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Syrie : la guerre de trop pour l’Occident


Comité Action Palestine

Syrie : la guerre de trop pour l’Occident

le 24/2/2014

En soutenant militairement, financièrement et politiquement les rebelles syriens, le bloc occidental pensait répéter le scénario libyen qui avait vu la chute rapide du régime avec le parachutage tout aussi rapide au pouvoir d’une clique de déserteurs ou d’opposants anciennement exilés gouvernant un pays plongé dans le désordre le plus profond de guerre entre tribus et de règne des milices. Cependant, tout opposait la Libye et la Syrie tant sur le plan interne que sur le plan des relations internationales, et cela les dirigeants états-uniens et européens n’ont pas su le voir. Au niveau des facteurs propres à l’équation syrienne, il est possible d’isoler deux éléments importants sur lesquels l’offensive occidentale est venue buter : l’unité du régime et le rôle du peuple syrien. L’ensemble des institutions de l’Etat syrien sont restées stables malgré la violence des attaques des groupes rebelles armés et coachés par les services occidentaux. Aucune défection d’envergure du personnel politique, pas de désagrégation des institutions ni de scission de l’armée. Ceci peut s’expliquer par le caractère homogène du point de vue confessionnel de la classe politique syrienne, son caractère alaouite, mais ceci ne constitue pas le facteur déterminant. En réalité, après l’expérience libyenne, les dirigeants syriens savaient qu’en cas de défaite, ils étaient destinés à une implacable extermination. Cette perspective a sans doute contribué à resserrer les rangs au sein de l’appareil d’Etat, d’autant plus que leurs adversaires nourris au wahhabisme et au takfirisme menaient une guerre de purification ethnique, encouragés en cela par les stratèges occidentaux. L’Armée Arabe Syrienne est elle aussi restée globalement intacte dans sa structure et cette unité est sans doute à mettre au compte d’une idéologie nationaliste forgée au cours d’une histoire d’opposition au régime sioniste.

L’histoire de l’Occident, depuis son entrée dans la phase impérialiste à l’aube du 20ième siècle, est jalonnée par les guerres d’agression visant la conquête ou le contrôle de pays ou de régions. Mais depuis une décennie, comme si une sorte de dérèglement avait atteint les modes habituels de la domination capitaliste, on assiste à une précipitation des guerres contre les pays du Sud. En l’espace de quelques années, l’Occident s’est trouvé engagé dans des interventions directes en Irak, au Soudan, au Liban, en Côte d’Ivoire, en Libye, au Yémen, au Mali, en Syrie et indirectement via des milices ou des manipulations de toutes sortes dans plusieurs autres Etats. La multiplication des agressions à l’encontre de nations souveraines a créé une instabilité généralisée dans des régions entières d’Afrique et d’Asie, un chaos qui jusqu’à présent n’a pas offert d’issue de sortie et de perspective d’évolution pour les peuples pris dans ce tourbillon macabre. Il est possible d’interpréter cette situation comme le résultat d’une stratégie du chaos menée par le bloc occidental pour asservir les peuples du Sud et les empêcher de se relever en déstructurant totalement leur infrastructure économique, leur société et leur patrimoine culturel. Cependant même si cette hypothèse contient une part de vérité, il faut questionner le changement de la stratégie occidentale lui-même, s’interroger sur les raisons fondamentales, structurelles qui ont poussé à ce revirement. Il s’agit donc de comprendre pourquoi le bloc occidental ne domine plus ou n’arrive plus à dominer le monde, comme pendant les quatre décennies qui ont suivi la décolonisation, en installant dans les Etats du Sud des oligarchies supplétives ou en les contrôlant à distance. Ce mode de gestion néocoloniale, qui avait assuré un climat de relative stabilité pour la domination à un double niveau, celle des Etats du Sud sur leurs peuples et celle de l’Occident sur ces Etats du Sud, ne semble plus fonctionner. Et pourtant, l’existence de ces Etats inféodés constituait à n’en pas douter la situation optimale pour l’Occident en termes d’exploitation des ressources naturelles, de débouchés pour les produits et de profit. Si les Etats-Unis et l’Europe ont opté pour une autre forme sous-optimale de contrôle des pays du Sud, c’est qu’ils y ont été acculés. La stratégie du chaos, la guerre à outrance traduisent une faiblesse ou pour être plus juste un affaiblissement structurel du monde occidental qu’il faut analyser avec précision. La guerre en Syrie est la scène de conflit global où apparaissent avec la plus grande netteté le déclin de l’Occident et le basculement des rapports de forces internationaux à l’avantage des nations émergentes. Nous analyserons ainsi le cas syrien en essayant de montrer que les facteurs conjoncturels de la défaite occidentale ont été conditionnés par des facteurs structurels d’affaiblissement économique et politique de l’occident sur la scène internationale.

