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Syrie : Pour un nouveau pacte social. Et vite.


Vendredi 3 février 2012
 

Revue de presse : Editorial – Afrique Asie*(Février 2012)


Il est difficile de croire que la contestation syrienne autour de revendications populaires légitimes de réformes démocratiques, de changement, de justice et de dignité n’a pas, onze mois après, changé de nature et d’objectifs. Il faut faire preuve de cécité pour ne pas voir, sur le terrain, le glissement progressif d’une insurrection au départ pacifique vers une guerre civile détestable et ravageuse, alimentée politiquement, financièrement et médiatiquement par des forces extérieures qui se moquent comme d’une guigne de la démocratie et des droits de l’homme en Syrie.
Pourquoi en est-on arrivé là ? Pourquoi l’Occident et ses supplétifs moyenâgeux du Golfe veulent-ils casser ce pays, comme ils l’ont déjà fait avec l’Irak et la Libye, au nom de la défense des droits de l’homme et de la démocratie ? Le plus stupéfiant et inquiétant à la fois, c’est que cette prétendue mission « démocratisatrice »de l’Occident continue à tromper du beau monde, par naïveté ou par cynisme.

Certes, sans les erreurs fatales et les maux accumulés depuis des décennies par le pouvoir syrien (autoritarisme, système de parti quasi unique, corruption, déséquilibres régionaux entre la campagne et les villes, manque de confiance, voire hostilité du régime à l’égard de ses élites et des forces vives de la société…), cette ingérence aurait eu du mal à prendre corps. Des erreurs qui auraient pu être corrigées en mettant en place à temps des réformes politiques et économiques audacieuses qui ont trop tardé.
Force cependant est de constater que cette indispensable perestroïka n’a pu être engagée –très timidement et très lentement – que sous la pression de la rue, il y a près d’un an. Ainsi a-t-on vu la levée de l’état de siège, la naturalisation massive des apatrides kurdes, une nouvelle loi sur les médias devant mettre fin au monopole de l’État et du parti, une autre sur les partis politiques et l’adoption début mars, par voie référendaire, d’une nouvelle Constitution abolissant le rôle du parti Baath, au pouvoir depuis le 8 mars 1963, comme « dirigeant l’État et la société » et limitant à deux le mandat présidentiel.

L’infranchissable barrage

russe et chinois
Toutes ces mesures, si elles sont pleinement mises en œuvre, jetteraient les bases d’un nouveau contrat social en Syrie qui ouvrirait la voie à une transition vers un État de droit.
Certes, il y a encore au sein du pouvoir une minorité d’éradicateurs et de nostalgiques du tout-sécuritaire qui résiste vainement à une telle évolution. Elle est rejointe, objectivement, par une opposition, basée essentiellement à l’extérieur et portée à bout de bras par l’Occident et les monarchies du Golfe, qui cherche le renversement du régime par tous les moyens, y compris par un coup d’État militaire, tout en sachant qu’elle n’a ni les moyens ni l’envergure et encore moins la crédibilité pour atteindre un tel objectif.

Car jusqu’ici, et contrairement à ce qui s’est passé en Tunisie, en Égypte, en Libye et au Yémen, on n’a assisté à aucune défection au sein de l’État, du parti, de l’administration, de l’armée et de l’appareil sécuritaire. Plus surprenant : l’assise sociale et populaire du régime est importante, comme l’a montré un récent sondage commandé par The Doha Debates, financé par la Qatar Foundation, elle-même financée par l’émir du Qatar, peu suspect actuellement de sympathie envers le régime syrien. Selon ce sondage « la plupart des Syriens sont en faveur du maintien au pouvoir de Bachar al-Assad » (Jonathan Steele, in The Guardian britannique, 17 janvier 2012). À cela, il convient d’ajouter l’infranchissable barrage russe et chinois qui protège la Syrie de tout scénario à la libyenne.
Pour toutes ces raisons, le dialogue doit s’instaurer entre Syriens eux-mêmes, sans aucune ingérence étrangère, pour déjouer ce qui se trame contre ce pays clé du Moyen-Orient. Car si la démocratie est la revendication première du peuple syrien, ce n’est pas le cas des acteurs étrangers qui instrumentalisent cette revendication pour changer l’orientation de la politique étrangère de ce pays. Et en premier lieu, l’alliance entre Damas et Téhéran et la relation organique avec la résistance libanaise et le front du refus palestinien.

Le très démocrate

prince « éclairé » du Qatar


Quand on voit l’Arabie Saoudite s’opposer au régime de Damas, qu’elle avait longtemps cajolé, pour cause de « lèse-démocratie », on croit rêver ! Rappelons que l’Arabie Saoudite est une monarchie de droit divin gouvernée, avec la protection armée de l’Amérique, par des gérontocrates attardés qui considèrent le simple fait de manifester comme un crime punissable de mort et dont les prisons regorgent d’opposants politiques réduits au silence car les médias occidentaux ne les entendent pas.

On reste aussi sans voix quand, en bonne place dans le camp des anti-Al-Assad, on voit un autre potentat du Golfe, le très démocrate prince « éclairé » du Qatar, Hamad ben Khalifa al-Thani, (l’ami du président français Sarkozy et de son ministre des Affaires étrangères Juppé). Celui-ci est arrivé sur le trône en y chassant son père et ne tolère chez lui, à part l’impressionnante base militaire américaine, ni partis politiques ni Parlement, ni syndicats !

Surtout, pour épargner à la région un nouveau syndrome irakien, il faut rester les yeux grands ouverts pour comprendre que les démocraties occidentales, qui veulent en découdre à tout prix avec le régime syrien en fermant les yeux sur les actions terroristes d’une frange de l’opposition, avancent le visage masqué derrière le discours des droits de l’homme.

Le chemin de l’enfer n’est-il pas pavé de bonnes intentions ?
* Site du magazine Afrique Asie : www.afrique-asie.fr

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