la mythologie des épigones par Ahmed Halfaoui
septembre 16, 2012
http://www.lesdebats.com/editions/170912/les%20debats.htm
La nouvelle sémantique des épigones du marxisme fait florès depuis le début du «printemps» dit arabe. Ils ont trouvé les «révolutions» qui leur manquaient. Ils s’épanchent alors à n’en plus pouvoir. Nous allons en admirer quelques formules en vogue. Il y en a une qui explique le soutien apporté, aux côtés de l’OTAN et des pétromonarques, aux bandes armées. En voici le contenu : «A terme, lorsque le peuple se sera débarrassé de la tyrannie, les divisions de classe apparaîtront inévitablement dans le processus révolutionnaire».
Ces mots sont ceux d’une éminence grise de l’extrême gauche «exilée» en Europe. Il faut soit les prendre pour argent comptant, soit chercher à savoir ce qui est entendu par «peuple», soit s’efforcer d’identifier ce qui peut ressembler au «peuple» dans les milices qui font fuir le peuple, là où elles arrivent à imposer leur présence.
Ensuite, il s’agira de s’interroger sur le mode d’apparition des «divisions de classes» au sein de groupes militarisés et structurés, qui sont justement le «processus révolutionnaire», le seul visible, en dehors de la mythologie de l’Office syro-britannique des «droits de l’homme». Mais on peut le laisser rêver, car c’est bien de rêve qu’il s’agit. Preuve en est que plus loin dans le délire, évoquant les vrais acteurs de la crise syrienne, il oublie qu’il n’était question que de «peuple» et nous informe que «les dirigeants occidentaux voient d’un très mauvais œil aujourd’hui l’expansion de l’organisation Al Qaïda en Syrie». Et là, on se rend compte qu’il n’a pas le même niveau d’information du dernier quidam qui ne regarde qu’Al Jazeera.
Il nous dit que les Occidentaux envisagent «une intervention directe… uniquement en raison de leur crainte d’Al Qaïda et des groupes semblables». Ne prenant pas, vraisemblablement, en considération que les milliers de combattants islamistes ne pouvaient arriver en Syrie avec armes et bagages, en traversant toutes les frontières comme des touristes en goguette, sans la logistique qu’il faut. Et après moult sentences et fulgurances théoriques, comme celle-ci : «C’est le peuple dans toutes ses composantes de classes qui veut se débarrasser de la tyrannie», notre éminence décrète que «quiconque se considère de gauche ne peut que se ranger au côté du peuple syrien dans sa lutte contre la tyrannie».
En plus sérieux, les Etats-Unis et leur vassalités ont mis en place «une structure d’échange de renseignements et de planification», en quelque sorte un état-major chargé du pilotage, de l’orientation et de l’approvisionnement de la «révolution». Une donnée qui ne figure pas dans la problématique du «marxiste» patenté, dont le souci est moins de fournir une compréhension de la tragédie d’un peuple que de s’assurer ce confort intellectuel, indispensable au statut de «révolutionnaire de gauche» en Occident.
Quitte à appuyer, ce faisant, l’entreprise de destruction de l’un des derniers pays, qui n’agrée pas les forces du marché en plein désarroi et déchaînées. Les Syriens, eux, font face comme ils peuvent à cette «révolution». Le Daily Telegraph a rapporté que les communautés chrétiennes de la ville d’Alep ont pris les armes (fournies par l’armée régulière), pour se défendre contre les «révolutionnaires». Avec qui faut-il se ranger dans ce cas ?
Par Ahmed Halfaoui