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J’ai honte d’être belge, d’avoir grandi dans une société qui permet ça Anissa Aliji


Anissa Aliji
10 décembre 2013

Lettre ouverte d’Anissa Aliji à destination des responsables politiques, des associations et de la population.

Je vous écris pour expliquer pourquoi j’ai commencé une grève de la faim.

Depuis le début, je suis cette occupation, j’ai vécu les défaites successives, j’ai vu les Afghans pleurer, j’ai vu la frustration… Je pense pour que bien comprendre, il faut que je retourne en arrière.

On a commencé par occuper un bâtiment à la rue du Trône, les Afghans ont commencé à manifester presque quotidiennement et le comité se formait. Et nous voilà dans la première rafle, fin septembre. J’ai été arrêtée avec eux, j’ai vu les flics taper sur des afghans qui étaient inconscients à cause des lacrymogènes. J’ai reçu du gaz lacrymogènes, je me suis ramassé des coups, j’ai vu les Afghans pleurer sans pouvoir rien faire, j’ai été avec eux aux casernes, j’ai vu la manière dont les flics se comportaient. La première confrontation à la violence policière, elle était dure. Pendant cette arrestation, les Afghans me disaient « Adieu ». Quand je suis rentrée dans les casernes, ils criaient tous  » Commandant « . Et qu’est ce qu’on a fait ? Dites le moi. Moi j’ai la réponse : RIEN, à part 4 expulsés. Je suis désolée de le dire comme ça mais c’est réel, ils jouent avec la vie des gens et nous on discute.

Par la suite, on a eu l’expulsion illégale du bâtiment rue du Trône. La police est rentrée par le toit ! Quoi, on est des terroristes ? Avons-nous a été une seule fois violents ? Qu’est-ce qu’on essaye de nous faire comprendre ? Est-ce qu’il y a eu de vraies négociations ? Ils ont proposé aux familles d’aller dans des centres de retour volontaire !

Après, on a été à la VUB, où on s’est fait très vite virer. Les sympathisants ont alors hébergé les Afghans sans logement pendant 3 jours. Et nous avons été à l’église Sainte-Croix, 45 minutes après notre arrivée les flics ont bloqué les portes. Les Afghans étaient à l’intérieur, seuls. Les flics ont dit à une sympathisante « RAUSS ». On est partis en cachette pour aller vers l’ULB. Arrivée à l’ULB, on a reçu un refus. Pour moi, c’est rien d’autre, ouvrir un bâtiment de 23h à 7h du matin pendant 3 jours, c’est pour garder la face publiquement.

Après on est repartis de l’ULB pour aller à la chaussée de Charleroi, où nous sommes restés 3 jours. Les flics ont à nouveau bloqué toutes les entrées. Les Afghans ont à nouveau eu peur, plusieurs ont pleuré. Les flics sont repartis mais on nous avait donné une échéance d’approximativement 24h car on avait mis la pression sur Charles Picqué. Le soir, j’ai vu Charles Picqué, qui m’a gueulé dessus « Il y aura une expulsion, je vous promets qu’elle sera violente si vous partez pas et ce sera vous la responsable !”.

Le soir-même, on est partis à la rue du Trône. On s’est enfermés dans le bâtiment pendant 5 jours pour éviter la confrontation avec la police. On a dormi devant la porte d’entrée pour être sûrs que les policiers ne rentrent pas. Quand on a pu se montrer, l’après-midi on avait 2 combis de police qui empêchaient l’entrée au bâtiment. Les Afghans étaient terrorisés, ils avaient peur des violences et des arrestations. Une petite gamine de 7 ans est venue me poser une question “Est-ce qu’on va encore se faire taper ?”. Vous trouvez ça normal qu’à cet âge, elle pense à ça ? J’ai réussi à négocier et les policiers sont repartis mais pas pour longtemps. Le comité a décidé de faire une action devant l’Office des étrangers, 5 personnes se sont fait arrêter et lors du rassemblement, 6 autres se sont fait arrêter. Depuis quand les policiers arrêtent les rassemblements devant le commissariat ?

La seconde rafle a été lors de la manifestation à Madou quand il y avait un débat parlementaire. Ils ont expulsé du bâtiment, et fermé les portes. Par la suite, les gens ont pu rentrer un à un. Quand je suis rentrée une policière m’a dit : “Ohhh cette salope je l’ai déjà arrêtée » et puis j’ai entendu des flics parler de « chiens » en parlant des Afghans. Par la suite, j’ai rejoint les Afghans au carrefour Arts-Loi. Je suis arrivée au moment où le commissaire Vandersmissen a essayé d’arrêter Samir. Il est reparti en nous signifiant que dans 15 min si on n’était pas partis, on serait tous arrêtés. Deux minutes chrono plus tard, on se levait tous pour partir. Et hop une nouvelle rafle !! 170 personnes arrêtées, une commotion cérébrale, plusieurs blessés, et tout ça sans bâtiment. Tous les gens que je connais qui se sont fait arrêter, ont été traumatisés. Vous auriez dû voir la violence et la haine. Un homme du cabinet Di Rupo nous a vus nous faire arrêter, et qu’est-ce que ça a changé ? Pendant que les gens étaient aux casernes, les autres devaient trouver un autre bâtiment. Ils étaient avec les femmes et enfants dans un parc sous la pluie !

