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Manning et Snowden sont des lanceurs d’alerte, pas des espions


Vendredi 2 Août 2013

Jack Dion – Directeur adjoint de la rédaction de Marianne

Manifestations contre l’espionage mis en place par la NSA – Qu’un homme traqué puisse trouver asile, fut-ce temporairement, en Russie est chose originale. URSS oblige, on a longtemps été habitué au parcours inverse. Certes, Edward Snowden, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’est pas le Soljenitsyne du 21ème siècle. Reste que le sort réservé à l’ancien consultant de l’Agence de sécurité nationale NSA en dit long sur les dérives liées à l’affaire Wikileaks, confirmées par le sort réservé au soldat Bradley Manning.

Ce dernier n’a finalement pas été accusé de « trahison » ni d’ « intelligence avec l’ennemi », mais d’ « espionnage » à l’occasion de la fuite de documents secrets. La nuance est de taille. Le jeune militaire encourt la bagatelle de 136 années de prison pour les charges retenues contre lui. Il a cependant évité l’accusation la plus infâmante pour un homme qui n’a finalement fait qu’écouter sa conscience en aidant à divulguer la vérité auprès du grand public.

Car c’est bien le but qu’il poursuivait. Ni Bradley Manning ni Edward Snowden ne sont des « taupes ». Ce ne sont pas des éléments infiltrés travaillant au service d’une puissance ennemie. On se demande bien laquelle, d’ailleurs, depuis la fin de la guerre froide. Les « terroristes » ? Mais lesquels ? En quoi les révélations de Wikileaks, reprises par des journaux du monde entier, ont-elles facilité le travail d’Al Quaida ou de quelque autre officine adepte de l’attentat purificateur (ou pas) ?

Il se trouve que deux hommes impliqués, de près ou de loin, dans l’appareil militaire des Etats-Unis ont vu des comportements attentatoires aux principes démocratiques de base, même en temps de guerre. Le soldat Bradley Manning en a été le témoin direct au moment de la sale guerre d’Irak. Il est tout de même étrange que ce soit lui qui doive rendre compte alors que l’ex président Georges W. Bush dort sur ses deux oreilles dans son ranch, lui qui a des morts sur la conscience.

Ainsi va la justice américaine et elle ne va pas bien. Certes, la situation d’un militaire (Manning) ou d’un apprenti espion (Snowden) ayant choisi leur conscience contre leur devoir de réserve est toujours complexe.

Mais l’important, dans cette ténébreuse affaire, est moins leur choix individuel que ce qu’ils ont contribué à révéler. C’est vrai pour les guerres d’Irak et d’Afghanistan, mais aussi à propos des moyens mis en œuvre par les Etats-Unis pour tisser la toile de la surveillance généralisée sur toute la planète, y compris vis-à-vis de leurs alliés.

Ces deux hommes ont joué un rôle de lanceurs d’alerte. Ils ont contribué à faire connaître ce que l’opinion devait connaître. Rien que pour ça, ils méritent le respect. On n’en dira pas autant de ceux qui ont considéré Snowden comme une patate chaude à laquelle il ne fallait pas toucher, le poussant ainsi dans les bras de Poutine, qui n’en demandait pas tant.

De ce point de vue, l’épisode de l’avion du président bolivien Evo Morales interdit de survoler la France par François Hollande, sous prétexte qu’il aurait envisagé d’accorder l’asile politique, à Snowden restera dans l’histoire comme l’un des épisodes les plus spectaculaires de la diplomatie couchée. Comme disaient naguère les nostalgiques du gaullisme : « La grandeur, c’est fini ».

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