merci pour cet article très intéressant que nous n’avons pu nous empêcher de commenter.
Le programme universitaire allemand de « culture de la sécurité » n’est ni plus ni moins que de l’ethno-sociologie embarquée [1]. C’est à la mode et cela vient des Etats-Unis où ils appellent cette chose de la « Embedded Anthropology ». Pratiquement, des anthropologues contractés se rendent sur le « terrain » (Afghanistan, Irak, etc.), fréquentent au jour le jour les bases militaires et leur personnel, embarquent « à bord » des véhicules (avions, chars, etc.) en compagnie des soldats. Cette proximité (« em-bed-ded » signifie littéralement « mise au lit », inséré, encastré…) est plus qu’une simple cohabitation professionnelle (« in bed with », au lit avec). C’est de fait une complicité dans le crime.    

Nous avions découvert ce scandale par nous-mêmes en 2007 par le biais d’une annonce publiée par la « prestigieuse » American Association of Anthropologists (AAA). Le sujet n’est pas passé non plus inaperçu pour Maximilian Forte qui a commenté et reproduit l’annonce sur son site [3]. L’« offre d’emploi » recherchait des anthropologues (parlant arabe, connaissant le Moyen-Orient) et un extrait de la « mission » se lisait ainsi:

« In addition to drawing upon their own experience and expertise, field social scientists, as members of a Human Terrain Team, will leverage the available body of relevant scholarly literature and gather additional data from a variety of sources operating in theatre (conventional military patrols, non-governmental organizations, international organizations, civil affairs units, special forces, etc.). The teams assist commanders in understanding the operational relevance, or ‘so what?’ of socio-cultural information as it applies to the military decision-making process. The expectation is social scientist’s evaluation of the human terrain will allow the commander to make decisions that are more effective in reducing support for the insurgency and increasing support for host nation government and forces. »[2]

Le jargon « sécuritaire » utilisé ci-dessus (comme dans le projet allemand de « culture de la sécurité »[1]) se traduit par le souhait de voir ces « experts » en sciences sociales –nous citons- : « assister les commandants dans la compréhension de la pertinence opérationnelle, autrement dit le « Qu’est-ce qu’on fait ?», de l’information socioculturelle telle qu’elle s’applique à la procédure militaire de prise de décision… »[2]

Le mot-clé «So-what?»(« Qu’est-ce qu’on fait maintenant?») lequel résume en fait le projet, signifie entre autres: «On tire ou on tire pas ?». En bref, ce sont donc les « analyses » des anthropologues embarqués qui vont déterminer si des femmes et des hommes en Afghanistan et en Irak doivent ou non mourir…

En avril 2009, la radio BBC a consacré une émission à ce sujet, signalant notamment que trois chercheurs avaient péri dans ce type d’opération et que l’AAA jugeait l’initiative « non éthique » [4]…

Par le passé, les peuples opprimés du monde, du Vietnam à l’Algérie, ne s’y sont pas trompés quand ils ont assimilé les anthropologues aux colonisateurs eux-mêmes. En France, des chercheurs honnêtes (Gérard Leclerc, Alain Ruscio, Jean Coppans, etc.) ont rétabli nombre de vérités historiques dans ce domaine. Et voilà qu’aujourd’hui, cette ancienne « liaison dangereuse » (ou inéluctable ?) resurgit discrètement aux Etats-Unis et dans les centres urbains d’Allemagne…

 ________

[1] En violation de sa propre charte, l’Université de Francfort mène des programmes de recherche sur la répression des soulèvements et le refoulement des réfugiés. Tlaxcala, 13 mars 2013. Traduit par Michèle Mialane. Original ’”Forschung für Aufstandsbekämpfung und Flüchtlingsabwehr an der Frankfurter Universität” http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=9317

http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=9419

[2] « Social Scientist-Cultural Anthropologist » (annonce). American Association of Anthropologists, 8 Nov 2007.

http://careercenter.aaanet.org/jobdetail.cfm?job=2725095

[3] Job Ads for Counterinsurgency Support on AAA Website? 11 Nov. 2007 by Maximilian Forte

http://zeroanthropology.net/2007/11/11/job-ads-for-counterinsurgency-support-on-aaa-website/

[4] BBC Radio 4.Anthropology at war. 24 April 2009, 11:00.

“Mark Whitaker reports from Washington DC on the recent policy of the United States army to embed anthropologists and other social scientists with combat brigades in Iraq and Afghanistan. The hope is that they will teach the military to behave in more ‘culturally appropriate’ ways and reduce the need for lethal force. However, three young academics have died during the 18 months that the policy has been operation, and the American Anthropological Association has condemned the initiative as unethical.” http://www.bbc.co.uk/programmes/b00jvdh8

Les Pacifistes de Tunis

http://www.mathaba.net/authors/pacifistes/