SYRIE, ÉTINCELLE D’UN CONFLIT MONDIAL ?
avril 7, 2012
ALERTE OTAN !
SYRIE, ÉTINCELLE D’UN CONFLIT MONDIAL ?
Cette édition d’ Alerte OTAN ! est largement consacrée aux événements en cours en Syrie. Non seulement parce que ce pays fait la une des médias depuis plusieurs mois, mais surtout parce que plusieurs pays occidentaux et arabes y commettent de graves ingérences. Selon les grands médias, le régime de Bachar El Assad massacre sauvagement sa population en réprimant des manifestations pacifiques, en organisant des attentats terroristes, en pilonnant des villes entières. En se basant sur les informations diffusées par radios et télévisions, la totalité des quelque 8.000 morts déjà comptabilisés auraient toutes été occasionnées par l’armée, les services secrets, la police et les milices du régime en place. Pourtant, nos médias admettent maintenant l’existence d’au moins un groupe armé, composé notamment de déserteurs de l’armée officielle. Mais, curieusement, celui-ci ne porterait la responsabilité d’aucune des victimes du conflit.
En grattant un peu, on se rend compte que les bilans quotidiens de morts n’ont pratiquement qu’une source, une organisation basée à Londres, disant agir au nom des droits de l’homme et soutenant ouvertement l’opposition. Bien que cette organisation se soit récemment scindée en deux factions rivales s’accusant mutuellement d’être au service de Bachar al Assad, nul ne s’interroge sur la véracité et le sérieux de leurs informations, reprises même par l’ONU et la Ligue Arabe.
D’autre part, aurait-on déjà oublié la guerre sanglante menée contre un autre pays arabe, la Libye, par l’OTAN pendant 7 mois en 2011 ? Cette guerre a fait au moins 50.000 morts, en majorité des « kadhafistes » de l’aveu des anciens rebelles, et n’est pas tout à fait terminée, puisque presque tous les jours des groupes armés s’affrontent. La Libye, il y a encore un an le pays, de très loin, le plus développé d’Afrique, est devenu une sorte d’enfer sur terre. Une des principales villes du pays, Syrte, a connu un niveau de destruction bien plus élevé que ce que vient de subir Homs, du moins à en juger sur base des images disponibles. Encore aujourd’hui, cinq mois après l’assassinat de Kadhafi, les ministres et chefs d’Etat des pays qui ont installé un semblant de nouveau régime à Tripoli ,n’osent pas y passer une seule nuit.
Avec le recul, en nous rappelant les réactions « à chaud » de larges portions de la gauche belge et européenne lorsque les bombardements occidentaux « pour protéger les civils » ont commencé, nous nous rendons compte combien les pouvoirs politiques et les médias ont trompé l’opinion publique. Les libérateurs démocrates chantés par Bernard Henri Lévy et Sarkozy se sont avérés être des fanatiques, seulement d’accord entre eux pour torturer les fidèles de l’ancien régime et prêts à s’entretuer pour le contrôle d’un checkpoint, d’un quartier, d’une ville, d’une province ou de quelque avantage en nature.
Cette fois-ci, dans le cas syrien, l’OTAN ne semble pas préparer une intervention militaire directe. Le veto de la Russie et de la Chine à l’ONU est pour beaucoup dans les changements de la donne. Mais nous nous souvenons que l’Alliance Atlantique avait au départ présenté en public la même position avec la Libye.
Cela n’empêche nullement le déploiement sur le sol syrien d’une panoplie d’instructeurs, de mercenaires, de djihadistes, d’agents secrets par des pays comme la France, les Etats-Unis, la Turquie, la Libye et le Qatar – liste probablement loin d’être exhaustive. Tout cela nous rappelle les préparatifs de « la contra » au Nicaragua dans les années 80. Les conséquences internationales des événements de Syrie risquent d’être beaucoup plus explosives que le renversement du régime libyen.
Nous ne doutons pas que l’immense majorité de la population de Syrie, veut une solution pacifique du conflit en cours. Le CSO prône le retrait inconditionnel des groupes armés soutenus par plusieurs puissances de l’OTAN et du monde arabe. Il n’est pas acceptable de laisser s’établir un double pouvoir en Syrie, qui aurait comme conséquence la reconnaissance officielle de cette opposition comparable à la « contra », par la « communauté internationale ».
Pour le moment, le gouvernement belge se montre plus circonspect qu’au moment des préparatifs de guerre contre la Libye. Mais le double jeu continue, aussi bien en Belgique qu’à l’Otan. Les ministres Reynders et De Crem , tout comme Rasmussen secrétaire général de l’Otan, disent en public qu’il est « prématuré » de parler d’une intervention militaire contre le gouvernement de Assad, mais ils considèrent aussi, avec Verhofstadt, qu’il faut apporter un soutien matériel et technique aux organisations en Syrie qui luttent contre le régime, en ce, inclus des moyens de communication satellitaires et des armes.
Nous nous opposons à toute forme d’ingérence étrangère, même et surtout « humanitaire » qui est inexorablement suivie par des bombardements, par une intervention militaire, Nous nous opposons à tout déploiement de troupes ou de personnel militaire, à toute livraisons d’armes ou de matériel militaire. Enfin, le CSO dénonce les sanctions de l’Union européenne, affectant la population syrienne.
Le CSO vient d’organiser, le 9 mars, une conférence à Bruxelles. Vous pouvez lire dans les pages suivantes les éclairages sur les « dessous » de la crise syrienne que les intervenants ont bien voulu nous transmettre.
