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Syrie : Fabius, Lavrov, et les mensonges des médias français


Syrie : Fabius, Lavrov, et les mensonges des médias français

Par Mouna Alno-Nakhal

Mondialisation.ca, 30 novembre 2014

Fabius Lavrov

Sujet tellement vaste qu’il nous faut aller à l’essentiel en ne rapportant que des faits incontestables, avant d’essayer de comprendre le pourquoi de cet acharnement de la part de ceux qui connaissent la vérité mais persistent dans leurs mensonges, dans l’espoir de les imprimer dans nos gènes.

Ainsi le 25 novembre, les réseaux sociaux sont en ébullition et rapportent que dans un entretien avec « France Inter », M. Fabius veut sauver Alep par des « frappes ambigües » ! Qu’est-ce qu’une frappe ambigüe ? Pas de chance, Google ne répond pas. Pas de chance non plus, les liens correspondant à la vidéo estampillée « Laurent Fabius : Il faut sauver Alep ! » [1] donnent à entendre son sentiment sur d’autres sujets !?

Finalement, nous retrouvons tout ou partie du texte de ce fameux entretien de M. Fabius avec France Inter [2] sur le site « France Diplomatie » :

LES « FRAPPES AMBIGÜES » DE M. FABIUS

Q – Le 4 novembre, vous avez déclaré qu’après Kobané, il fallait sauver Alep. J’y ai pleinement souscrit [!!!] Cela étant, ne trouvez-vous par paradoxal, alors que la coalition bombarde Daech, qu’à quelques centaines de kilomètres, parfois même moins, elle laisse l’aviation de Bachar Al-Assad envoyer des barils de poudre sur les populations d’Alep, sur les populations de la banlieue de Damas, elle laisse commettre chaque jour, des crimes contre l’humanité et cela en toute impunité. À quand l’interdiction de l’espace aérien syrien pour les avions de Bachar Al-Assad ?

R – C’est vrai qu’il y a déjà plusieurs semaines, dans la presse française et internationale, j’ai dit qu’il fallait sauver Alep parce que je pressentais déjà qu’après Kobané où Daech a été stoppée, la prochaine cible pour Daech et d’ailleurs aussi pour Bachar al-Assad, vous avez raison de le dire, c’est Alep. Abandonner Alep, ce serait condamner la Syrie et ses voisins à des années de chaos avec des conséquences humaines terribles.

Nous travaillons avec l’envoyé de l’ONU pour essayer de faire exactement ce que vous dites, c’est-à-dire, d’une part de sauver Alep et d’autres part, de créer des «safe zone» où il ne soit pas possible aux avions de Bachar Al-Assad et aux gens de Daech de poursuivre les Syriens. Nous sommes en train d’y travailler, il y a de nombreuses personnes à convaincre. C’est la position de la diplomatie française et je répète à ce micro que l’objectif maintenant, c’est de sauver Alep.

Q – La Coalition internationale qui est engagée contre les djihadistes de Daech n’a-t-elle pas tendance à fermer les yeux sur les exactions du régime de Bachar Al-Assad ? L’attention s’est déportée au bénéfice et au profit du régime Assad.

R – C’est l’une des différences d’approche entre la diplomatie française et d’autres diplomaties. Nous disons que nous avons deux adversaires : Daech et al-Qaïda et Bachar Al-Assad qui en profite, si je puis dire, pour avancer ses pions.

Q – Donc il en profite.

R – Nous disons qu’il faut des frappes que l’on appelle des frappes ambigües, qui permettent de faire reculer Bachar al-Assad et qu’il y ait au Nord de la Syrie, des zones de sécurité où la population syrienne puisse en paix se développer. [Comprenez le contraire : il faut tout faire pour que la Syrie entre dans la catégorie des États faillis ; Ndt]

(…)./. »

En bref, toujours les mêmes pour dérouler le tapis mensonger, toujours le même délire, et les frappes ambigües sont des frappes dirigées contre Bachar, autrement plus dangereux pour Laurent que tous les daéchiens réunis, sauf que, c’est Erdogan et Israël qui parlent de « safe zones », non M. de Mistura qui a parlé de « freeze zones » [3].

D’ailleurs, voici le discours de M. Lavrov le lendemain, 26 novembre, suite à ses discussions avec la délégation syrienne à Sotchi. Nous précisons que nous l’avons transcrit et traduit à partir de sa traduction instantanée en arabe [4].