En soutenant militairement, financièrement et politiquement les rebelles syriens, le bloc occidental pensait répéter le scénario libyen qui avait vu la chute rapide du régime avec le parachutage tout aussi rapide au pouvoir d’une clique de déserteurs ou d’opposants anciennement exilés gouvernant un pays plongé dans le désordre le plus profond de guerre entre tribus et de règne des milices. Cependant, tout opposait la Libye et la Syrie tant sur le plan interne que sur le plan des relations internationales, et cela les dirigeants états-uniens et européens n’ont pas su le voir. Au niveau des facteurs propres à l’équation syrienne, il est possible d’isoler deux éléments importants sur lesquels l’offensive occidentale est venue buter : l’unité du régime et le rôle du peuple syrien. L’ensemble des institutions de l’Etat syrien sont restées stables malgré la violence des attaques des groupes rebelles armés et coachés par les services occidentaux. Aucune défection d’envergure du personnel politique, pas de désagrégation des institutions ni de scission de l’armée. Ceci peut s’expliquer par le caractère homogène du point de vue confessionnel de la classe politique syrienne, son caractère alaouite, mais ceci ne constitue pas le facteur déterminant. En réalité, après l’expérience libyenne, les dirigeants syriens savaient qu’en cas de défaite, ils étaient destinés à une implacable extermination. Cette perspective a sans doute contribué à resserrer les rangs au sein de l’appareil d’Etat, d’autant plus que leurs adversaires nourris au wahhabisme et au takfirisme menaient une guerre de purification ethnique, encouragés en cela par les stratèges occidentaux. L’Armée Arabe Syrienne est elle aussi restée globalement intacte dans sa structure et cette unité est sans doute à mettre au compte d’une idéologie nationaliste forgée au cours d’une histoire d’opposition au régime sioniste.

Mais la réaction des masses syriennes constitue la donnée qui a le plus déstabilisé les prévisions et les plans des coalisés occidentaux et moyen-orientaux (Qatar, Arabie Saoudite, Turquie). Au départ, il s’est effectivement produit un mouvement populaire d’envergure contre le régime d’Assad dont les Occidentaux et leurs alliés espéraient profiter pour renverser le pouvoir. Mais l’implication du bloc occidental, au lieu de susciter un élan populaire comme dans la région de la Cyrénaïque libyenne, a eu des effets contraires. Le peuple syrien s’est comme replié sur lui-même, essayant d’observer ce qui se passait dans une atmosphère de chaos généralisé, de crimes et de massacres. Puis lorsque les signes de la participation des forces étrangères au conflit sont devenus irréfutables, une certaine solidarité de circonstance s’est nouée avec le régime autrefois honni. Cette forme de soutien apporté au régime pour des raisons de rejet de toute forme d’intrusion étrangère, par soif d’indépendance nationale, a été renforcée par les exactions et les crimes de toutes sortes commis par les factions rebelles locales ou les groupes de mercenaires étrangers importés via la Turquie. Ce qui ressort de l’analyse des facteurs endogènes des revers subis par le bloc impérialiste, c’est que les dirigeants et les stratèges occidentaux ont très mal jugé de la situation, sous-estimant d’un côté la consistance et la résilience de l’Etat syrien et de son armée et anticipant de manière erronée la réaction populaire. Manquant de finesse politique et stratégique, ils n’ont pas su analyser la nouvelle donne qu’offrait le Moyen-Orient et reformuler leur approche des formes de domination et d’offensive armée dans la région. Prisonniers du schéma du maillon faible, ils avaient planifié avec Israël l’attaque du Liban Sud, puis celles de Gaza en 2009 et en 2012 pensant que le Hezbollah et le Hamas constituaient les pièces les plus fragiles de l’axe de résistance. Les trois guerres menées face aux résistances populaires furent des fiascos. Le raisonnement simpliste a conduit les leaders occidentaux à considérer alors la Syrie comme le maillon faible car elle ne présentait pas cette dimension de résistance populaire que les armées conventionnelles de l’Occident n’arrivent plus à vaincre depuis les guerres de décolonisation. La mécanique de guerre fut enclenchée contre la Syrie mais le paramètre le plus important ne fut pas considéré, à savoir que l’axe de résistance allait réagir dans son ensemble et qu’il était vain de prendre en compte ses éléments de manière isolée. Si l’on compare maintenant l’offensive des coalisés en Syrie depuis 2011 et celle de la coalition vingt ans plutôt en Irak, on peut mesurer à quel point la situation a changé pour le camp occidental, à quel point il s’est affaibli. Si les conséquences politiques de l’intervention en Irak n’ont pas tourné à l’avantage des puissances qui la menèrent, au moins la guerre d’agression avait été victorieuse dans un premier temps. Aujourd’hui, même les offensives prennent la tournure de désastre. Le déficit de pensée politique globale ou de compréhension de changement, le manque de clairvoyance stratégique n’est que le pendant du déclin économique et civilisationnel de l’hémisphère Nord. Les Etats occidentaux et leur allié sioniste ne sont plus en capacité de produire des dirigeants digne de ce nom, alliant hauteur de vue, intelligence des situations et perspicacité dans les choix.

