Syrie, que peut faire la France ? interview de Richard Labévière
août 18, 2012
La France préside, pour le mois d’août, le conseil de sécurité des Nations unies. L’occasion pour les responsables de l’UMP de critiquer« l’attentisme » du gouvernement de François Hollande dans la crise syrienne, alors que son ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, est en pleine tournée humanitaire en Jordanie, au Liban et en Turquie. Richard Labévière, journaliste spécialiste de la région analyse le rôle de la diplomatie française dans ce conflit complexe.
« Il n’est pas nécessaire d’être un partisan du régime du président Assad, mais simplement un observateur aimant la vérité pour être perplexe devant les récits d’atrocités liés à ce qu’il faut bien appeler la guerre civile en Syrie ». Cette observation, émise à la fin du mois de juin dans Marianne2 a amorcé la diffusion d’une nouvelle analyse de la situation syrienne, dépassant le manichéisme dominant qui voulait opposer une population opprimée et unanime à un dictateur sanguinaire. Or, si l’Onu vient de publier un rapport accusant effectivement le régime de crimes de guerre, ses opposants s’en sont eux aussi, certes dans une moindre mesure, rendus coupables.
Richard Labévière, l’actuel rédacteur en chef d’Esprit corsaire, un observatoire de la défense et de la sécurité, qui est aussi un collaborateur du mensuel Afrique-Asie, analyse la crise syrienne à l’aune d’un conflit international, aux enjeux beaucoup plus complexes que ceux d’une guerre civile manichéenne. Dans cette« petite résurgence de guerre froide » comme il la décrit, quel peut être le rôle de la diplomatie française ? L’auteur en février 2011 de « Quand le Syrie s’éveillera » a répondu aux questions de TV5 monde, sans s’embarrasser d’une exigence de « politiquement correcte ».
Quelle est votre analyse de la situation syrienne ?
La crise syrienne est passée par trois phases depuis mars 2011 : en résonnance avec les séquences égyptienne et tunisienne il y a d’abord eu un puissant mouvement social de revendications légitimes de plus de libertés civiles et politiques, de mars à juin/juillet. Le mouvement social s’est transformé peu ou prou en affrontement militaire avec des armes de guerre qui ont été introduites par les frères musulmans jordaniens. Puis le mouvement s’est durci et confessionnalisé et les frères musulmans syriens y ont vu une possibilité de revanche de leur lutte armée avortée et réprimée dans le sang par Hafez al-Assad en 1981-1982. On a alors assisté à un durcissement, un élargissement de cette guerre civile de juillet à septembre 2011. Il ne s’agit plus du tout de manifestations réprimées, mais de la confrontation de l’armée gouvernementale à des groupes armés, soi-disant de l’armée syrienne libre, il faut voir ce qu’on met derrière…
Les médias avaient une approche tellement émotionnelle, les bons face aux méchants, c’est seulement maintenant que l’on commence à se poser des questions sur l’après Bachar al-Assad. Là aussi, la grande erreur des journalistes et des politiciens occidentaux a été de considérer, par mimétisme avec la Tunisie et l’Égypte, que Bachar al-Assad partirait en courant, comme Ben Ali et comme Moubarak. L’erreur d’analyse était de considérer que c’était un pouvoir personnel, mais si Bachar al-Assad est assassiné cet après-midi, ça ne change strictement rien à la donne !
Et cette idée part d’une méconnaissance totale de ce qu’est la Syrie, qui est un pays de 24 millions d’habitants mais pluriconfessionnel, dont le régime alaouite (12 % de la population) s’appuie sur l’ensemble des minorités. Désormais, très clairement, nous sommes dans un logiciel régional, qui met face à face le monde sunnite principalement porté par l’argent des monarchies pétrolières Qatar et Arabie Saoudite, contre « l’axe du mal » pour reprendre l’expression de Condolezza Rice et des conservateurs américains, Iran-Syrie-Hezbollah et mouvements palestiniens. C’est ça maintenant le vrai logiciel et personne ne croit que le Qatar et l’Arabie Saoudite – qui sont deux grandes « démocraties » comme chacun sait – aient le souci d’instaurer la démocratie en Syrie, mais c’est surtout de faire mordre la poussière à l’Iran. Voila la priorité à la fois des Américains, des Israéliens et des monarchies pétrolières. On veut faire de la Syrie ce que les Américains ont fait de l’Irak c’est-à-dire morceler les derniers États arabes en petits morceaux, les fragmenter politiquement et territorialement, retribaliser le monde arabe, parce que c’est tout à fait dans l’intérêt stratégique américain, israélien et celui des monarchies pétrolières.
Dans ce contexte, peut-on réellement reprocher à la France sont « attentisme » ?