On a été à la rue Vandeuren dans un bâtiment du Foyer Ixellois. Le début s’est très bien passé et on espérait même pouvoir y rester. Mais après les 24 premières heures, le foyer a commencé à dire que le bâtiment n’était pas aux normes, ce qui était faux. Ils nous ont coupé l’électricité, et le type qui est venu nous la couper nous a dit que c’était une nouvelle installation et qu’il ne comprenait pas pourquoi ils devaient la couper. Et encore une violence supplémentaire.

On est partis pour aller à la rue de la Poste, où nous avons été bien accueillis. Nous avons pu nous reposer un peu jusqu’au moment où le propriétaire a voulu nous expulser et que la commune ne savait pas nous donner des solutions,…

Maintenant, nous sommes à l’église du Béguinage, nous sommes arrivés avec des matelas et des couvertures. Au fur et à mesure, on nous a donné des tentes. Mais ce ne sont pas des conditions de vie. Pas un seul moment d’intimité, pas de douche, 2 toilettes et 1 lavabo pour tous, le froid,…. c’est comme ça qu’on traite les gens.

D’un point de vue négociation, qu’est-ce qu’on a obtenu ? Un rendez-vous chez le premier ministre qui a dit que Maggie De Bock faisait du bon boulot, deux rendez-vous chez Maggie De Block où elle nous a dit que « la loi c’est la loi » ou que le CGRA est une instance indépendante,… Dites-moi une seule chose qui a vraiment changé et qui montre aux Afghans qu’on a un minimum de respect pour eux et qu’on les traite comme des humains et pas comme des animaux. Moi, ce que je vois, c’est 3 afghans en grève de la faim au 127 bis et le directeur de l’office qui est passé…pour proposer un retour volontaire ! Non seulement ça n’avait pas de sens mais on l’a carrément vécu comme de la provocation !

Moi, ce que je vois c’est que la situation s’est gravement empirée et qu’on fait beaucoup moins qu’avant. Va-t-on laisser traiter des gens comme ça ?

Maintenant, moi j’ai décidé de dire STOP à toutes ces violences. On ne veut pas utiliser la violence contre autrui. Et le seul moyen que j’ai trouvé est de faire une grève de la faim car toute la violence qu’elle envoie se retourne contre moi. Et si je dois avoir des séquelles ou plus, je les assume parce que j’ai honte d’être belge, d’avoir grandi dans une société qui permet ça. Ce n’est pas un suicide, j’utilise la seule chose qui m’appartienne réellement, mon corps, ma santé… en gros ma vie. Et les Afghans m’ont donné une grande leçon de courage, après tout ce qu’ils ont vécu, ils sont toujours présents !
Anissa Aliji

Source : Régularisation

Lettre ouverte aux médias indépendants belges

« La Belgique est un pays démocratique avec des médias indépendants », c’est ce qu’on répète à tous citoyens.

Les médias indépendants ont pour rôle d’informer la population sans restriction, sans pression ni religieuse, ni politique, ni même idéologique et en toute liberté.

Pourtant depuis plus de trois mois, nous, le comité de soutien aux Afghans, nous nous inquiétons et nous remettons en question en question ce droit à une presse libre et indépendante.

Pourquoi nos actions ne sont-elles plus relatées dans vos médias ? Pourquoi ce mutisme quasi total de votre part ?

Dans un premier temps, vous étiez un grand nombre à venir sur place lors de nos manifestations et actions, quand celles-ci dégénéraient avec la police belge ou en prévision de ces débordements et à relater un peu de leurs et nos quotidiens dans notre lutte, même si vous n’en publiiez qu’un petit bilan. Au fil du temps, vous ne vous déplacez même plus. Pourtant rien n’a changé, on vous envoie toujours nos communiqués de presse. Pas assez de violence ou de perturbations routières ?

Nous, en tant que Belges et citoyens belges, nous nous inquiétons de cette situation que nous voyons empirer tous les jours. De ce fait, nous nous posons des questions sur cette grande indépendance que vous prônez et défendez.

En ne laissant place dans vos tribunes qu’aux politiques et non à leurs opposants, où placez-vous le pluralisme des idées ? Pourquoi ne donnez-vous pas la parole aux personnes qui critiquent le gouvernement ?
En tant que médias indépendants, c’est votre rôle et votre devoir de retranscrire la réalité et, nous vous le rappelons, sans permettre à d’autres voix de s’exprimer, c’est à la démocratie que vous vous en prenez.

Pour nous, cela ressemble à une presse sous influence du pouvoir en place. Nous accusons ce dernier de mener une politique migratoire xénophobe sans que les médias n’en relatent les crimes.
A vous de remettre la balle au centre et reprendre vos droits à une presse indépendante, libre de toute pression.

Le comité de soutien aux Afghans

Infos :
0494/594309 (Valentine)
Coordinationmedias.450afghans@gmail.com

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