II. DISCOURS DE M. LAVROV [26 novembre 2014]

Bonsoir à vous tous,

Nous sommes heureux d’accueillir la délégation de la République arabe syrienne présidée par le ministre des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, en Russie fédérale. Une rencontre a eu lieu aujourd’hui même avec le Président Poutine. Elle a été suivie par des discussions denses sur nombre de sujets, entre Monsieur le Ministre et moi-même.

Nous partageons le même point de vue sur l’évolution de la situation au Moyen-Orient et dans le Monde, notamment en Syrie, ainsi que sur la prime importance des menaces du terrorisme et de l’extrémisme.

L’organisation terroriste nommée « État islamique » tente d’atteindre son objectif déclaré par avance, celui d’établir un califat régi par des lois extrémistes sur une partie du territoire syrien et du territoire irakien, là où flottent les « bannières noires » ; les derniers événements indiquant qu’une évolution semblable commence à atteindre le Liban, la Libye et l’Égypte.

La Russie continuera à accorder son soutien à la Syrie – ainsi qu’à d’autres États confrontés à la menace terroriste – et nous renforcerons ses capacités de combat contre le terrorisme.

Nous sommes convaincus que la lutte contre le terrorisme doit être conduite selon les normes internationales et loin des deux poids deux mesures. Ce qui nous amène à poser des questions concernant la « Coalition internationale » formée par les États-Unis et à partir de laquelle ils ont déclaré avoir le droit de mener des frappes sur les régions dominées par l’État islamique, en territoire syrien, sans consulter les autorités officielles à Damas ; ce qui, d’après nous, va à l’encontre des normes et des lois internationales.

C’est en toute franchise que nous critiquons les déclarations de Washington relatives à la « non-coordination » avec la République arabe syrienne dans leur guerre contre le terrorisme ; déclarations d’autant plus irresponsables et illogiques que l’opération de destruction des armes chimiques syriennes s’est achevée avec succès, confirmant le sérieux du gouvernement syrien quant au respect de ses engagements contractuels.

Nous condamnons les tentatives d’exploitation des groupes extrémistes et, plus exactement, des groupes terroristes, dans le but de poursuivre l’opération consistant à renverser le gouvernement syrien. En résumé, le terrorisme menace tout le monde, aussi bien ceux qui raisonnent sainement que ceux qui réfléchissent en vrais patriotes syriens ou ceux qui ont leur propre vision pour régler le conflit. Un conflit sur lequel M. le Ministre Mouallem et moi-même sommes arrivés à la même certitude : il ne peut se régler par la force !

C’est pourquoi nous considérons qu’il est absolument important de soutenir, parallèlement au combat contre le terrorisme, la voie de « la solution politique » qui conviendrait aussi bien au gouvernement syrien qu’à tous ceux qui sont concernés par une telle solution. C’est pourquoi nous travaillons à assurer les conditions susceptibles de favoriser le « dialogue entre les Syriens », après avoir tiré les leçons de nos tentatives précédentes, y compris les deux conférences à Montreux.

La Russie travaille donc activement dans cette direction et nous affirmons que nous sommes disposés à ce que ce dialogue se déroule à Moscou, entre le gouvernement syrien et une représentation, la plus large possible, de toutes les composantes sociales et politiques de la Syrie.

Au cours de cette réunion, nous avons déclaré notre soutien à la proposition de M. de Mistura, l’émissaire spécial des Nations Unies pour la Syrie, dans la mesure où elle implique « un soutien international de la solution politique en Syrie », le dernier mot revenant aux Syriens eux-mêmes et sur la base d’une entente entre eux !

La Russie et la Syrie estiment que l’initiative de M. de Mistura, consistant à aller de l’avant vers une telle solution en « gelant la situation sur le terrain » à commencer par Alep, est positive. Et, je suis sûr qu’une telle opération épargnera de nouvelles victimes et ramènera des milliers de ses habitants vers leur vie normale.

Nous avons aussi discuté des relations bilatérales entre nos deux pays, M. Poutine leur ayant accordé une attention particulière durant notre rencontre préalable.