Dossier Syrie
Le 9 mars, le CSO a organisé à la salle Amazone (Saint-Josse, Bruxelles) la
Conférence – débat : La Syrie, étincelle d’un conflit mondial ?
Autour des thèmes de discussion : La guerre en Syrie se résume-t-elle à un conflit entre un « gouvernement répressif » et une « opposition désarmée » ? Quelle est la nature de cette opposition ? Quelle est la qualité de notre information ? Les voisins de la Syrie, en particulier la Turquie, se comportent-ils en simples spectateurs de cette tragédie ? Comment interpréter le soutien affiché de la Russie au gouvernement syrien ? En s’opposant à l’internationalisation du conflit, la Russie protège-t-elle un allié ou songe-t-elle à sa propre survie ?
Avec :
Bahar Kimyongür, écrivain, dernier ouvrage : « Syriana , La conquête continue »
Ludo De Brabander : écrivain, dernier ouvrage, avec Georges Spriet : « Als de NAVO de passie preekt »
Jean-Marie Chauvier, journaliste, spécialiste des pays de l’Est de l’Europe
Georges Berghezan, CSO, en tant que modérateur
NE FAITES PAS DE LA SYRIE UN DEUXIEME IRAK
A la mi-février, Guy Verhofstadt a fait un plaidoyer pour « une intervention humanitaire » en Syrie. Il y soutenait la nécessité d’un soutien financier et matériel à l’opposition, y inclus éventuellement des armes. Le chef du groupe libéral au Parlement Européen, a parlé, sur un ton dramatique, du « moment –Benghazi de la Syrie ».
Pour rappel : Verhofstadt était un des plus fervents défenseurs d’une intervention militaire en Libye, pour « sauver la révolution démocratique ». Au bout d’un an, on ne peut pas dire que cela va mieux dans ce pays, mais nous n’entendons plus rien sur ce sujet de la part de notre ex-Premier ministre. La Libye a disparu des actualités. L’opération de l’OTAN « pour protéger les populations » s’est pourtant soldée par la mort de 50.000 personnes et des destructions énormes dans plusieurs villes. Si nous en croyons les organisations humanitaires, le bilan pour la Libye est comparable à un scénario irakien. Des milices armées incontrôlables font la loi. Les tortures et les meurtres sont monnaie courante. Des conflits ethniques et religieux éclatent et menacent de s’étendre. Les politiciens comme Verhofstadt qui avaient un irrésistible besoin d’agir, n’entendent même plus les avertissements des experts. Ils risquent de créer exactement ce qu’ils prétendaient vouloir éviter : une catastrophe humanitaire.
La plupart des gens ne doutent pas que le régime syrien ne respecte pas les droits humains, et riposte brutalement aux manifestations et aux mouvements armés. Mais la proposition de Verhofstadt d’armer l’opposition, revient à mettre de l’huile sur le feu. En fait, le conflit à Homs, la ville où se joue actuellement un drame humanitaire, est le résultat d’un combat entre l’armée (gouvernementale) et l’opposition armée.
Si, comme en Libye, on arme cette opposition et on lui offre un soutien aérien, on crée une lourde hypothèque sur l’avenir du pays. Intervenir militairement dans le paysage politique et ethnico-religieux complexe de la Syrie, revient à entretenir un conflit sans fin entre des armées irrégulières. Les organisations pacifiques démocratiques, qui existent bel et bien au sein de l’opposition syrienne , sont complètement mises hors-jeu et ignorées par les medias occidentaux. C’est un scenario dans lequel, les forces politiques qui exigent des réformes démocratiques, seront prises en otage et méprisées.
Beaucoup de personnes disent ne pas pouvoir rester sans rien faire quand des méfaits flagrants ont lieu contre les droits de l’homme. On les comprend. Mais le problème est qu’une intervention devient immédiatement une intervention militaire. L’arsenal diplomatiques de la communauté internationale se réduit donc, soit à ne rien faire, soit à bombarder à outrance. Les politiciens sont prompts à verser des larmes de crocodile.
Mais la cynique réalité géostratégique est également suspendue au-dessus de la tête de la population syrienne. Le Qatar et l’Arabie Saoudite jouent à nouveau le même sale rôle qu’en Libye. Leur but est le renversement du régime syrien. Tout comme la Turquie, ils veulent que le pouvoir tombe entre les mains de leurs alliés, les Frères Musulmans, sunnites dits « modérés ». Ce n’est un secret pour personne que le Qatar, et sans doute également la Turquie, livrent des armes à cette opposition. Nous savons aussi que les monarchies conservatrices des Etats du Golfe, qui répriment violemment toute tentative démocratique dans leur pays, essaient de contenir l’influence des Chiites d’Iran dans la région. Il faut aussi prendre en compte la recherche d’un parcours alternatif pour les pipelines. Actuellement, 40% du pétrole des Etats arabes passe par le Détroit d’Ormuz où des tensions sont fortes avec l’Iran. L’idée circule de construire un méga-pipeline pour transporter le pétrole par la terre. Le trajet le plus simple serait de passer par la côte syrienne et par.. la ville de Homs, qui deviendrait un point central. Sur la côte syrienne, à Tartous, les Russes ont une base militaire navale depuis des années. Sans tous ces éléments, le conflit en Syrie serait certainement passé inaperçu aux yeux occidentaux.