SYRIE : DES MEDIAS EN POSITION DE TIR
septembre 13, 2013
Par le Mouvement politique d’émancipation populaire (M’PEP).
Le 12 septembre 2013.
Le traitement de la question syrienne par les grands médias produit un effet de loupe sur leur rôle politique.
Un terrible conflit plonge le peuple syrien dans d’atroces souffrances alimentées par des interventions extérieures : le Hezbollah libanais et des groupes islamistes iraniens qui soutiennent Bachar ; des groupes criminels islamo-fascistes venant de plusieurs pays et qui veulent remplacer le régime syrien par un régime appliquant la charia.
Les États-Unis et certains de leurs alliés se préparent à se mêler à ce conflit au nom des droits de l’homme et de ce qu’ils appellent « le devoir d’ingérence humanitaire ». Pour cela, ils envisagent de bombarder ce pays qui est un État souverain, en contournant le droit international et le Conseil de sécurité de l’ONU.
A plusieurs reprises dans un passé récent, les États-Unis et certains de leurs alliés ont procédé de la sorte au nom des mêmes principes :
en Irak, avec pour conséquence une effroyable guerre civile qui dure maintenant depuis plus de dix ans ;
au Kosovo, État fabriqué de toute pièce par l’OTAN dont la dérive mafieuse a des conséquences dans toute l’Europe ;
en Libye, servant depuis de base aux djihadistes.
Ces exemples – et d’autres encore – ne devraient-ils pas inciter à la retenue ? Car enfin :
les bombes lâchées, même si elles le sont au nom des droits de l’Homme, font inévitablement des victimes innocentes ;
tout conflit local entraîne un danger pour l’ensemble d’une région, voire pour le monde.
L’ONU se donne pour objectif d’empêcher les conflits, d’en limiter les effets et de tout faire pour y mettre fin. Elle a ordonné une enquête pour savoir qui se livre à des atrocités sur la population civile au moyen d’armes chimiques – interdites par la convention de Genève de 1949 concernant la protection des personnes en cas de conflit armé.
Mais les États-Unis et leurs alliés entendent agir selon leur propre calendrier. Pourquoi cette précipitation ? A moins de considérer qu’il n’est nul besoin d’une enquête pour désigner un coupable, pourquoi ne pas laisser les enquêteurs terminer leur travail ?
Cette question, les principaux médias occidentaux ne la posent pas. Au contraire, en France, les puissants médias privés (groupes Lagardère, Dassault, etc.) et les médias de service public relaient en boucle les résultats des « enquêtes » de l’administration américaine, qui avancent des éléments invérifiables. Pour eux, il semble que les résultats de l’enquête de l’ONU n’aient aucune importance.
Ce simple constat devrait induire même chez les plus va-t-en-guerre de sérieux doutes sur les enjeux réels de l’intervention qui se prépare. A cela on peut ajouter encore cinq raisons supplémentaires :
pour intervenir en Irak, le pouvoir étasunien avait produit de fausses preuves au sujet de l’utilisation d’armes « de destruction massive » par le pouvoir irakien. Les médias dominants avaient relayé ce mensonge dans un esprit partisan ;
on sait à quel point l’opinion publique joue un rôle déterminant dans les conflits. Cette convergence médiatique, ce matraquage d’un seul point de vue ne peut pas être un hasard alors que les principales puissances militaires ont besoin d’une opinion publique qui leur soit favorable pour intervenir dans les meilleures conditions ;
on constate donc dans ces médias une surenchère croissante visant à diaboliser le pouvoir syrien – qui n’a de toute façon pas besoin de cela pour être reconnu comme une dictature. On s’attendait presque fatalement au moment où Bachar El Assad serait qualifié de « nouvel Hitler » comme l’avaient été avant lui Milosevic en 1998 ou Nasser en 1956. C’est le cas depuis le 1er septembre de la bouche d’Harlem Désir qui a traité certains opposants à l’intervention militaire de « munichois » ;
la Ligue arabe a enterré le premier rapport qu’elle avait elle-même commandé sur la situation en Syrie il y a quelques mois car ses conclusions n’allaient pas dans le sens qu’elle attendait (la Ligue arabe est très hostile au gouvernement syrien). Mais il serait beaucoup plus compliqué d’enterrer un rapport de l’ONU. Par conséquent, si les médias parviennent à leur fin, la conclusion des enquêteurs de l’ONU sera probablement rendue inaudible par les cris horrifiés d’une opinion publique occidentale « chauffée à blanc », même si elle disculpe finalement le pouvoir Syrien ;
il est notable que ni le gouvernement américain, ni le gouvernement français n’ont jamais soutenu les démocrates de ce pays qui payent de leur vie leur opposition au régime depuis des décennies.
