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France-Syrie: diplomatie stupidement manichéenne


Jean BonneveyJuppé au secours des Islamistes et des journalistes militants

La diplomatie française est borgne. Elle ne voit que d’un œil qui est, de plus, affecté d’une vision faible et trouble. Dans tous les évènements  assimilés au «printemps arabe» et qui débouchent, comme le remarquent tant d’autres après nous, qui l’avions annoncé, sur des « hiver islamiques », la diplomatie française se range, chaque fois, du côté des rebelles, contre les pouvoirs en place. 

 

Comme si, face à des dictateurs ou dirigeants autoritaires, il ne pouvait y avoir que des démocrates. Ce simplisme imbécile, et fatal, a été pratiqué en Tunisie, en Egypte, puis en Lybie. Chaque fois, il a été démenti par les faits. Cela ne fait rien. On continue. Et tant pis si les conséquences s’annoncent encore pire en Syrie qu’en Libye.

 

Juppé doit se trouver cohérent. Il n’est que rigide, « droit dans ses bottes », comme toujours, mais coulé dans le béton de ses certitudes. Il n’a pas changé. A son arrivée à Tunis, pour une drôle de conférence des « amis de la Syrie» qui aurait du s’intituler les « ennemis d’Assad », le ministre des Affaires étrangères a déclaré : «nous considérons le Conseil national syrien comme l’interlocuteur légitime», sans s’engager cependant sur une reconnaissance formelle.

 

Une « communauté internationale » bancale et contestée

Il ne faut pas désespérer, elle viendra. Or, tout le monde sait que les combattants insurgés sont disparates, divisés et infiltrés par les Islamistes et notamment, Al Qaïda, qui arrive en masse dans le pays, par l’Irak. Les pays réunis à Tunis, auto-proclamés comme toujours « communauté internationale », malgré l’absence de la Russie et de la Chine, ont demandé de nouvelles sanctions et l’arrêt des combats, ou plutôt de la répression. 

 

Le Qatar lui, comme toujours, préconise une intervention dont le but non avoué est de mettre au pouvoir à Damas les fondamentalistes sunnites financés et liés à la très inquiétante monarchie du Golfe au dépend des allouâtes. Une approche qui ne fait pas l’unanimité dans l’opinion arabe.

 

Les policiers tunisiens ont repoussé, à coups de matraque, des centaines de manifestants syriens et tunisiens qui tentaient de pénétrer dans l’hôtel de la conférence internationale sur la Syrie. «Non au Congrès des ennemis de la Syrie et des ennemis de la nation arabe!», «C’est un congrès pour les intérêts américains et sionistes», criaient les manifestants. Juppé n’a rien entendu.

 

Bachar al-Assad n’est pas prêt à quitter le pouvoir et estime qu’il bénéficie d’un important soutien en Syrie, selon un député russe, qui a rencontré le président syrien à Damas. Cet aspect des choses est-il pris en compte par notre si morale diplomatie ?

 

Le chef de la diplomatie française a, d’autre part, appelé solennellement les autorités de Damas à permettre l’évacuation des journalistes bloqués à Homs, particulièrement la Française Edith Bouvier. Alain Juppé a fait part de son «inquiétude pour les journalistes emprisonnés à Homs», en précisant que des discussions étaient en cours avec le Croissant-Rouge et la Croix-Rouge. Des prisonniers qui sont, tout de même, rentrés clandestinement dans leur cellule. En réalité, centre de communication pour la propagande de leur cause, improvisé par les insurgés.

L’ambassadeur de France à Damas, Eric Chevallier, a regagné son poste d’urgence, plus de deux semaines après avoir été rappelé pour consultations à Paris, en raison de la répression. Un retour qui n’est pas officiellement lié au rapatriement des journalistes; ce que personne ne peut croire. Ce retour en demandeur est un succès pour Damas.

 

Les journalistes parfois plus militants que témoins

Cela pose la responsabilité du comportement de nos journalistes, dans certains conflits. Ce n’est pas la première fois. Otages ou blessés, ils compliquent les choses et mettent la France en difficulté, toujours pour la bonne cause certes, mais au mépris de certaines règles déontologiques tout de même. Juppé a donc avoué avoir «demandé à Damas d’organiser l’évacuation» de la journaliste française blessée à Homs, lors d’un bombardement de cette ville du centre de la Syrie. L’Américaine Marie Colvin, grand reporter du Sunday Times, et le Français Rémi Ochlik, photographe de guerre, ont été tués  dans le pilonnage d’une maison transformée en centre de presse, dans le quartier de Baba Amr à Homs. La journaliste française Edith Bouvier et le photographe indépendant britannique Paul Conroy ont, également, été blessés dans ce bombardement. Ils ont, tous les deux, demandé leur évacuation dans des vidéos.

 

Le régime syrien a rejeté toute responsabilité dans la mort des deux journalistes étrangers tués. Il estime que les reporters sont entrés sur le territoire, « sous leur propre responsabilité ». Cependant, le gouverneur de Homs a été mandaté pour aider à l’évacuation. Damas a une occasion de se donner le beau rôle, pour une fois. Car les journalistes se sont mis dans un piège, volontairement, pour couvrir les insurgés au plus prêt par le témoignage. Mais aussi par engagement politique.

 

Philippe Gélie, un des dirigeants du Figaro :parle ainsi d’Edith Bouvier. «C’est une journaliste freelance et il est rare que nous en embauchions ans ce cas de figure. C’est l’exception. Elle est pleine de talents et a travaillé pour nous à plusieurs reprises, d’abord en Somalie. Elle travaille très bien et dans des endroits rares, rapportant des infos que les autres n’ont pas (…) Très impliquée, ce qui est une qualité qui peut parfois mettre en danger… Un regard intelligent et informé, de valeur, avec le recul qu’il faut, fiable». 

 

Voici, de l’autre côté, quelques réflexions (parfois très informées) recueillies sur les sites web de média français. «Si avant d’entrer illégalement en Syrie, particulièrement à Homs, paraît-il « en passant à travers champs » (quand on connaît Homs on peut se demander comment ils ont pu passer à travers champs (sic) à la barbe de l’armée syrienne ?), ils s’étaient demandé comment ils en sortiraient, surtout en cas d’urgence? 

 

Comme le dit un politique, « il n’est pas interdit d’être intelligent… » quand on est journaliste. Quant à Juppé, qui n’a cessé de vilipender et de traiter Bachar el Assad d’assassin, maintenant il lui demande « solennellement » de laisser évacuer ces mêmes journalistes blessés… Je ne prends parti ni pour l’un ou l’autre camp, bien que connaissant la Syrie, je considère que les médias français se laissent manipuler par les opposants (?) syriens et les supposées ONG. »

 

(…) « De mieux en mieux. Les journalistes occidentaux qui seraient entrés clandestinement en Syrie seraient aujourd’hui « emprisonnés ». Mais c’est Ubu roi. M Juppé ferait mieux de négocier sérieusement la libération de la douzaine de membres de la DGSE française faits prisonniers à Homs. Et puis, je crois sérieusement que M. Juppé a besoin de se reposer. Dans quelques semaines, cela sera possible. »

 

On souhaite, bien sûr, une fin heureuse aux journalistes piégés à Homs par leur courage, leur imprudence et leur engagement partial, mais crânement assumé. En tout cas tant que ça ne se gâte pas. Il y a, malgré tout, un problème général pour notre profession et pour ceux qui témoignent, uniquement ou presque, là où ils peuvent militer pour leurs idées politiques et leur vision idéologique des choses.

Jean Bonnevey
Le 26/02/2012

 

 

 

 

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