Syrie : l’étonnant rétropédalage de Paris
juin 22, 2013
Kharroubi Habib – Le Quotidien d’Oran
Laurent Fabius a fait la plus surprenante des déclarations à laquelle l’on ne pouvait s’attendre de la part de Paris. Il a tout simplement affirmé qu’il n’est plus question de fournir d’armement à la « rébellion ».
Dans le « conflit syrien », la France a très tôt plaidé pour la fourniture d’armement à la « rébellion « faisant ainsi la démonstration qu’elle se compte parmi les puissances étrangères ayant opté pour l’option militaire en tant que règlement. Paris a fait un forcing diplomatique spectaculaire pour lever les préventions internationales que suscite sa préconisation ,en raison que l’armement qui serait ainsi fourni est susceptible d’aboutir aux mains de composantes de cette « rébellion « qui affichent ouvertement leur appartenance au mouvement djihadiste international et sont classées dans la liste des organisations terroristes.
Paris semblait ne pas vouloir tenir compte de cette crainte qu’a fait naître son plaidoyer en faveur de l’armement des « rebelles » dont rien ne peut garantir effectivement qu’il aille exclusivement aux combattants anti-gouvernementaux luttant sous la bannière de « l’opposition « qui a les faveurs de l’Occident. Paris a fait un tel forcing pour faire avaliser son point de vue qu’il est apparu que les puissances occidentales ont fini par s’en convaincre comme l’ont laissé présager la décision prise par l’Union européenne de lever son embargo sur les armes à destination de la Syrie puis l’annonce par Washington que les Etats-Unis allaient fournir une aide militaire à la « rébellion » au motif que la « ligne rouge » qui conditionnait une intervention américaine de cette sorte dans le conflit a été dépassée par l’utilisation d’armes chimiques (par le pouvoir évidemment, selon la version occidentale).
C’est pourtant au moment où il apparaissait que la France est parvenue à rallier à son point de vue ses partenaires occidentaux que son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a fait la plus surprenante des déclarations à laquelle l’on ne pouvait s’attendre de la part de Paris. Il a tout simplement affirmé qu’il n’est plus question de fournir d’armement à la « rébellion ». Pourquoi un tel revirement de sa part, lui qui tenait dur comme fer sur le « devoir moral et humain » des puissances occidentales à fournir l’armement indispensable à la « rébellion » pour « équilibrer sa puissance de feu avec celle de l’armée régulière » ?
On peut évidemment mettre au crédit de François Hollande et de Laurent Fabius qu’ils ont enfin eu les yeux décillés sur le rapport de force qui s’est instauré au sein de « l’opposition » armée au pouvoir syrien et s’être rendu compte que la composante de celle-ci, qui a les faveurs françaises et occidentales, ne pèse pas lourd en réalité devant celle qui se bat sous la bannière du salafisme djihadiste. Mais plus prosaïquement, voir dans leur rétropédalage, l’effet des pressions dont Paris a fait l’objet de la part de ses principaux alliés occidentaux lui ayant remontré tous les risques pour la sécurité de l’Occident qui peuvent découler du déversement d’armement au profit de cette « opposition » pour le moins hétéroclite.
François Hollande s’est ravisé au constat de l’isolement dans lequel il s’est retrouvé au sommet du G8 en Irlande du Nord sur cette question de l’armement de la « rébellion ». L’on fera remarquer que Fabius s’est dédit sur le sujet peu après que le roi d’Arabie saoudite, dont le pays manipule et finance les groupes djihadistes rameutés en Syrie ,a lancé un appel « au djihad » en Syrie contre le « régime impie » de Bachar El-Assad. Persister dans ces conditions à plaider pour la fourniture d’armement à cette opposition syrienne ,où l’élément salafo-djihadiste l’a emporté sur l’opposition politique, équivaudrait pour la France à se retrouver l’alliée d’un camp qui a désormais ouvertement dévoilé qu’il ne se bat pas pour faire triompher en Syrie la démocratie et la liberté mais une conception religieuse qui en est l’absolue antithèse.
Paris devrait maintenant en toute cohérence renoncer à sa politique du « jeter de l’huile sur le feu » dans le « conflit » syrien et apporter sa collaboration aux Etats-Unis et à la Russie dans leurs efforts d’organiser la conférence de Genève II sur la Syrie, en vue de promouvoir une solution négociée entre le régime syrien et son « opposition » qui n’est pas encore totalement sous l’emprise du salafisme international