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Guerre en Ukraine: des Syriens souhaitent se battre dans les deux camps adverses


Publié par Gilles Munier sur 11 Mars 2022, 09:06am

Catégories : #Syrie, #Ukraine

Texte par Paul Khalifeh, correspondant de RFI à Beyrouth (revue de presse : Radio France International – 9/3/22)*

Selon diverses sources, des combattants syriens seraient recrutés pour participer à la guerre en Ukraine aux côtés de l’armée russe ou des forces ukrainiennes. RFI a rencontré, au Liban, des réfugiés syriens qui souhaiteraient se battre dans les deux camps adverses.

Ce n’est pas un secret. Des dizaines de milliers de combattants étrangers affluent vers l’Ukraine pour prendre part aux combats dans un camp ou dans l’autre. Les autorités ukrainiennes ont officiellement appelé ceux qui souhaitent freiner l’armée russe à se rendre en Ukraine pour s’enrôler dans des « brigades internationales ». Ces volontaires viennent surtout d’Europe, mais aussi des États-Unis et de pays d’Amérique latine.

Ces derniers jours, des informations ont commencé à circuler sur la participation à la guerre de combattants recrutés en Syrie par les deux parties en conflit. La question semble assez sérieuse pour qu’elle soit évoquée par l’ambassadeur de Chine au Conseil de sécurité de l’ONU, mardi 8 mars.

Il faut éviter « de mettre de l’huile sur le feu », a déclaré Zhang Jun. « Envoyer des mercenaires ou des armes offensives en Ukraine pourrait faire empirer la situation », a prévenu le diplomate.

Interrogé sur les informations faisant état du recrutement de Syriens par la Russie, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a indiqué lors de son point de presse quotidien ne pas être en mesure de les confirmer. « Ce conflit n’a pas besoin que plus de gens viennent de l’extérieur », a-t-il toutefois souligné.

La Russie recruterait des spécialistes de la guerre urbaine

Le 6 mars, le très sérieux Wall Street Journal (WSJ) a publié un article faisant état d’opérations de recrutement par la Russie de combattants syriens. Citant « quatre officiels » américains, le WSJ écrit que les forces russes présentes en Syrie depuis 2015 s’emploient à recruter des combattants syriens afin de profiter de « leur expertise dans les combats urbains pour la prise de Kiev ». Selon le journal, la solde de ces recrues, dont le nombre n’est pas précisé, s’élèverait entre 200 et 300 dollars.

« Nous croyons que les informations selon lesquelles ils (les Russes) recrutent des combattants syriens pour étoffer leurs forces en Ukraine sont véridiques », a affirmé à la presse, mardi 8 mars, le porte-parole du ministère américain de la Défense, John Kirby.

Le 4 mars, les services de renseignement russes avaient accusé les forces américaines d’avoir transformé leur base d’al-Tanaf, située dans le triangle frontalier syro-irako-jordanien, en « camp d’entraînement pour des terroristes de Daech (groupe État islamique) en prévision de leur déploiement » sur le théâtre d’opération ukrainien. Ce rapport des renseignements russes, publié dans de nombreux médias, ajoute que « les Américains ont libéré, fin 2021, des dizaines de membres de Daech originaires de Russie et de la Communauté des États indépendant (CEI, comprenant d’ex-Républiques soviétiques) puis les ont envoyés à Tanaf pour y suivre un entraînement avant de les déployer dans le Donbass ».

La chaîne de télévision panarabe basée à Beyrouth, al-Mayadeen, a rapporté, mardi 8 mars, que 450 combattants provenant de Syrie sont déjà arrivés en Ukraine via la Turquie pour se battre aux côtés de l’armée ukrainienne.

Citant des sources russes, ce média proche de Damas et de Téhéran affirme que ces combattants viennent du Parti islamique du Turkestan (composé d’islamistes extrémistes d’Asie centrale et de Chine), d’Ansar al-Tawhid (Les partisans de l’unification) et de Hurras al-Dine (les Gardiens de la religion), tous deux proches d’al-Qaïda.

Ce contingent de 450 combattants comprendrait 300 Syriens et 150 hommes de nationalités asiatiques, dont des Ouïghours chinois. Leur solde s’élèverait à 1 500 dollars par mois, selon al-Mayadeen. Dans la guerre de l’information sans merci à laquelle se livrent les belligérants du conflit, il est difficile de vérifier l’authenticité et l’exactitude de ces renseignements.

Une chose est certaine, aussi bien dans les zones gouvernementales que dans les régions échappant au contrôle du pouvoir de Damas, la population syrienne vit au rythme de cette guerre qui se déroule à 2 500 kilomètres de leur pays.

Les Syriens rattrapés par le conflit

Des panneaux représentant Vladimir Poutine et son homologue syrien Bachar el-Assad se serrant la main ont fait leur apparition dans les grandes villes syriennes et sur les principaux axes routiers. Dans la province d’Idleb, dans le nord-ouest du pays, contrôlée par des jihadistes et des rebelles pro-turcs, des banderoles dénonçant « la barbarie russe » foisonnent.

L’intérêt pour la guerre en Ukraine a gagné la communauté syrienne du Liban, qui accueille depuis 2011 plus d’un million de réfugiés de la Syrie voisine. « Je veux trouver le moyen de me rendre en Ukraine pour aller en découdre avec les Russes qui ont détruit ma maison », déclare à RFI Raëd, un ouvrier en bâtiment d’une trentaine d’années, originaire de la province centrale de Hama et installé au Liban depuis sept ans. « Vous n’avez pas un contact à l’ambassade d’Ukraine ? », se hasarde-t-il.

Ezzo acquiesce d’un mouvement de tête. « Je compte me rendre à Tripoli (Nord-Liban) auprès d’une ONG turque pour me renseigner », affirme ce chauffeur de pelleteuse.

La discussion s’anime autour d’un feu improvisé pour se protéger du froid. « Si vous voulez vous farcir des Russes, pourquoi aller si loin, ils sont juste à côté, en Syrie. Dites plutôt que vous êtes intéressés par les dollars frais. Moi, si je devais y aller, c’est pour me battre avec les Russes qui nous ont débarrassé de Daech », lance Ghazwan, partisan du gouvernement syrien.

La majorité des réfugiés syriens rencontrés penchent du côté de l’Ukraine. Si la plupart se contentent d’exprimer leur solidarité, certains sont résolus à trouver un moyen pour rejoindre le champ de bataille.

*Source : RFI

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