Ainsi, dans la guerre en Syrie, les facteurs exogènes sont au moins tout aussi importants que les facteurs endogènes car la scène de conflit syrienne est dans son fondement une confrontation entre deux blocs aux intérêts contradictoires. La survie du régime qui constitue en même temps déjà un succès pour lui et un échec pour le bloc occidental dépend en grande partie des alliances qu’il a su nouer au sein de l’axe de résistance et plus largement avec le bloc des nations émergentes. Sur le plan militaire, l’Iran et le Hezbollah ont constitué des acteurs majeurs du conflit sans lesquels l’issue du régime syrien demeurait très incertaine. L’Iran a mobilisé sur le terrain ses services secrets et des conseillers militaires qui ont su donner des orientations stratégiques et tactiques aux différentes batailles. La République Islamique d’Iran a aussi fourni un soutien matériel et financier, notamment via la fourniture en pétrole à partir de juillet 2013, à un moment où l’approvisionnement en ressources devenait une question vitale étant donné l’embargo international. De son côté le Hezbollah est entré en guerre en mars 2013 dans le cadre de la bataille de Qussair. Cette bataille, remportée par le parti chiite après plusieurs mois d’un affrontement acharné, peut être considérée comme le tournant de la guerre. Jusqu’alors régnait une forme d’équilibre des forces entre les belligérants, une sorte de bataille d’échec sanglante, faite de reculs et d’avancées de chaque partie. Mais la défaite a porté un coup terrible à l’organisation de la rébellion, tant sur le plan stratégique qu’au niveau moral. A partir de là, le régime syrien s’est trouvé dans une position plus favorable, multipliant les victoires locales et les conquêtes de territoires. Autant l’axe de résistance est apparu uni et déterminé dans le combat, autant la rébellion a fait preuve de la plus totale désorganisation et d’un manque d’intelligence stratégique et politique. Dès l’origine du conflit, des divisions se sont manifestées entre la direction politique de la rébellion basée à l’étranger et téléguidée par l’Occident (Conseil National Syrien-CNS) et le commandement des factions insurgées sur le terrain, plusieurs groupes rebelles en armes ne reconnaissant pas l’autorité du CNS. Puis, plus récemment à le fin de l’année 2013, les clivages sont apparus entre groupes djihadistes sur le champ de bataille, les rebelles de l’Armée Syrienne Libre voulant se débarrasser de l’organisation l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) qui commençait à prendre de l’envergure sur le terrain. La guerre fratricide, qui peut être interprétée comme un « dégât collatéral » de la bataille de Qussair, s’est produite au moment où l’opposition était la plus faible, renforçant ainsi les positions acquises du régime syrien.