C’est très injuste de faire un procès politique à la France, et à une soi-disant inertie de la diplomatie française. Tout cela est un mauvais procès, un procès de politique politicienne en réalité, qui correspond à la prise de présidence par la France du conseil de sécurité des Nations unies, jusqu’au 31 août. C’est ça qui a donné une opportunité politicienne au président sortant Nicolas Sarkozy et à quelques responsables de l’UMP pour faire un mauvais procès à François Hollande et a Laurent Fabius. Mais ils auraient mieux fait de s’abstenir car au même moment était arrêté Michel Samaha, qui a été l’émissaire sarkozyste qui faisait le lien entre Guéant et Ali Mamelouk et qui est le chef des services secrets syriens donc, Nicolas Sarkozy est mal placé pour donner des leçons à François Hollande et Fabius.
Cela dit, la position française est quand même très en continuité avec la politique que le président sortant avait initiée. Notamment la politique de soutien à la position du Qatar avec l’émir Al-Thani, le grand ami de Nicolas Sarkozy, et le suivi du plan américano-israélien dans la zone, qui était décidé à l’époque à l’Élysée par Jean-David Levitte et Nicolas Gallet, le conseiller arabe de Nicolas Sarkozy, en contournant soigneusement le quai d’Orsay. L’amélioration depuis l’arrivée de François Hollande c’est que les experts du quai d’Orsay de la direction Afrique du Nord/Moyen-Orient retravaillent et sont consultés. À nouveau la diplomatie française ne se fait pas qu’à l’Élysée mais tient aussi compte de l’expertise très sûre du quai d’Orsay sur cette région.
Dans un édito du Figaro, François Fillon demandait à François Hollande d’aller frapper à la porte du Kremlin. Une telle visite pourrait-elle changer la donne ?
C’est tout à fait grotesque, et ça serait une humiliation totale parce que le Kremlin ne bougera pas, on le sait, et les diplomates le savent. La position au conseil de sécurité, de la Russie et de la Chine peut se comprendre justement par rapport à l’antécédent libyen. Chine et Russie avait alors eu l’impression de s’être fait avoir, parce que sous prétexte de la fameuse obligation de protéger les populations, les Russes, qui avaient voté cette résolution 1973 de l’ONU, ont été confrontés à l’initiative malheureuse de Nicolas Sarkozy déclenchant une opération militaire avec les Britanniques avant qu’elle soit couverte par l’Otan. Les Russes et les Chinois ne veulent pas revivre ça sur la Syrie et être confrontés à un remodelage du Proche-Moyen-Orient par les États-Unis, Israël et les monarchies pétrolières.
Par ailleurs, les Russes savent parfaitement que le Qatar et l’Arabie Saoudite financent des mouvements islamistes au Caucase, tout comme le Qatar et l’Arabie Saoudite financent des ONG et des mouvements contre Poutine à Moscou même. Là, pour les Russes, il y a une ligne rouge. Et c’est la même chose pour les chinois puisqu’ils savent parfaitement que les mêmes Qatar et Saoudiens financent les Ouïghours au Xinjiang et la déstabilisation islamiste à leur marge. Donc là, il y a une petite résurgence de guerre froide où quoi qu’il arrive, Russes et Chinois ne veulent pas d’une reconfiguration au Proche-Moyen-Orient par les États-Unis d’une part, Israël d’autre part, et les monarchies pétrolières aussi, avec les pays européens qui suivent l’application d’un plan américano-israélien.
Et la France est dans ce sillage parce qu’en réalité, des que Nicolas Sarkozy a cassé le quai d’Orsay, il s’est privé d’expertise. Et en brisant l’outil diplomatique, il a décidé de rejoindre le commandement intégré de l’Otan. La France est alors devenue un pays occidental comme un autre, tout à fait banalisé. On devient un pays occidental comme les autres, et on n’a plus de politique autonome.
Quelle position devrait adopter la diplomatie française ?
En l’absence d’alternative politique pour l’instant, le quai d’Orsay et le président Hollande choisissent de rester un peu dans cette approche occidentale, à défaut de mieux, mais on pourrait quand même souhaiter qu’ils soient un peu plus imaginatifs, justement pour essayer de relancer, de capitaliser l’héritage de la mission de Kofi Annan même si elle a débouché sur une fin de non-recevoir. Car la diplomatie c’est un exercice de longue haleine, des casques bleus à Chypre il y en a depuis 74, la Finul au Liban a été créée en 78 ! Donc ce n’est pas en claquant des doigts que la mission Kofi Annan allait réussir, mais en tout cas, ses objectifs sont les bons. Il s’agissait de concevoir une transition par un collège militaire qui garantisse la survie et la protection des minorités. L’objectif c’est de consolider une Syrie pluriconfessionnelle.