Abstraction faite de la poursuite de notre soutien au gouvernement syrien dans sa guerre contre le terrorisme, la Russie offre une aide humanitaire consistante au peuple syrien depuis une année et demie. Trente avions du Ministère russe des Situations d’urgence ont déjà été envoyés. Mais l’aide humanitaire russe n’est pas que gouvernementale. Elle passe aussi par l’intermédiaire de l’Église russe représentée par la Société impériale orthodoxe de Palestine et d’autres associations non gouvernementales.

Nous sommes aussi intéressés par le développement de notre coopération bilatérale dans le domaine commercial et le domaine économique, sujet discuté le mois dernier, lors de la réunion des Comités ministériels de nos deux pays.

Pour finir, je veux assurer que nous apprécions grandement les efforts des Syriens pour la protection des droits des Chrétiens qui ont tant de fois été persécutés lors des crises répétées au Moyen-Orient. Nous considérons qu’ils sont d’une grande importance pour tout le Moyen-Orient et pour la Syrie, en tant qu’États où les gens doivent vivre en sécurité et égaux en droit.

Ici, mis à part le fait que la Russie continuera à soutenir le gouvernement syrien par des moyens militaires, humanitaires et diplomatiques, et qu’elle n’est pas dupe des manœuvres de M. Fabius et de ses amis, nous retenons que : La priorité des priorités est de combattre le terrorisme, alors que celle de M. Fabius est de renverser le Président syrien.

La Coalition internationale « engagée contre les djihadistes de Daech », menée par Washington, s’active en dehors du droit international ; ce qui témoigne, en effet, d’une différence d’approche entre la diplomatie de M. Fabius et la diplomatie de M. Lavrov.

La proposition de M. de Mistura est accueillie favorablement dans la mesure où elle fait partie de la « solution politique » fondée, en interne, sur le dialogue entre Syriens et la réconciliation nationale parrainée par le gouvernement syrien ; ce que M. Fabius et ses amis doivent empêcher à tout prix.

Les leçons de Genève 1 et 2 ont été tirées : le dialogue entre Syriens – à Moscou, Damas ou ailleurs – exclut les prétendus opposants révolutionnaires, qu’ils soient membres de la prétendue ASL [Armée Syrienne Libre] ou du prétendu CNS [Conseil National Syrien transformé en Coalition], membres du gouvernement arbitrairement reconnu comme seul représentant légitime du peuple syrien par la France et le trio infernal Turquie- Arabie saoudite-Qatar, ou membres de l’organisation terroriste Al-Nosra qui fait un si « bon boulot » selon M. Fabius [5] . Tous ces traitres qui ont échoué à vendre leur patrie à l’étranger, clés en mains, n’ont plus aucune crédibilité ni en Occident, ni en Syrie ; ce qui fait que M. Fabius ne peut plus compter que sur les médias inféodés pour nous convaincre qu’il est le chevalier blanc face à un dictateur qui « ne mérite pas de vivre parce qu’il tue son peuple ». Un peuple qui a bravé le monde entier pour le réélire, faut-il le rappeler ; d’où sa volonté de le « développer », comme il dit, à coups de frappes ambigües sur la tête des gens d’Alep.

LES MENSONGES EHONTES DES MEDIAS FRANÇAIS DEVENUS PIRES QUE TOUS LES AUTRES

Et les médias sont fidèles au poste pour hurler en chœur : « Le régime syrien cent fois plus meurtrier que les djihadistes de l’État islamique », « Daesh et le régime Assad s’entendent parfaitement », etc…

Il faut vraiment avoir la mémoire courte et mépriser la mémoire, sinon l’intelligence, d’autrui pour oublier le massacre de 120 policiers dont les corps ont été mutilés avant d’être balancés dans l’Oronte à Jisr al-Choughour dès Juin 2011, les massacres de Houla à l’arme blanche, les massacres de Adra par décapitation et enfournement des civils dans les fours à pain de la ville, les massacres de Raqqa par crucifixion ou piétinement, les viols déguisés en mariages temporaires qui n’ont même pas épargné les petites filles, les bouffeurs de cœur et de foie, les massacres de soldats syriens à Tabqa et plus récemment la décapitation d’une vingtaine de plus, etc…

Inutile d’en donner les références et de participer à la propagande daéchienne ? Certes, mais c’est quand même dangereux pour les jeunes de ce pays et, tout simplement, immoral de la part de M. Fabius d’affirmer que les bourreaux sont les alliés des soldats qu’ils massacrent !

