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Washington peut-il renverser trois gouvernements à la fois ?


Washington peut-il renverser trois gouvernements à la fois ?

26/02/2014
Obama, prix Nobel de la Paix? mais oui, mais oui!

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par Thierry Meyssan
La puissance d’un État se mesure à sa capacité à se défendre et à celle
d’attaquer sur un ou plusieurs fronts. Dans cette optique, Washington tente
pour la première fois de montrer qu’il peut renverser trois gouvernements
simultanément, en Syrie, en Ukraine et au Venezuela. S’il y parvenait
personne ne serait plus en mesure de lui résister.
Réseau Voltaire | Damas (Syrie) | 23 février 2014

Depuis quand les révolutions sont-elles soutenues par l’impérialisme ?
Washington, qui a échoué en 2011 à bombarder simultanément la Libye et la
Syrie, est en train de tenter une nouvelle démonstration de sa force :
organiser des changements de régime dans trois États à la fois, dans des régions
du monde différentes : la Syrie (CentCom), l’Ukraine (EuCom) et le
Venezuela (SouthCom).
Pour ce faire, le président Obama a mobilisé presque toute l’équipe de son
Conseil de sécurité nationale.

D’abord la conseillère Susan Rice et l’ambassadrice à l’ONU, Samatha
Power. Ces deux femmes sont des championnes du parler « démocratique ». Elles se
sont fait une spécialité, depuis de nombreuses années, de préconiser
l’ingérence dans les affaires intérieures des autres États sous prétexte de
prévenir des génocides. Mais derrière ce discours généreux, elles se moquent
des vies non-états-uniennes comme l’a montré Mme Power lors de la crise des
armes chimiques de la ghoutta. L’ambassadrice, qui connaissait parfaitement
l’innocence des autorités syriennes, était partie avec son époux assister
en Europe à un festival de cinéma consacré à Charlie Chaplin, tandis que son
gouvernement dénonçait un crime contre l’humanité dont il rendait
responsable le président el-Assad.

Puis, les trois responsables régionaux : Philip Gordon (Proche-Orient et
Afrique du Nord), Karen Donfried (Europe et Eurasie) et Ricardo Zuñiga
(Amérique latine).

Phil Gordon (ami personnel et traducteur de Nicolas Sarkozy) a organisé le
sabotage de la Conférence de paix de Genève 2, tant que le dossier
palestinien ne serait pas réglé à la manière US. Durant la seconde session de la
conférence, alors que John Kerry parlait de paix, il réunissait à Washington
les chefs des services secrets jordaniens, qataris, saoudiens et turcs
pour préparer une énième attaque. Les comploteurs ont réuni une armée de 13
000 hommes, dont seul 1 000 ont reçu une brève formation militaire, pour
conduire des blindés et prendre Damas. Le problème est que la colonne risque
d’être détruite par l’Armée syrienne avant d’arriver sur la capitale. Mais
ils ne parviennent pas à s’entendre sur la manière de la défendre sans
distribuer des armes anti-aériennes qui puissent ultérieurement servir contre
Israël.
Karen Donfried est l’ancienne officier national de renseignement pour
l’Europe. Elle a longtemps dirigé le German Marshall Fund à Berlin.
Aujourd’hui, elle manipule l’Union européenne pour masquer l’interventionnisme de
Washington en Ukraine. Malgré la fuite d’une conversation téléphonique de
l’ambassadrice Victoria Nuland, elle est parvenue à faire croire aux Européens
que l’opposition à Kiev voulait les rejoindre et se battait pour la
démocratie. Pourtant, plus de la moitié des émeutiers de la place Maidan sont
membres de partis nazis et arborent des portraits du Collaborateur Stepan
Bandera.
Enfin Ricardo Zuñiga est le petit fils du président homonyme du Parti
national du Honduras qui organisa les putschs de 1963 et de 1972 en faveur du
général López Arellano. Il dirigea la station de la CIA à La Havane où il
recruta des agents et les finança pour former l’opposition à Fidel Castro. Il
a mobilisé l’extrême gauche trotskiste vénézuélienne pour renverser le
président Nicolás Maduro, accusé d’être stalinien.

L’ensemble des opérations est médiatisé sous la houlette de Dan Rhodes. Ce
spécialiste de la propagande a déjà écrit la version officielle du
11-Septembre 2001, en rédigeant le rapport de la commission d’enquête
présidentielle. Il a réussi à faire disparaître toute trace du coup d’État militaire
(le pouvoir a été retiré des mains de George W. Bush vers 10h du matin et ne
lui a été restitué que le soir ; tous les membres de son cabinet et ceux du
Congrès ont été placés dans des bunkers sécurisés pour « garantir leur
sécurité ») pour que l’on ne se souvienne que des attentats.
Dans les trois cas, la narration US repose sur les mêmes principes :
accuser les gouvernements d’avoir tué leurs propres citoyens, qualifier les
opposants de « démocratiques », prendre des sanctions contre les « meurtriers »,
et en définitive opérer des coups d’État.
Chaque fois, le mouvement débute par une manifestation au cours de
laquelle des opposants pacifiques sont tués, et où les deux camps s’accusent des
violences. En réalité des forces spéciales US ou de l’Otan, placées sur les
toits, tirent à la fois sur la foule et sur la police. Ce fut le cas à
Deraa (Syrie) en 2011, à Kiev (Ukraine) et à Caracas (Venezuela) cette semaine.
Manque de chance, les autopsies pratiquées au Venezuela montrent que deux
victimes, un opposant et un pro-gouvernement, ont été tuées par la même
arme.
Qualifier les opposants de démocratiques est un simple jeu rhétorique. En
Syrie, ce sont des takfiristes soutenus par la pire dictature de la
planète, l’Arabie saoudite ; en Ukraine quelques pro-européens sincères entourés
de nombreux nazis ; au Venezuela de jeunes trotskistes de bonnes familles
entourés de milices patronales. Partout le faux opposant US, John McCain,
vient apporter son soutien aux vrais et faux opposants locaux.
Le soutien aux opposants incombe à la National Endowment for Democracy
(NED). Cette agence du gouvernement états-unien se présente mensongèrement
comme une ONG financée par le Congrès. Mais elle fut créée par le président
Ronald Reagan, en association avec le Canada, le Royaume-Uni et l’Australie.
Elle est dirigée par le néoconservateur Carl Gershman et la fille du général
Alexander Haig (ancien suprême commandeur de l’Otan, puis secrétaire
d’État), Barbara Haig. C’est la NED (en réalité le département d’État) qui
emploie le sénateur d’« opposition » John McCain.
À ce dispositif, il faut ajouter l’Albert Einstein Institute, une « ONG »
financée par l’Otan. Créé par Gene Sharp, il a formé des agitateurs
professionnels à partir de deux bases, en Serbie (Canvas) et au Qatar (Academy of
change).
Dans tous les cas Susan Rice et Samantha Power prennent des airs outragés
avant d’arrêter des sanctions —bientôt relayées par l’Union européenne—,
alors qu’elles sont les commanditaires des violences.
Reste à réussir les coups d’État. Et ce n’est pas gagné.

Washington tente ainsi de montrer au monde qu’il est toujours le maître.
Pour être plus sûr de lui-même, il a lancé les opérations ukrainiennes et
vénézuéliennes durant les Jeux Olympiques de Sotchi. Il était certain que la
Russie ne bougerait pas de peur de voir sa fête troublée par des attentats
islamistes. Mais Sotchi a pris fin ce week-end. C’est désormais au tour de
Moscou de jouer.

Thierry Meyssan

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