Dès l’instant où on a tué la mission Annan, on a fermé la porte à la diplomatie, donc on a choisi l’option guerrière. Donc, quand on ne peut rien faire sur le plan diplomatique, au conseil de sécurité et aux Nations unies, on fait de l’humanitaire. Et Laurent Fabius est parfaitement dans son rôle. On installe des appuis humanitaires et médicaux, en Jordanie, en Turquie, c’est très bien, et que la France le fasse, c’est la moindre des choses. Si la France peut contribuer à soulager le sort des centaines de milliers de réfugiés syriens c’est très bien, malheureusement, au-delà de ça, et on le sait maintenant parce que c’est de l’information vérifiée, la France avec les forces spéciales et les membres du service action de la DGSE sont engagés dans des opérations de soutien et de formation à l’insurrection armée syrienne.
Si on continue dans cette voie, que va-t-il se passer ?
Ce qui va se passer c’est qu’on va continuer à alimenter, par services interposés et par financement des monarchies pétrolières la voie, essentiellement militaire. Et à la longue, face à l’union sacrée des occidentaux, des monarchies pétrolières et d’Israël, l’armée syrienne va s’essouffler, et le jour ou le régime perd Alep et Damas (qui concentrent la moitié de la population syrienne) ce qui se passera, et c’est d’ores et déjà dans les cartons du département américain, c’est que l’on va s’acheminer vers une partition du pays. On aura alors un grand émirat sunnite, un état druze sur le Golan et puis un réduit alaouite dans les montagnes alaouites au-dessus de Tartous. On aura fait de la Syrie ce qu’on a fait de l’Irak, et ça, c’est tout à fait conforme au plan du grand Moyen-Orient de madame Condolezza Rice et des conservateurs américains, et monsieur Obama fait la même chose avec ses démocrates que les administrations républicaines précédentes. Et tout ça s’inscrit en conformité avec la fameuse note d’Ode Yinon, du ministère israélien des affaires étrangères qui en 1982 écrivait que l’intérêt stratégique d’Israël, c’était de casser tous les États-Nation arabes pour les fragmenter territorialement et politiquement, et préconiser exactement ce plan de partition sur la Syrie. On est tout à fait dans l’instauration d’un nouvel ordre, d’un nouveau Proche-Moyen-Orient, qui correspond aux idées israéliennes et au grand Moyen-Orient de Condolezza Rice.
La question qu’il faut se poser, c’est si cette posture actuelle défend bien les intérêts de la France ? La réponse est contrastée. Parce qu’il y a des bruits de bottes d’Israël, et si Israël remet ses projets d’intervention militaire contre l’Iran, évidemment on comprend pourquoi, profitant de l’affaiblissement de l’Iran dans la gestion de la crise syrienne, ça veut dire qu’ils vont entraîner la France dans cette guerre ? Il faut absolument que la diplomatie française puisse rééquilibrer et recentrer les choses en rehiérarchisant les intérêts, à commencer par privilégier les intérêts de la France sur le dossier syrien au Proche-Moyen-Orient avant de prendre en compte les intérêts d’Israël.
Très bonne analise, qui resumant, veut dire qui la France est en train d´ entrer dabs un chemin sans retoiur. Les sionnistes d´ Israel et Etdas Unis, ont besoin de la France pour terminer les plans de domination du Moyen Orient, en terminant les republiques nationalistes unififiés . L ´Iraque, Lybie, maintenaint Syrie et Iran, pour plus tard terminer dans les républiques de l ´ex URSS et la Féderation Russe, redessinant de nuveuax pays, créant des régions autonomes financièremnt et melitairement parlant. Le Liban et divisé en plusieurs régions, ce qui a afaibli le Liban comme pays. LÇ ´Iraque aussi, la Libie, l Syrie et l ´Iran ce seront les prochains, pour terminer après avec la Turquie, Républiques islamistes Russes….etc..etc..en séparant les régions par étnies et religions, La désestabilisation de ces pays, servirá à l ´Europe et amérique, de prendre compte de leurs écomomies et interets géo-politiques. L´ encverclement de la Russie et de la Chine, s´ accentue lprogressivement, pour un jour ou l ´autre, les sionnistes americans/Israel, donner un écheck-mate à la Russie et à la Chine, avec un bloquéo economique de toutes les nations liés à l ´amérique et Europe occidentlal.
La Russie t la Chine, savent déjà qui les Etas Unis et L´ Europe occidental ( Nato), ne sont plus en train de jouer une simple démocratisation, mais un jeu de domination géo-politique a déclancér dans l ´avenir. Ca c´ est le prennonce de la 3. guerre mondiale, cas l ´occident ne change pas ces plans……