Le représentant de Washington en Syrie : Al-Qaïda
août 11, 2012
La secrétaire d’État Hillary Clinton a lancé un avertissement mardi contre toute « tentative d’exploiter la misère du peuple syrien, en y envoyant soit des représentants soit des combattants terroristes. » Elle insiste sur le fait que ces actions ne seraient « pas tolérées ».
Bill Van Auken
Parmi ceux-ci, le plus important est l’organisation terroriste islamiste Al-Qaïda, qui est censé être l’ennemi juré de Washington.
La reconnaissance croissante, dans les milieux officiels, qu’Al-Qaïda joue un rôle décisif dans la guerre civile en Syrie dévoile à la fois la véritable nature de la tentative, soutenue par les USA, de renversement du gouvernement du Président Bachar al-Assad et le caractère frauduleux de la « Guerre contre le terrorisme » de Washington.
Ayant pendant des mois rejeté comme de la « propagande » les déclarations du gouvernement syrien que celui-ci luttait contre des terroristes d’Al-Qaïda, la grande presse et des sources proches du gouvernement américain en sont maintenant, non seulement à reconnaître le rôle de cette organisation dans les événements en Syrie, mais à le célébrer.
Les principaux réseaux de presse américains ont tous publié, lundi et mardi de cette semaine, des articles mettant en évidence la présence d’Al-Qaïda à l’intérieur de la Syrie. Ceux-ci font suite à un article paru dans le New York Times à la fin du mois dernier selon lequel Al-Qaïda opère au cœur de la soi-disant « révolution » syrienne par le biais de trois groupes : le Front de Nusra Al pour le peuple du Levant, les brigades Abdullah Azzam et la brigade des martyrs d’Al Baraa ibn Malik.
La reconnaissance la plus franche de l’importance du rôle d’Al-Qaïda est venue lundi d’un article publié sur le site internet du CFR (Council on Foreign Relations) par Ed Husain, directeur de recherche sur le Moyen-Orient et l’un des principaux analystes du CFR sur les mouvements islamistes politiques au Moyen-Orient.
Husain écrit que: « les rebelles syriens serait infiniment plus faibles aujourd’hui sans Al-Qaïda dans leurs rangs. Dans l’ensemble, les bataillons de l’armée syrienne libre (ASL) sont fatigués, divisés, chaotiques et inefficaces… Les combattants d’Al-Qaïda, quant à eux, peuvent aider à améliorer le moral. L’afflux des djihadistes apporte la discipline et la ferveur religieuse, l’expérience du combat en Irak, le financement par des sympathisants sunnites dans le Golfe et, plus important encore, une efficacité meurtrière. En bref, l’ASL a aujourd’hui besoin d’Al-Qaïda. »
La réaction des Etats-Unis ? « Jusqu’à présent, Washington semble réticent à intervenir lourdement dans cette question », écrit Husain. « La position tacite des décideurs est de commencer par se débarrasser d’Assad, d’affaiblir la position de l’Iran dans la région et de ne traiter la question d’Al-Qaïda que plus tard. »
De telles déclarations ne sont pas faites à la légère et s’appuient sur une connaissance approfondie de la politique américaine. Le Council on Foreign Relations est de tous les laboratoires d’idées de Washington celui qui a les liens les plus étroits avec le département d’État. Deux anciens secrétaires d’Etat siègent à son conseil d’administration, Colin Powell et Madeleine Albright.
Ce qui est en jeu ici ce sont des réalités politiques qui dynamitent les prétextes invoqués tout à la fois pour la guerre en Syrie et la « guerre globale contre le terrorisme », qui ont servi de justificatif pour toutes les politiques menées par les USA, au niveau international et national, depuis plus d’une décennie.
Washington mène maintenant une croisade pour la démocratie et les droits de l’Homme en Syrie. Les USA sont impliqués dans une guerre sale dans laquelle un carnage est mené contre la population syrienne comme moyen pour renverser un régime qui a des liens historiques avec Téhéran. Cela, à son tour, vise à ouvrir la voie à une guerre plus large pour éliminer l’Iran en tant que rival pour l’hégémonie régionale dans les régions riches en énergie et géo-stratégiquement vitales du golfe Persique et de l’Asie centrale.