C’est aussi parce qu’il est inscrit dans un autre réseau d’alliance, celui des nations émergentes (BRICS), en particulier la Russie, que le régime a pu assurer sa survie à un moment où l’affrontement ne tournait pas en sa faveur. En effet, dans les premiers temps de la guerre, les assauts répétés des groupes djihadistes avaient réellement déstabilisés les capacités de résistance du régime au point que Damas était assiégée et le pouvoir syrien menacé d’anéantissement. Cependant, la participation de la Russie à la bataille de Damas de juillet 2012 a été décisive. En fournissant une technologie moderne de brouillage de l’ensemble des communications (radio, internet, téléphonie), elle a créé la confusion dans les rangs ennemis des insurgés et de leurs conseillers occidentaux et israéliens et a permis au régime de mener une contre-offensive, une embuscade de grande envergure dans laquelle des milliers de rebelles furent tués. Si la bataille de Qussair quelques mois plus tard a permis aux forces de résistance de prendre l’ascendant sur les rebelles, la bataille de Damas a permis de rétablir un certain équilibre des forces. La Russie a aussi joué un rôle déterminant au niveau politique des négociations internationales, soit en imposant des vétos aux résolutions prévoyant l’intervention directe des Occidentaux en Syrie, soit assurant la défense des intérêts du régime syrien. La Russie a bien sûr des intérêts stratégiques et économiques d’importance en Syrie pour s’opposer aussi frontalement au bloc occidental. La Syrie est le seul pays de Méditerranée où la Russie possède une base navale et donc sur le plan militaire cette base revêt une importance cruciale. Du point de vue économique, la Syrie constitue un client historique en armement. Mais l’intérêt essentiel réside dans le projet de futur gazoduc qui devait traverser le territoire syrien et qui devait être réalisé en coopération avec l’Iran. Ce gazoduc aurait permis au Russes et aux Iraniens de renforcer leur position de principaux fournisseurs mondiaux en gaz naturel au détriment du Qatar car l’acheminement du gaz moyen-oriental vers l’Europe passe nécessairement par la Syrie. Militairement mais surtout politiquement, la Russie a joué un rôle éminent, avec des positions claires et une attitude ferme soutenue en cela par les nations du Sud en pleine expansion, le groupe des BRICS. C’est sans doute la première fois depuis la Guerre froide que deux blocs se font face, mais cette fois-ci la confrontation ne revêt pas un caractère Est-Ouest mais Sud-Nord. Le monde unipolaire rêvé par les Etats-Unis a eu une espérance de vie des plus courtes, et les cris enthousiastes après la chute du Mur de Berlin n’auront pas résonné bien longtemps. Le succès politique du bloc du Sud dans la guerre de Syrie, bloc relativement récent, encore peu structuré et peu intégré, qui n’en est sans doute qu’à ses balbutiements, traduit toute la faiblesse du camp occidental, toute sa décrépitude.

En effet, le contraste est fort entre la manière dont la Russie et ses alliés ont mené la guerre et le caractère désordonné des implications occidentales dans ce conflit. Quelque soit l’aspect de la guerre considéré, il n’apparait pas de cohérence dans l’engagement des Etats-Unis ou de la France et d’Israël pour ne citer que les Etats les plus va-t’en guerre. Tout d’abord, les atermoiements ont caractérisé l’attitude américaine au sujet de la fourniture d’armes à la rébellion. D’abord hésitant à s’engager dans le conflit et laissant à la France le rôle de porte-drapeau, l’exécutif américain décide discrètement de fournir des armes à l’Armée Syrienne libre. Cependant, il faut attendre septembre 2013 pour que le Congrès US approuve officiellement l’envoi d’armes non létales ou d’armes légères aux rebelles. Mais cette décision sera rapidement remise en cause car une partie de ces armes est tombée aux mains de djihadistes radicaux que le pouvoir américain utilise mais dont il se méfie aussi. Une telle méfiance ne peut s’expliquer que par les conséquences du conflit précédent en Libye. En effet, dans la guerre contre le régime de Kadhafi, les Occidentaux avaient fourni une importante quantité d’armes aux forces rebelles mais quelques mois plus tard ces armes s’étaient retrouvées au Mali et plus largement au Sahel, tournées cette fois-ci contre les intérêts occidentaux dans la région. Les Etats-Unis craignent haut plus haut point la répétition de ce scénario à l’échelle du Moyen-Orient et cette crainte est à l’origine des hésitations et revirements. Ayant créé le chaos dans différentes parties du monde, et au Moyen-Orient ce fut le cas au moyen des guerres menées en Irak, les Etats-Unis se retrouvent aujourd’hui dépassés par cette situation, totalement désorientés, sentant confusément que la bombe qu’ils avaient façonnée pouvait à tout moment leur exploser au visage. Si l’on envisage maintenant la position US vis-à-vis de l’accusation d’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien, on relève le même type d’attitude empreinte de contradictions. Lorsque les médias et les officiels français ont commencé en mai 2013 à incriminer le régime syrien sur cette question, les Etats-Unis ont affirmé n’avoir pas de preuve sur le caractère effectif de l’utilisation du gaz sarin. Ce n’est que quelques mois plus tard que la diplomatie américaine s’alignera sur la position européenne poursuivant ainsi deux objectifs : faire pression sur le pouvoir syrien et ses alliés à un moment où la guerre tourne totalement à l’avantage de ces derniers et démanteler via une résolution de l’ONU l’arsenal chimique syrien dans l’intérêt d’Israël. Cependant, même si les pouvoirs occidentaux dominés en leur sein par des élites juives sionistes ont réussi à obtenir que le pouvoir syrien renonce à ce type d’armement, politiquement ils ressortent affaiblis de la négociation avec la Russie. D’une part, le doute plane toujours sur les auteurs de l’utilisation des armes chimiques et beaucoup d’indices laissent à penser que des groupes rebelles s’en seraient servi pour délégitimer le régime et offrir une caution à un éventuel bombardement occidental. D’autre part, la Russie, en contrepartie du plan de désarmement, a réussi à obtenir la pérennité du régime et l’absence de toute intervention directe du bloc occidental, renforçant au passage sa position de négociateur et obtenant que le pouvoir syrien soit reconnu comme interlocuteur à part entière (Conférence de Genève II).