On ne développera pas ici les intérêts géostratégiques qui poussent les États-Unis et leurs alliés à vouloir se débarrasser du pouvoir en place en Syrie depuis maintenant fort longtemps. On attirera l’attention sur deux éléments, non-divulgués par les grands médias :
l’armée régulière syrienne, qui est une armée de conscription, semble en passe de gagner la guerre ;
les « insurgés » – ou présentés comme tels dans les médias occidentaux – ont deux grandes composantes. La première est une ancienne opposition au régime syrien, généralement laïque, qui a été désormais largement marginalisée par la seconde composée de groupes criminels islamo-fascistes venant pour beaucoup de l’étranger. Ces derniers groupes ne bénéficient que d’un très faible soutien de la part de la population syrienne, qui les sait financés par les régimes féodaux des Émirats, armés par la CIA et infiltrés par Al Qaida.
Une situation qui impose aux États-Unis et à leurs alliés, qui se sont officiellement déclarés en faveur des « rebelles », d’agir au plus vite.
Le rôle des grands médias dans la préparation de l’opinion publique à la guerre n’est pas une surprise. Cependant, les sondages d’opinion, tant aux États-Unis qu’en Europe sont – pour le moment – défavorables à une intervention militaire. Peut-être l’opinion publique est-elle devenue plus méfiante que par le passé. Il y aurait en effet au moins trois raisons à cela :
la répétition d’une même propagande à quelques années d’intervalle a fini par éventer l’effet recherché ;
l’adhésion sans nuance de ces médias à la stratégie étasunienne vis-à-vis de l’Irak a donné le sentiment – justifié – d’une immense tromperie lorsque mensonges et manipulations ont ensuite été révélées ;
le ralliement systématique de ces médias à la cause des classes dominantes sur les autres grandes questions politiques du moment est de plus en plus clair pour l’opinion publique.
Quelques exemples peuvent aisément illustrer ce troisième point :
la « construction européenne » : à l’occasion de la campagne référendaire de 2005, les grands médias, privés comme publics, ont outrageusement fait campagne pour le « oui », vote auquel appelait la classe dominante. Aujourd’hui, malgré une impopularité forte et grandissante de l’Union européenne dans l’opinion publique, il est encore rarissime d’entendre des grands intellectuels favorables à la rupture d’avec l’UE aux heures de grande écoute ;
au sujet des retraites : le seul « débat » autorisé dans ces grands médias porte sur les « solutions » libérales : amputation des pensions ou augmentation des annuités. Il ne porte pas sur le financement des retraites, et donc l’emploi, qui est la question centrale.
On regrettera que des organisations opposées à la guerre adoptent le même comportement que les grands médias, en considérant, par principe, sans attendre les résultats de l’enquête des inspecteurs de l’ONU, que le régime de Bachar el-Assad n’est pas coupable de l’utilisation d’armes chimiques. Nul ne connaît la vérité pour le moment. Les deux parties en conflit sont toutes les deux techniquement et moralement parfaitement capables de commettre de tels actes.
Le M’PEP s’associera à toutes les manifestations contre la guerre. Il soutient les revendications du Mouvement de la Paix :
Non à toute intervention armée en Syrie ;
Non à la participation de la France à une action militaire ;
Négociation et mise en œuvre d’un processus de paix inspiré de Genève II, avec un cessez le feu immédiat ;
Non à toute ingérence militaire étrangère ;
Embargo sur les armes de toutes provenances ;
Organisation des secours aux populations syriennes par les grandes ONG internationales ;
Cessation des entraves au droit à l’information ;
Saisine du Tribunal Pénal International pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.
Enfin, la France doit retrouver sa souveraineté militaire en sortant de l’OTAN, bras armé de l’impérialisme américain et de l’ordre néo-libéral.