Que l’Iran lui-même reconnaisse ces objectifs a été énoncé mardi par l’envoyé iranien Saeed Jalili, qui s’est rendu à Damas. « Ce qui se passe en Syrie n’est pas un problème interne syrien, mais un conflit entre l’axe de la résistance et ses ennemis dans la région et dans le monde », a-t-il déclaré.
Le New York Times a de même reconnu l’exactitude de cette évaluation, indiquant qu’il n’était pas « surprenant que Téhéran considère le conflit interne en Syrie dans le cadre d’une guerre internationale, avec l’Iran comme la cible ultime. » Le journal a poursuivi: « pour comprendre les racines de la paranoïa iranienne, regardez simplement une carte. L’Iran a été constamment entouré d’un réseau de bases militaires américaines dans les décennies qui ont suivi la révolution iranienne de 1979. »
Quant à Al-Qaïda, après avoir été utilisé comme épouvantail pour justifier deux guerres d’agression et un assaut radical et permanent contre les droits démocratiques aux États-Unis même, il apparaît maintenant comme la troupe de choc indispensable dans la guerre de Washington pour le changement de régime en Syrie.
Cette alliance est pratiquement la copie conforme des relations établies par la CIA et Washington quand Al-Qaïda a été fondé par Oussama Ben Laden dans les années 1980. Il fit alors transiter les combattants moudjahidines islamistes à travers la frontière pakistanaise vers l’Afghanistan, dans une guerre contre un régime soutenu par l’Union soviétique, laquelle était orchestrée par la CIA et financée avec des milliards de dollars US.
La CIA joue maintenant un rôle similaire en Syrie, supervisant une énorme opération logistique à la frontière turque. Qui pourrait croire que des djihadistes tchétchènes armés marchent à travers la Géorgie et la Turquie jusqu’en Syrie sans la collaboration active des services de renseignements des USA ?
En dépit de tous les discours sur la guerre mondiale contre le terrorisme islamiste, la réalité est que l’impérialisme des USA a utilisé de telles forces sur des décennies. L’Arabie saoudite, qui fournit ces forces et leur donne l’appui financier et idéologique nécessaire, est l’allié arabe clé de Washington. Tout au long de la Guerre froide, le gouvernement des USA a encouragé les forces violemment anticommunistes de l’Islam politique au Moyen-Orient ainsi qu’en Asie, comme moyen pour déstabiliser et renverser des régimes nationaliste et laïques et pour lutter contre le développement de mouvements socialistes.
La réponse des médias américains et de l’appareil politique dans son ensemble aux révélations sur le rôle d’Al-Qaïda en Syrie va au-delà du simple cynisme. Il exprime une désorientation politique très profonde. Dans un style orwellien, les médias de masse disent que l’ennemi mortel d’hier s’est transformé en allié d’aujourd’hui, tout cela sans sourciller ni juger utile de donner une quelconque explication. Pas un seul politicien en vue n’a semblé juger utile de s’interroger publiquement sur cette transformation.
L’alignement des intérêts de l’impérialisme américain avec ceux d’Al-Qaïda en Syrie dévoile de façon encore plus évidente le rôle réactionnaire joué par les groupes de la pseudo-gauche comme l’ISO (International Socialist Organization) lorsqu’ils apportent leur soutien à la campagne de l’impérialisme pour un changement de régime, allant même jusqu’à la présenter comme une “révolution”.
Croient-ils tous vraiment que le peuple américain ne s’apercevra de rien, après avoir été entraîné dans deux longues guerres ayant coûté la vie à des milliers de soldats américains et à des centaines de milliers de civils irakiens et afghans ainsi que des milliers de milliards de dollars, tout cela au nom de la lutte contre Al-Qaïda ? Si oui, ils se trompent lourdement. Ces révélations auront un effet explosif dans la mesure où elles démasqueront et discréditeront l’élite dirigeante américaine tout entière.
Médaillés d’honneur US pour le deshonneur et la honte =
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