Au sein du camp des nations impérialistes, le bellicisme de la France et d’Israël tranche nettement avec l’attitude plutôt timorée des Etats-Unis. La classe politique française de droite et de gauche s’est mobilisée massivement, et ce dès l’origine du conflit, pour le soutien à la rébellion et le renversement du régime syrien. Les dirigeants français sous Sarkozy puis Hollande se sont activés tous azimut, déployant leurs efforts au niveau de la propagande médiatique, de la diplomatie, de leur services secrets, de leurs conseillers militaires, de la fourniture d’armes,… L’objectif d’abattre à tout prix le régime syrien, dans les délais les plus rapides, place la France sur la même longueur d’onde qu’Israël au sein du bloc occidental. Cependant l’implication française, caractérisée par des actions précipitées, par le manque de discernement, est aussi traversée par des contradictions et des faux-fuyants. Ainsi lorsque ses intérêts au Mali étaient menacés, la France a littéralement déserté le champ de bataille syrien au point d’être accusée de trahison par la rébellion. Parallèlement, sur le plan médiatique, au cours des cinq premiers mois de l’année 2013, un certain silence radio s’est manifesté sur la question syrienne. Puis le battage médiatique est reparti de plus belle à partir de mai 2013, le journal Le Monde annonçant à grand fracas l’usage de gaz sarin par l’Armée Arabe Syrienne. Lorsque l’on compare le bellicisme outrancier de la France à la retenue américaine dans le cas syrien, il est intéressant de noter que depuis 2003 et l’intervention US en Irak, les rôles se sont inversés. Sous la présidence de Chirac, la France avait refusé de participer à la coalition emmenée par les Etats-Unis pour faire tomber le régime baathiste irakien. En revanche, depuis la présidence de Sarkozy, la France s’affiche comme un des Etats qui milite et agit le plus en faveur d’agressions de nations souveraines. Ainsi, dans le cas libyen en 2011, il est apparu clairement que les Etats-Unis étaient en retrait par rapport à la France en termes d’activisme médiatique et diplomatique pour une offensive armée. Pourtant, avec l’installation du nouveau régime en Libye, la France n’a semble-t-il obtenu aucun gain économique ni conclu aucun marché. Et voilà qu’elle répète avec Hollande sensiblement le même type de conduite erratique en Syrie, conduite qui ne trouve pas d’explication dans une volonté de faire valoir des intérêts directs dans la région. Pour comprendre ce jusqu’au-boutisme guerrier, il faut aussi prendre en compte les déterminants internes de la politique étrangère française. Depuis le mandat de Sarkozy, les élites juives sionistes ont totalement pris les commandes de l’appareil d’Etat, alors que jusque là régnait un certain équilibre au sein du pouvoir français entre un clan nationaliste historique et le clan sioniste. La mouvance sioniste au sein de l’Etat français est en mesure d’imprimer une politique extérieure fondamentalement pro-israélienne d’autant plus que les intérêts français en Syrie sont peu probants. En revanche, les Etats-Unis ont beaucoup à perdre dans la région et paraissent prudents voire hésitants sur la stratégie à adopter, et ce malgré l’importance du lobby pro-israélien en leur sein. C’est pourquoi au sein du bloc occidental l’on voit se dessiner d’un coté un axe reliant la France à Israël auquel vient s’agréger l’Arabie Saoudite et de l’autre des dissensions entre cet axe et les Etats-Unis.

