Syrie: les cafouillages européens renforcés par l’isolement français ?
septembre 5, 2013
FRANCE : LA GAUCHE ET LA GUERRE…..
Posted on 4 septembre 2013 par tsimok’i Gasikara
S’il fait bombarder la Syrie, François Hollande entre ainsi en guerre contre
un deuxième pays depuis un peu plus d’un an d’exercice du pouvoir.
C’est un fait assez rare dans l’histoire moderne de la France, fait qui témoigne des liens passionnels que la gauche entretient avec la guerre.Depuis la Révolution française, la gauche est belliciste, et la droite pacifiste. C’est la gauche révolutionnaire qui entre en guerre contre la Prusse et l’Autriche le 20 avril 1792, alors même que les monarchistes y sont opposés, au nom du pacte de familles. La guerre se fait non pas pour des motifs stratégiques ou de conquêtes, mais pour des raisons idéelles : il s’agit de renverser les tyrans et d’établir des républiques sœurs. L’armée est alors un réservoir de républicains, et c’est parmi les soldats que s’édifie le creuset républicain, qui permet quelques semaines plus tard de renverser la monarchie, puis d’affermir la république.
Après les défaites napoléoniennes, la gauche reste nostalgique de la grande France, et une part essentielle du programme républicain consiste à vouloir récupérer les territoires perdus de l’autre côté du Rhin. Les rois de France doivent alors souffler le chaud et le froid : rester pacifistes pour ne pas heurter leurs soutiens monarchistes, tenter quelques combats pour montrer de la bonne volonté à l’aile gauche. C’est ainsi que Charles X se risque à une expédition en Grèce en 1828, où il fait débarquer 15 000 hommes en Morée. Il s’agit alors de libérer la Grèce de la domination ottomane, de protéger un peuple chrétien contre l’oppression des musulmans. L’intervention ne fut possible que parce que l’opinion des monarchistes a changé, et que ceux-ci sont désormais favorables à une intervention, comme les républicains. C’est le début d’un tournant, qui peut ensuite justifier l’intervention à Alger en 1830, pour punir le dey qui a maltraité un diplomate français, et pour sécuriser la Méditerranée. Charles X crut contenter les républicains lorsqu’Alger fut pris le 5 juillet. Cela n’empêcha pas lesdits républicains de le renverser à la fin du même mois. La politique intérieure a toujours pris le pas sur la politique extérieure.
Sous Louis-Philippe, les républicains n’ont cessé de témoigner de leur pensée belliciste, voulant absolument récupérer la rive gauche du Rhin. Mais ce groupe reste encore très minoritaire et, pour assurer son élection et son référendum, Louis-Napoléon Bonaparte doit faire campagne sur l’idée que « L’Empire, c’est la paix ». Il s’est ensuite risqué à quelques interventions extérieures : Italie, Crimée, Indochine, où les pertes furent importantes, mais la victoire assurée. Au Mexique, les pertes furent faibles, mais la défaite désastreuse. L’expédition fut pourtant menée avec l’aval des républicains, qu’il pensait ainsi pouvoir contenter.
Ce sont les mêmes républicains qui ont œuvré pour l’entrée en guerre contre la Prusse en 1870, contre la volonté impériale. Napoléon III, fatigué et malade, et vivant sous l’ombre glorieuse de son oncle victorieux, s’est laissé convaincre. La Chambre des députés, beaucoup plus libres après les réformes constitutionnelles des années 1865-1869, lui ayant forcée la main. On sait quel désastre ce fut. Malgré lui, l’Empereur mena une guerre qu’il ne voulait pas, et il la perdit.
Les républicains au pouvoir ne cessèrent de vivifier le mythe de la revanche. L’école était leur usine, qui devait fabriquer de solides et sincères républicains, prêts à se faire abattre, et à verser leur sang dans la guerre future contre l’Allemagne. En ce sens, l’école de Jules Ferry réussit parfaitement, en sont pour preuves les interminables monuments aux morts de nos communes. Ces enfants de l’école laïque et républicaine ont accompli jusqu’au bout leur devoir. Ce n’est que lorsque le socialisme a pris le monopole de la gauche, et a chassé les républicains vers la droite, dans un mouvement dextrogyre bien connu, que la gauche s’est montrée beaucoup plus hésitante sur les questions de guerre. Mais entre le discours et la réalité, le fossé est allé en se creusant. Léon Blum dit ne pas intervenir en Espagne en 1936, mais il fait passer du matériel et des armes aux révolutionnaires espagnols. Guy Mollet et François Mitterrand témoignent d’une main de fer dans les questions coloniales, notamment en Algérie. La colonisation, cette grande idée de la gauche généreuse et émancipatrice des peuples, trouvera son terme avec la droite au pouvoir. Il a fallu le courage du Général de Gaulle pour arrêter l’occupation coloniale en Afrique, d’abord avec l’Afrique noire en 1960, puis avec l’Algérie en 1962. Le Général de Gaulle a lui-même défini sa politique coloniale en ces termes : « La décolonisation est notre intérêt, donc c’est notre politique. » Le principe réaliste l’emporte sur le principe idéologique.
Jusqu’en 1991, la France n’intervient pas à l’extérieur, Guerre froide oblige. Dès que le mur est tombé, alors les interventions ne cessent de se multiplier : Golfe, Yougoslavie, Serbie, Kosovo, Afrique, Afghanistan, Libye, Sahara. Depuis 1991, la France est continuellement en guerre, et ses troupes sont en opération extérieure sans interruption. Jamais nous n’avons plus connu la guerre que depuis la fin de la Guerre froide.
Or ces guerres sont menées non pas pour des raisons réalistes et stratégiques, mais pour des causes humanitaires. L’armée est déployée pour défendre les populations ou la démocratie, au nom du droit d’ingérence, ou bien au nom des peuples libres à libérer les peuples asservis. Nous avons ainsi face à nous un panorama des plus intéressants : les idéalistes sont des faucons et les réalistes des colombes. C’est au nom de l’idéal de la démocratie que la guerre est menée, et c’est au nom d’une réalité dangereuse et complexe que l’on cherche à faire taire les armes. Le vecteur de la guerre ne se trouve pas dans les marchands de canons ou le capitalisme, comme a tenté de le faire croire l’historiographie marxiste, mais dans la propagation de l’idée faite action. Nous en revenons ainsi toujours à cette constatation : l’idéologie a besoin de la guerre pour survivre.