TIRS DE SOMMATION .
août 22, 2012
Lakhdar Brahimi est dans la même situation que Kofi Annan : on lui demande d’être un alibi pas un médiateur. Kofi Annan ne l’a pas accepté. Il reviendra à Lakhdar Brahimi de décider quelle partition il va jouer. C’est son image qui est en jeu. Et un peu celle de l’Algérie.
M. Saadoune
L’absence d’autonomie du CNS ne dispense pas de prendre au sérieux ses admonestations car il est devenu, de facto, le «messager» des exigences des monarchies du Golfe et des Occidentaux. En l’occurrence, le message transmis par Doha, Ryadh et les capitales occidentales est clair et net : Lakhdar Brahimi doit exiger le départ de Bachar Al-Assad comme un «préalable» pour accomplir sa mission. En demandant à Lakhdar Brahimi de «s’excuser» pour ne pas avoir dit que Bachar Al-Assad «doit partir», le CNS lui dicte les exigences des capitales occidentales et arabes impliquées dans le conflit syrien. C’est un tir qui risque d’être suivi par d’autres. Officiellement, tout le monde, Occidentaux, Arabes, Russes, Chinois et? Damas, soutient la mission de Lakhdar Brahimi. Mais nul n’ignore que c’était aussi «officiellement» le cas pour Kofi Annan. Et que si ce dernier a «échoué», c’est uniquement parce qu’il a sérieusement pris sa mission de «médiateur» au sens le plus juste du mot.
L’attaque préventive du CNS est destinée à lui signifier, au «nom du peuple syrien», qu’il ne doit pas prendre au sérieux le terme de «médiateur». Lakhdar Brahimi est un diplomate retors mais il est déjà aux prises avec des médias en guerre qui tronquent des bouts de phrases et les sortent de leur contexte. Il a rétorqué vertement sur Al-Jazira aux gens du CNS en indiquant qu’il avait vu leur représentant et qu’ils n’avaient pas formulé d’exigences particulières. Il a mis en exergue le fait que la situation était trop grave et trop sérieuse pour qu’elle soit traitée par le biais des médias. Et surtout face à Al-Jazira qui s’est faite le porte-parole des exigences de «garanties » du CNS, il a été très sec avant de couper la ligne devant la journaliste : «Cette affaire est très importante, trop importante pour que j’en parle sur Al-Jazira ou sur d’autres médias. Choukrane jazilane et maa essalama».
Le diplomate algérien a désormais un avant-goût de ce qui l’attend. Le CNS a formulé, de manière délibérément agressive, ce que les Occidentaux et les émirs du Golfe attendent de lui. Il sait pertinemment, et cela n’a rien d’un mystère, que le départ de Bachar Al-Assad «fait partie» de la solution politique. Mais exiger ce départ comme un «préalable» à la négociation rend justement impossible la solution politique et ligote littéralement l’action du médiateur. C’est, à l’évidence, le but recherché par l’attaque téléguidée menée par le CNS. Lakhdar Brahimi est dans la même situation que Kofi Annan : on lui demande d’être un alibi pas un médiateur. Kofi Annan ne l’a pas accepté. Il reviendra à Lakhdar Brahimi de décider quelle partition il va jouer. C’est son image qui est en jeu. Et un peu celle de l’Algérie.
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