Un enfant est mort…
Le Président des Etats-Unis, M. Barack Obama, est en larmes.
« Ils avaient la vie devant eux… »
Le Président de la République française, M. François Hollande, a éprouvé un « choc profond » et s’est dit « horrifié« . Son ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, a tout de suite exprimé sa « solidarité » et « présenté ses » ses condoléances aux familles des victimes et à leurs proches« .
Le premier ministre anglais, David Cameron, a « le cœur brisé » par le « destin volé » de jeunes enfants qui « avaient encore toute la vie devant eux« .
Le premier ministre du Canada, Stephen Harper, « prie » pour les familles « touchées par cette violence insensée« .
La chancelière d’Allemagne, Mme Angela Merkel a constaté, un peu platement, il faut le reconnaître, que « juste avant Noël » cet évènement a provoqué « un chagrin indescriptible à de nombreuses familles » . Et après Noël, cela aurait été moins grave?
La responsable de la diplomatie européenne, Mme Catherine Ashton a fait part de son « choc » et a informé les familles qu’elle « pensait » aux victimes.
Quant au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, il a éprouvé, lui aussi, un « choc profond et une horreur » de ce que « de jeunes vies porteuses d’espérance ont été détruites« .
Même sa sainteté le pape Benoît XVI, « informé rapidement » par le Saint Esprit, a fait part de son « chagrin sincère et de l’assurance de sa proximité en prière avec les victimes et leurs familles et toutes les personnes affectées par cet évènement choquant« .
Les amis et les soutiens de l’héroïque population de Gaza, enfermée, martyrisée, bombardée par les moyens les plus perfides et les plus cruels par l’allié et grand ami des personnalités citées ci-dessus – MM. Obama, Hollande Cameron, Harper et de Mmes Merkel et Ashton – expriment leurs remerciements émus et chaleureux pour ces marques de soutien éplorées aux familles palestiniennes cruellement endeuillées.
Grâce à tous ces « chocs« , les écailles leur sont enfin tombées des yeux. Alleluiah.
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Le spectacle des vassaux de l’empire faisant assaut de manifestations d’empathie avec des formules presque identiques présente un spectacle dérangeant. La petite troupe des belliqueux otaniens aura-t-elle un jour le minimum d’honnêteté intellectuelle et morale pour se souvenir que tous les enfants sont précieux, que tous les enfants méritent leur sollicitude et leur protection, que la chair délicate et fragile d’un enfant palestinien est identique que celle d’un enfant américain, que le chagrin des parents n’est pas différent à Gaza ou aux Etats-Unis? Le Moloch impérial américain n’a-t-il pas osé proclamer, par la bouche fardée de Mme Albright, que la mort de cinq cent mille enfants irakiens n’était pas un prix exorbitant à payer pour le départ de Saddam Hussein?
Comme l’écrit le si pétulant vieillard qui, du fond de son palais vaticanesque représente un milliard et demi de fidèles du grand prophète qui prônait l’amour pour tous les humains, le très saint Père Benoît XVI dans son message de condoléances : « La force spirituelle triomphe toujours de la violence par le pouvoir du pardon, de l’espoir et de l’amour« . Face au pouvoir de la force, encore faudrait-il donner au moins une parole de vérité à la fameuse « force spirituelle » et dénoncer fortement et avec énergie, ce qui mérite de l’être et non se contenter de raser les murs – le mur – au sens propre, comme ce fut le cas lors de la récente promenade pontificale en Palestine occupée.
Au moins les coups de feu du tueur de Newton auront réveillé le successeur de Saint Pierre et l’auront sorti du profond sommeil dans lequel l’avait laissé le vacarme de centaines de bombes et de missiles explosant nuit et jour, et durant une semaine entière, dans le camp de concentration de Gaza. « Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre« , n’est-il pas vrai?
Sous n’importe quelle latitude, sous n’importe quelle longitude, la mort d’un enfant – surtout lorsqu’elle est provoquée par la bêtise, l’âpreté au gain, l’esprit de domination, un colonialisme barbare – est une tragédie sans nom et ses parents sont aussi inconsolables à Gaza qu’à Newton.