Des divergences de vue sur les enjeux régionaux se sont notamment manifestées ces derniers temps entre les Etats-Unis et l’Etat sioniste. En premier lieu, les positionnements politico-militaires dans le conflit syrien sont foncièrement différents. Si les Etats-Unis se sont engagés dans cette guerre à reculons, Israël a jeté toutes ses forces dans la bataille : soins apportés aux rebelles blessés dans des hôpitaux de fortune, fourniture massive d’armes, informations fournis par les services secrets aux différentes factions rebelles, raids aériens contre des sites jugés stratégiques, présence d’unités d’élite dans certaines batailles. C’est ainsi que lors de la bataille de Ghouta de septembre 2013 qui opposait le Front Islamique, Jabhat Al Nosra et l’EIIL au Hezbollah et à l’Armée Arabe Syrienne, Israël a utilisé sa technologie la plus moderne pour paralyser le système des télécommunications et jeter le trouble dans les rangs des partisans du régime. Cependant, l’effet de surprise surmonté, les forces loyalistes ont repris le dessus, et cette bataille, l’une des plus sanglantes du conflit syrien, tourna une fois de plus au désavantage des alliés rebelles et sionistes. De même, sur le “dossier du nucléaire iranien”, les Etats-Unis ont opté pour la négociation (Accord de Genève) tandis que les Israéliens demeuraient partisans d’une solution intransigeante, à savoir le blocus et la possibilité d’une intervention militaire. Enfin, les tensions les plus vives entre les officiels israéliens et la diplomatie américaine se sont manifestées au sujet de la négociation avec les Palestiniens lorsque John Kerry a laissé planer la menace d’un boycott de l’Etat sioniste si celui-ci refusait toute forme de concession. Si cette guerre d’agression contre la Syrie a été entreprise pour briser l’axe de résistance, le résultat final est aux antipodes de ce qui était espéré puisque c’est le bloc occidental qui a commencé à se fissurer et à se lézarder, les contradictions internes s’exacerbant à mesure que l’impuissance à vaincre l’adversaire et à abattre le régime devenait manifeste.

L’absence de stratégie politique claire du bloc occidental, le cercle vicieux des hésitations et des actions précipitées, le manque de coordination des différents Etats coalisés et surtout les tensions internes et les dissensions, trouvent une origine dans le déclin économique de ces puissances qui autrefois dominaient le monde de manière unilatérale. Le premier facteur structurel à prendre en compte est l’endettement colossal des pays riches qui peut expliquer la crainte d’une guerre longue qui les opposerait à l’axe de résistance moyen-oriental et au bloc émergent. Un enlisement dans la guerre de Syrie finirait par les ruiner et transformerait un lent déclin en extinction d’une civilisation. Le second facteur, le plus déterminant, tient au fait que l’essoufflement des économies du monde impérialiste a eu pour conséquence de modifier en profondeur les rapports Nord-Sud, brisant un certain nombre de liens de dépendance traditionnels. La rupture d’une partie des relations de domination néocoloniale a laissé un espace pour l’établissement d’un courant d’échanges Sud-Sud et la formation de réseau de relations voire de solidarités politiques entre nations émergentes. La guerre en Syrie révèle et accélère ce qui se tramait en secret au niveau économique, un écroulement des formes de domination impérialiste et l’essor corrélatif de puissances régionales du Sud. Même si la guerre qui oppose les deux blocs en Syrie ne semble pas finie, il est certain qu’après trois siècles d’hégémonie occidentale qui a porté avec elle esclavage, colonialisme et barbarie néocoloniale, le monde connait aujourd’hui un basculement historique dans lequel les nations et peuples opprimés ne se laisseront plus dicter leur sort.

Comité Action Palestine

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