulle part », loin de la Caroline du Nord, son dernier domicile connu, et de ses cinq enfants. Au mieux, un utopiste. Au pire, un mégalomane et, grommelle un rebelle dépité, « un escroc ». Expert en décryptage des risques, Abou Saïd a-t-il au moins estimé le coût de celui qu’il prend en suscitant ainsi des espoirs chimériques?

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