Mercredi 14 novembre, une bombe israélienne pulvérise la maison du journaliste Jihad Misharawi située dans une banlieue résidentielle de Gaza. Son fils de 11 mois, Omar est tué ainsi que la belle-soeur du journaliste. Les parents, à la sortie de l’hôpital, le corps de leur plus jeune fils dans les bras.
Ignorer le calvaire des centaines de milliers d’enfants palestiniens, irakiens, afghans, syriens, libyens, somaliens pulvérisés, carbonisés et mutilés par les milliers d’obus contenant de l’uranium appauvri, du phosphore, du napalm et autres monstruosités, et ne se répandre en lamentations que sur le fait divers, certes dramatique et auquel tout le monde compatit – mais qui vient après tant d’autres faits divers de même nature – d’enfants américains, est une insulte aux victimes d’une politique néo-coloniale conduite par ces mêmes dirigeants avec le plus profond cynisme. Elles infligent une blessure supplémentaire aux parents des victimes de la barbarie et à l’ensemble des peuples de la région. Soyons en sûrs, ils ressentent douloureusement ce nouveau « deux poids deux mesures » dans l’expression des condoléances et ne l’oublieront pas.
Barack Obama (à gauche) et Benjamin Netanyahou (à droite) font pénitence et demandent à leur Tout-Puissant respectif de leur pardonner leurs crimes (mais est-ce possible?)
Les exploits des Tartuffes occidentaux en Palestine
Massacre des quatre enfants de la famille Dalou dans leur maison bombardée
Contrairement à l’assassin des enfants américains de la petite école de Newton, le commanditaire des assassinats d’enfants palestiniens ne s’est pas suicidé. Il pourra donc comparaître un jour devant le Tribunal pénal international.
Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, lors d’une conférence de presse jeudi 15 novembre 2012, au cours de laquelle il a assuré que l’Etat hébreu allait « continuer à mettre en œuvre toute action nécessaire pour défendre sa population ». DANIEL BAR-ON / AFP
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Chanson dans le sang
Jacques Prévert
Il y a de grandes flaques de sang
sur le monde
où s’en va-t-il tout ce sang répandu?
Est-ce la terre qui le boit et qui se
saoule? (…)
Petit garçon de Gaza nettoyant une mare de sang et de morceaux d’entrailles
Elle tourne la terre
elle tourne avec ses arbres…
ses jardins…
ses maisons…
elle tourne avec ses grandes flaques de sang
et toutes les choses vivantes tournent avec elle
et saignent…
Elle elle s’en fout
la terre
elle tourne et toutes les choses vivantes se mettent à hurler
elle s’en fout
elle tourne elle n’arrête pas de tourner
et le sang n’arrête pas de couler…
Où s’en va-t-il tout ce sang répandu
le sang des meurtres…
le sang des guerres…
le sang de la misère…
et le sang des hommes torturés dans les prisons…
(…)
Le sang coule…
la terre tourne
la terre n’arrête pas de tourner
le sang n’arrête pas de couler
Où s’en va-t-il tout ce sang répandu
le sang des matraqués…
des humiliés…
des suicidés…
des fusillés…
des condamnés…
et le sang de ceux qui meurent comme ça…
par accident.
Dans la rue passe un vivant avec tout son sang dedans
soudain le voilà mort
et tout son sang est dehors
et les autres vivants font disparaître le sang
ils emportent le corps
mais il est têtu le sang
et là où était le mort
beaucoup plus tard
tout noir
un peu de sang s’étale encore…
sang coagulé rouille de la vie rouille des corps
(…)
la terre qui tourne avec ses arbres…
ses vivants…
ses maisons…
la terre qui tourne avec les mariages…
les enterrements…
les coquillages…
les régiments…
la terre qui tourne et qui tourne
et qui tourne
avec ses grands ruisseaux de sang.