Parmi cette kyrielle de mensonges des médias français, nous avons retenu cet extrait d’un article de Libération [6]. Il en dit long sur la frustration de M. Fabius et de ses amis devant ce qu’ils qualifient de « Revirement US » et, soit dit en passant, nous éclaire sur une deuxième différence d’approche entre la diplomatie française et le pragmatisme de la diplomatie américaine :

« Au vu des dernières avancées sur le terrain, c’est bien une alliance de fait qui semble s’être nouée entre les Etats-Unis et le régime de Bachar al-Assad face aux jihadistes de l’Etat islamique. Résumons : pour les Etats-Unis, l’ennemi numéro 1, désormais, c’est l’Etat islamique. Tout plutôt que les bouchers de la nébuleuse jihadiste. Même s’il faut pour cela préserver le régime syrien qui fait balancer par hélicoptères des barils d’explosifs sur sa population civile. »

En effet, si Daech, ses sœurs et ses supporters, remportent des victoires ponctuelles, l’Armée nationale syrienne remporte des victoires stratégiques et irréversibles, à moins d’une guerre régionale qu’aucun État agresseur n’ose actuellement entreprendre, pas même Erdogan, qui réclame aussi sa « safe zone », avant de se mouiller à soutenir ses alliés dans leur guerre clanique contre le terrorisme qu’ils ont engendré [7].

Quant aux barils de poudre balancés sur les « civils », une photo et sa légende valent mille discours :

Bref, c’est l’hystérie collective reflétant celle qui a frappé tous les donneurs d’ordre pris à leur propre piège, après avoir grillé tant de cartes et tous les milliards des Golfeux, sans jamais réussir à briser l’Armée nationale syrienne.

Dire cela ne relève d’aucun triomphalisme. Les Syriens sont fatigués, blessés, meurtris. Même la terre et les pierres pleurent de douleur. Qui ose nier qu’il s’agit d’une guerre mondiale qui se prolonge et ne cesse de rebondir depuis bientôt quatre ans ?

Il n’empêche que partout où l’Armée de leur fils et filles avancent, ils se remettent à reconstruire [8]. Alors, M. Fabius, laissez Alep tranquille et oubliez votre « safe zone ». Tout porte à croire que vous n’aurez ni l’une, ni l’autre.

Mouna Alno-Nakhal

28/11/2014

Notes :

[1] Laurent Fabius : “Il faut sauver Alep !”

http://www.franceinter.fr/video-laurent-fabius-il-faut-sauver-alep

[2] 5. Syrie – Entretien de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, avec «France Inter» (Paris, 25/11/2014)

http://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/index.php?fichier=bafr2014-11-25.html

[3] Transcript – Press Stakeout: UN Special Envoy for Syria, Mr. Staffan De Mistura, New York, 30 October 2014

http://reliefweb.int/report/syrian-arab-republic/transcript-press-stakeout-un-special-envoy-syria-mr-staffan-de-mistura

[4] Conférence de presse conjointe de MM. Les Ministres Lavrov et Mouallem à Sotchi

https://www.youtube.com/watch?v=0HXI_co36k0

[5] Pression militaire et succès diplomatique pour les rebelles syriens

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/12/13/syrie-pression-militaire-et-succes-diplomatique-pour-les-rebelles_1805889_3218.html

Extrait :

En revanche, la décision des Etats-Unis de placer Jabhat Al-Nosra, un groupe djihadiste combattant aux côtés des rebelles, sur leur liste des organisations terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition. M. Fabius a ainsi estimé, mercredi, que “tous les Arabes étaient vent debout” contre la position américaine, “parce que, sur le terrain, ils font un bon boulot”. “C’était très net, et le président de la Coalition était aussi sur cette ligne”, a ajouté le ministre.

[6] Revirement

http://www.liberation.fr/monde/2014/11/24/revirement_1149926

[7] Vingt-six vérités sur le groupe État islamique (EI) qu’Obama veut vous cacher

Vingt-six vérités sur le groupe État islamique (EI) qu’Obama veut vous cacher

[8] En Syrie, la zone industrielle détruite d’Alep croit en une seconde chance

http://www.courrierinternational.com/depeche/newsmlmmd.urn.newsml.afp.com.20141119.d45b17f4.7be9.4d91.9913.7883dd1cb495.xml

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